Pour sa première conférence de presse en tant que sélectionneur de l’équipe de France mardi, au siège de la FFF, Laurent Blanc, conscient de l’ampleur de la tâche qui l’attend, a souhaité se concentrer sur l’avenir, tout en s’avouant "choqué" par le comportement des Bleus à Kynsna, lors de la Coupe du monde. L’ex-entraîneur bordelais a deux priorités : constituer ses staffs technique et médical, et s’appuyer sur plusieurs joueurs pour encadrer les jeunes.La première conférence de presse de Laurent Blanc peut se résumer à ces quelques phrases clés :
Humour
- A la presse qui était présente en masse : « Rassurez-vous, je ne suis pas devenu le plus grand orateur du foot français.
-« Certains ont démontré récemment qu’ils étaient plus doués que moi ».
- Sur le fait que l’équipe de France risque de dégringoler au classement FIFA à l’issue du Mondial : « Quand on goûté à la crème Chantilly, c’est difficile de revenir à la crême fraîche ».
Etre sélectionneur
- « Pour commencer, un constat ou un aveu, comme vous voulez, je suis très fier d’être là au siège de la FFF. Pour moi, comme pour beaucoup, j’imagine, l’équipe de France, c’est le top des tops. Elle a toujours été un fil dans toute ma carrière. L’EDF, c’est à part. »
- « J’ai profondément conscience de ce que représente l’EDF, de tout ce dont elle est porteuse pour un pays tout entier, et des droits comme des devoirs qui sont liés au maillot ».
- « J’ai naturellement, pour l’EDF de grandes ambitions sportives, elle a un beau challenge à relever. »
Le fiasco en Afrique du sud
- « J’ai suivi les événements avec tristesse, j’ai été déçu par le bilan sportif, j’ai été indigné par certains comportements. J’intégrerai ces éléments dans mon analyse et mes réflexions. »
- « Ce qui m’a le plus choqué et déçu, c’est le comportement du groupe pendant l’entraînement ouvert aux médias. Les responsables sont nombreux mais les responsables ont mal réfléchi. On n’a pas réalisé l’impact à tous les niveaux. »
- « Très peu de monde peut dire ce qui s’est passé à Knysna (lieu de résidence de l’EDF). J’en connais quelques uns. Si j’ai un entretien, je le saurai. »
- « Les leaders ont fait passé l’intérêt pour un joueur (Nicolas Anelka) après l’intérêt collectif. Si vous mettez en grand danger le collectif, vous avez tout faux. »
Sanctions
- « Je ne suis pas devenu sélectionneur pour devenir le "Père Fouettard" ».
L’avenir
- « Tirons un trait sur le passé, le passé n’a pas pas d’avenir, et moi, c’est l’avenir qui m’intéresse.
- « Ma démarche sera de retenir les meilleurs joueurs, à leur meilleur poste, pour faire la meilleure équipe possible, à charge pour eux de témoigner d’un état d’esprit sans aucune ambiguïté dont les deux maîtres mots seront rigueur et discipline ».
- « Je pense qu’il y a quelque chose à faire avec les jeunes joueurs. j’en vois beaucoup faire des choix étonnants, sa,s prendre en compte l’équipe de France. »
L’interview de Laurent Blanc :
Dans quel état d’esprit êtes-vous maintenant que vous êtes sélectionneur de l’équipe de France ?
Je suis très fier d’être là, au siège de la FFF, comme sélectionneur-entraîneur de l’équipe de France. Pour moi, l’équipe de France c’est le top. Ça a toujours été un fil conducteur dans ma carrière et ça continue en tant qu’entraîneur. Pour moi, l’équipe de France est à part et elle est au-dessus de tout. J’y ai connu des moments pénibles mais aussi des moments forts, voire même très forts. A moi de lui rendre tout cela avec la même passion, qui n’a pas changé, mais avec encore plus d’ambition, d’exigence et de professionnalisme. Mon attachement à l’équipe de France n’est plus à démontrer, il est total, j’espère que personne n’en doute.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
D’abord en restant fidèle aux valeurs et aux critères que j’ai toujours mis en avant : l’excellence dans tout ce qui est sportif, bien sûr, puisqu’on va être jugé sur les résultats mais aussi un état d’esprit irréprochable. Ma démarche sera de retenir les meilleurs joueurs, puisqu’on est dans l’excellence, et à leur meilleur poste. Tout ça pour faire la meilleure équipe possible. A charge pour eux de démontrer un état d’esprit sans aucune ambigüité. Les maîtres-mots seront rigueur et discipline. Personne ne sera exonéré de ces critères. Rigueur, discipline, plaisir, pour moi ces mots ne sont pas incompatibles. Au contraire. Cela étant dit, je prends l’équipe de France telle qu’elle est. Je ne peux évidemment pas faire comme s’il ne s’était rien passé en Afrique du Sud. J’ai suivi les événements avec beaucoup de tristesse. J’ai été déçu par le bilan sportif, mais j’ai été surtout indigné par certains comportements. J’intègrerai ces éléments dans ma réflexion et mon analyse dans un futur proche. J’ai toujours eu des principes, des règles de comportement, et ils n’ont pas changé.
