Retour sur les grands dossiers de l’actualité de la semaine avec premièrement, la signature des nouveaux Accords de Matignon par Didier Robert et François Fillon jeudi 14 octobre.
Cet accord porte principalement sur trois chantiers pour une enveloppe de 2,2 milliards d’euros : le Trans Eco express, les plateformes aéroportuaires, et la nouvelle Route du Littoral. L’enveloppe budgétaire a été maintenue, qu’en pensez-vous ?
Paul Vergès : L’enveloppe budgétaire a été maintenue à son chiffre de 2007 mais nous sommes en 2010. Les prix ont augmenté et ce qui est un élément très négatif de l’apport, c’est que nous avions obtenu de Monsieur De Villepin que tout dépassement du montant des travaux devait être assumé par les partenaires en proportion par rapport à leur contribution de départ. Cela a disparu. Ce qui veut dire que le montant de 1,6 milliard d’euros de la Route du Littoral en 2013 va être dépassé et comme il n’y a pas de clause de garantie, c’est la Région qui paiera.
Vous maintenez que c’est la pire décision prise par la Région depuis l’abandon du rail ?
Paul Vergès : C’est la pire décision. Parce que nous avions deux grands projets : celui du Tram Train- de Saint Benoît à Saint Joseph avec une première partie de Sainte Marie à Saint Paul - et le deuxième, qui relevait à l’époque de la responsabilité du Gouvernement, c’était la Route du Littoral.
Vous qui défendez l’environnement, ne pensez-vous pas que le Trans Eco Express soit une bonne décision prise par la Région ?
Paul Vergès : Ce projet est à mon avis totalement en dehors de la réalité. Le problème essentiel de la Réunion, c’est la difficulté de circuler sur les routes parce que la construction des routes ne suit pas le rythme de l’augmentation du parc automobile. C’était la raison principale du Tram Train.
L’autre problème, c’est que les voitures circulent au pétrole. C’est un des éléments qui polluent l’atmosphère. Le Trans Eco Express veut faire des sites autonomes dans toute l’île, c’est à dire donner une route spéciale et autonome aux autobus. A la Réunion, nos villes ne permettront pas d’accueillir ces sites, puisque toutes les rues sont occupées par deux files de voitures. Par où pourra-t’-on faire passer cela ? En même temps, on augmente la pollution atmosphérique. C’est une décision totalement inconséquente.
Cette semaine a également été marquée par deux mobilisations. Près de 70% des français se prononcent contre la réforme. Quelle est votre proposition pour sauver le système des retraites ?
Paul Vergès : Le problème, c’est un problème général et démographique. C’est à dire qu’il résulte à la fois de l’augmentation démographique dans tous les pays de ce qu’on appelle le Tiers Monde et dans les pays développés, c’est le vieillissement de la population qui met en cause les équilibres de sécurité sociale. Il y a la nécessité d’une Réforme mais il faut savoir qui paiera, c’est le problème central. Tout le système proposé, c’est de faire payer les plus faibles et c’est la base de la protestation qui est légitime dans toute la France.
Et à la Réunion, c’est pire : le régime actuel ne garantit pas les Réunionnais. Parce qu’ils n’ont jamais le temps nécessaire pour avoir leur retraite pleine. Si on passe ce temps nécessaire à 41 ans et demi et qu’on passe jusqu’à 67 ans et bien les Réunionnais, au travail. Ils n’auront plus - majoritairement - de retraites pleines et les jeunes qui se lèvent devront attendre 70 ans pour obtenir leur retraite !
Alors, comment faire selon vous ? Il faut travailler jusqu’à quel âge ?
Paul Vergès : Il faut commencer par se concerter et c’est toute la population, dans tous les secteurs - privé et public (...) - car tous les secteurs sont concernés. Il y a une concertation nécessaire. Il y a un problème réel, il faut le régler dans la justice sociale et dans le respect des avantages acquis. Le Gouvernement refuse de discuter et il veut imposer sa loi.
Pourtant vous êtes l’exemple que l’on peut continuer à occuper de hautes responsabilités malgré son grand âge.
Paul Vergès : Le problème sur ce plan, c’est que vous devez avoir une garantie mais cela n’est une obligation. Je ne vois pas pourquoi au-delà de 60 ans, les gens se diraient on a soixante ans, on ne fait plus rien. Au contraire, c’est nier la vie même que de se dire je m’arrêterai un jour.
