Ce mardi s’est tenue une audience au Conseil constitutionnel sur la conformité de la loi régissant les gardes à vue au regard des droits et libertés constitutionnelles.
Une dizaine d’avocats venus des barreaux de Lille, Brest, Lyon, Paris ou encore Dijon ont pris un à un la parole devant les Sages, au Palais Royal. Ils ont réclamé le changement des règles entourant la garde à vue, dont la présence de l’avocat auprès de la personne mise en cause.
Tous les intervenants ont ainsi pointé du doigt la zone d’ombre que constitue la garde à vue. Ils ont aussi insisté sur le rôle de figurants que jouent actuellement les avocats dans cette phase de l’enquête puisqu’ils n’ont pas accès au dossier et n’assistent pas aux interrogatoires. Ils dénoncent ainsi une "défense à l’aveugle". "Notre rôle se réduit à vérifier que la personne a été alimentée, n’a pas été violentée, à s’entendre réclamer une cigarette qu’on ne peut pas donner et l’entretien est terminé", a fait remarquer Me Emmanuel Ravanas, avocat au barreau de Paris.
Par ailleurs, les avocats ont aussi souligné la hausse considérable du nombre des gardes à vue au cours des dernières années. L’avocat lyonnais Eymeric Molin a noté que ce nombre a augmenté de 80 % entre 1993 et 2009. Face à ces arguments, François Séners, le représentant du gouvernement, a défendu que le régime français de garde à vue respecte pleinement les doits de la défense et que le texte qui le régit a été examiné par le Conseil constitutionnel par le passé.
Les conditions de garde à vue sont régies par les articles 63 à 65 et 77 du code de procédure pénale. Il existe plusieurs types de contraintes qui suivent trois modèles : la procédure pénale de droit commun, la procédure pénale d’exception réservée à la criminalité organisée et le terrorisme, et la procédure pénale concernant les mineurs. Pour les majeurs impliqués dans des affaires de droit commun, la durée de garde à vue est de 24 heures, renouvelables une fois sur autorisation du parquet. Mais la garde à vue peut durer jusqu’à 96 heures lorsque l’enquête concerne des faits de criminalité organisée et de terrorisme. Jusqu’ici, l’avocat n’a pas le droit d’assister aux interrogatoires. Il ne peut s’entretenir avec son client que 30 minutes en début de la garde à vue. Il ne peut ensuite le revoir qu’à partir de la 20ème heure. Pour les faits de criminalité organisée, le premier entretien est même retardé à la 48ème heure, voire à la 72ème heure lorsque le gardé à vue est soupçonné de trafic de stupéfiants ou de terrorisme. Par ailleurs, l’avocat ne peut avoir accès au dossier.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 30 juillet prochain. Trois options s’offrent à lui : valider, abroger ou émettre des "réserves d’interprétation" sur les dispositions du code de procédure pénale régissant la garde à vue. Le gouvernement saura alors s’il doit ou non bouleverser les règles de la garde à vue.