Avant de gagner le premier grand titre de sa carrière dimanche à Madrid, Aravane Rezaï a emprunté des chemins tortueux sous la direction d’un père omniprésent, toujours à ses côtés, mais dont la présence moins pesante et exclusive lui permet aujourd’hui de s’épanouir.
MADRID (AFP) - Avant de gagner le premier grand titre de sa carrière dimanche à Madrid, Aravane Rezaï a emprunté des chemins tortueux sous la direction d’un père omniprésent, toujours à ses côtés, mais dont la présence moins pesante et exclusive lui permet aujourd’hui de s’épanouir.
En tennis, le duo père-fille véhicule une image pas toujours positive et le couple Rezaï a longtemps contribué à en alimenter le côté sombre.
Aujourd’hui entraîneur de la Stéphanoise de 23 ans, Patrick Moratoglou précise : "le père d’Aravane a pour seul objectif que sa fille soit la plus forte possible. Beaucoup de parents ont le même mais veulent également faire partie de l’histoire. Lui veut juste qu’elle aille au bout, si elle peut."
Cela n’a pas empêché les excès du père, Arsalan, qui a nourri un vrai catalogue d’insultes et de menaces envers quasiment tous ceux qui, de près ou de loin, avaient un lien avec le tennis et sa fille.
Le vase a définitivement débordé en 2007 lorsque le père Rezaï a lancé des accusations graves à la face de Georges Goven, alors capitaine de Fed Cup.
Interdit de stade pendant deux ans, Arsalan s’est calmé depuis. Mais grandir dans un tel contexte n’a pas été facile et Aravane en a subi les conséquences dès ses premiers pas en public lorsque, à peine arrivée, elle proclamait déjà vouloir "devenir N.1 mondiale et faire une carrière à la Steffi Graf".
"C’est ce qu’elle disait mais pas ce qu’elle ressentait", tranche Moratoglou avant d’ajouter : "à l’époque, elle n’avait aucune ambition". Sous-entendu, son père en avait énormément à sa place.
D’emblée, le clan Rezaï renvoyait une image compliquée lorsque Aravane racontait qu’elle sillonnait les tournois en camping-car. Ou que son père lui avait appris le métier par tous les temps, sur un terrain défoncé, après avoir déblayé la neige ou allumé les phares de la voiture familiale s’il le fallait.
Cette enfance très éloignée du cliché des enfants gâtés du tennis a pour avantage, estime Moratoglou, d’avoir forgé un mental de guerrière à Aravane. "Mon père est comme ça, moi aussi", explique celle qui doit également à son père l’acquisition d’une frappe de balle d’une "violence inouïe".
Malgré cela, Aravane a longtemps vu sa carrière s’enliser, jusqu’à sortir du Top 100 après deux saisons médiocres en 2007 et 2008, aux temps des ennuis.
"Sa frappe de balle est un outil extraordinaire, encore fallait-il savoir l’utiliser", souligne Moratoglou qui a poli le jeu d’Aravane en lui apportant une dimension tactique, quelque chose que, avoue-t-elle, son père "n’aurait pas pu" lui apprendre.
"Aujourd’hui je vois le tennis différemment", dit-elle. Sa collaboration avec Moratoglou, entamée fin 2009, ne lui a pas apporté qu’un sens stratégique. Elle lui a aussi permis de couper un peu le cordon avec son père, même s’il est "toujours là" et qu’il la "surveille de loin".
"Il est omniprésent et il le sera toujours car c’est son travail. C’est lui qui a fait 90% du travail", assure Moratoglou.
Reste que la mue est évidente. Méfiante et sur la défensive par le passé, Aravane offre aujourd’hui un visage rayonnant. Et c’est ainsi qu’elle se présentera en fin de semaine à Roland-Garros où, après avoir été interdite de stade, elle sera cette fois accueillie à bras ouverts, avec son nouveau statut de seizième joueuse mondiale.