Cela fait 6 mois que vous avez quitté la Région. Avez-vous eu un coup de blues lorsque vous avez quitté vous fonctions ?
Paul Vergès : Pas du tout.
Vous n’avez ressenti aucun état d’âme en quittant votre bureau que vous avez occupé pendant plus d’une décennie ?
Paul Vergès : Pas du tout, mais sinon que dire : c’est un travail interrompu. Il faut le reprendre le plus vite possible.
Quelle est aujourd’hui votre journée type ?
Paul Vergès : Ma journée type est très remplie. A la fois par l’étude des problèmes mondiaux qui constituent la contrainte principale à nos vies, ici, à la Réunion. Et également le travail avec mes camarades, dans l’activité politiques. J’ai des journées très occupées.
En ce qui concerne vos opinions politique : le communisme est une idéologie que vous avez longtemps défendu. Est-ce que ce sont des idées que vous reniez ou auxquelles vous adhérez encore ?
Paul Vergès : Je ne suis jamais plus communiste qu’aujourd’hui. Ce n’est pas parce que des gens se sont trompés et qu’ils ont créés des aspects négatifs que je dois remettre en cause l’analyse Marxiste de la situation, sa portée historique et la dater dans le temps. C’est comme si vous me disiez est-ce que vous êtes encore catholique parce qu’il y a eu l’inquisition mais l’inquisition, ce n’est pas toute la religion catholique.
Pourtant en créant l’Alliance, vous disiez qu’il fallait créer un parti plus ouvert et ne pas restreindre la politique à un esprit bi-polaire, trop de Droite ou de Gauche.
Paul Vergès : Je pense que sur ce plan - et La Réunion est un exemple -, je ne connais pas de vision politique plus étroite, plus immédiate que celle de la classe politique réunionnaise. Elle est faite de petites ambitions avec de petites pensées. Il faut réveiller tout ceux qui veulent changer et qui sont dans tous les milieux. Leur donner le sentiment de la situation globale à la Réunion et de notre responsabilité historique de trouver une solution réunionnaise. C’est pour cela que je suis ouvert à tous ceux qui sont inquiets pour l’avenir.
Depuis votre départ de la pyramide inversée, plusieurs vos proches collaborateurs ont migré vers le Département. On peut dire que c’est un peu votre deuxième maison aujourd’hui ?
Paul Vergès : Non, je pense qu’ils ont été choisis au conseil général, je leur souhaite une bonne carrière, c’est tout.
Est-ce que vous craignez l’issue des élections cantonales pour la majorité au sein du Département ?
Paul Vergès : Je pense qu’au contraire, cette majorité va être renforcée et c’est une bonne chose pour équilibrer les orientations du conseil régional actuel. Et surtout à la veille de la grande réforme qui remettra en cause l’existence dans les conditions actuelles d’un conseil général et d’un conseil régional. C’est un problème de quelques années.
Peut-on dire que vous entretenez des rapports privilégiés avec Nassimah Dindar ?
Paul Vergès : J’ai les relations que je peux avoir avec la présidente du conseil général et qui fait partie d’une majorité à laquelle participent mes amis.
La présidente du conseil général est finalement de gauche ou de droite, selon vous ?
Paul Vergès : La gauche et la droite à la Réunion, c’est quoi ? (...) Pour moi à la Réunion, toute personne est de gauche si elle veut s’intéresser à l’avenir du pays et si elle veut s’unir à tous ceux qui ont les mêmes préoccupations.
On vous reproche d’avoir permis à vos enfants d’accéder à des postes à responsabilités, est-ce que vous comprenez que cela puisse interpeller ?
Paul Vergès : Je pense que ce qu’il faut voir dans ce cadre là : c’est qu’on n’a pas à être privilégié parce qu’on appartient à une famille mais on ne doit pas non plus être ex-communiés parce que, on est d’une famille.
Et en ce qui concerne mes enfants, l’un - Pierre Vergès - a une position politique qu’il a conquis dans des élections. Il faut s’adresser aux électeurs qui ont majoritairement voté pour lui. Et l’autre problème, c’est que le choix que j’ai fait - à la suite d’un appel à candidature pour la Maison des Civilisations -, c’est que la personne qui s’est présentée est arrivée avec des titres et pendant des années de travail, elle (ndrl : François Vergès) a fait un travail de rayonnement national et international considérable.
Retrouvez l’intégralité de ce face à face avec Paul Vergès dans la vidéo ci-jointe, ainsi qu’une séquence portant sur des "questions décalées".