Des joueurs comme Patrice Evra et Franck Ribéry, très critiqués à Knysna, seront-il dans votre prochain groupe, contre la Norvège ?
Si je les considère comme les meilleurs à leur poste, ils seront là. Mais vous connaîtrez ma sélection le 11 août. Ma réflexion première va pour constituer le plus rapidement possible mes staffs technique et médical. On a réussi à "recruter" Henri (Emile, comme coordinateur sportif) et Philippe (Tournon, comme attaché de presse), deux personnes qui vont être importantes dans le futur. Pour le reste, mes choix ne sont pas arrêtés. Et avant de choisir les joueurs, et rassurez-vous il y aura une équipe contre la Norvège, mes entretiens iront dans ce sens-là. C’est la chose la plus importante. Mon idée, c’est que les personnes qui seront avec nous seront totalement avec nous. Ils ne seront affiliés à aucun club, pour avoir une certaine légitimité.
Les incidents de Knysna, notamment la grève des joueurs lors de l’entraînement, auront-ils une incidence sur vos choix ?
Je suis comme tous les Français qui ont suivi cette Coupe du monde. On a la déception du résultat, on s’attendait à mieux au niveau sportif. Mais vous savez aussi bien que moi que c’est toujours difficile d’obtenir des résultats parce qu’il y a des éléments qu’on ne maîtrise pas toujours. Ce qui m’a le plus choqué, ce qui m’a plus déçu, c’est le comportement du groupe, et je dis bien du groupe, lors de l’entraînement qui était, qui plus est, ouvert aux médias à 48 heures du troisième match contre l’Afrique du Sud. Je pense que les responsables sont nombreux. La décision qui a été prise a été mal réfléchie. On a fait ça au seul entraînement qui était ouvert aux médias... On n’a pa pris conscience qu’on pouvait porter atteinte à l’équipe de France. Forcément, les joueurs ont leur part de responsabilités. Mais je ne suis pas le Père Fouettard de l’équipe de France. Ce n’est pas à moi de prononcer des sanctions. Pour avoir les meilleurs résultats, je dois avoir la meilleure équipe. Les meilleurs joueurs français, on les connait. Je pense qu’il y a des choses à faire avec des jeunes joueurs. J’espère que l’équipe de France sera un critère de choix pour les jeunes joueurs, j’en vois trop faire des choix de carrière, ou de portefeuille, et se perdre dans la nature. C’est dommageable pour eux et pour l’équipe de France. J’espère que pour l’environnement des jeunes joueurs, agents et médias, le critère de l’équipe de France entrera en considération.
Comptez-vous vous faire une opinion personnelle sur Patrice Evra et Franck Ribéry avant toute chose ?
Là, on est en train de fabuler. Il y a très peu de personnes qui peuvent dire ce qui s’est passé à Knysna. Si j’ai un entretien avec eux, j’espère qu’ils me diront ce qui s’est passé. Comment on veut fonctionner ? On veut faire table rase du passé et repartir avec des nouveaux joueurs ? Ce qu’on veut, c’est que l’équipe de France gagne, je ne veux pas juste faire plaisir à certains. C’est une situation délicate, il y a des entretiens à avoir. Mais avec des personnes qui peuvent m’amener à faire les bons choix. Je connais certaines personnes qui étaient à Knysna, ça peut être des joueurs ou des membres de l’encadrement technique. Ce qui m’intéresse, ce qu’on sélectionne les bons joueurs avec la bonne mentalité. Ce qui s’est passé là-bas était inimaginable. Mais j’ai un match à préparer pour le 11 août. J’aurais préféré m’appuyer sur un noyau de joueurs mais après ce qui s’est passé, le noyau n’est même pas le pépin d’un melon. Je veux faire un noyau fort, de un, deux, trois, quatre, cinq ou six joueurs, qui nous garantisse un certain niveau. A un certain moment, l’équipe de France pouvait se permettre de dire : "On va à l’Euro pour le gagner". Mais là, soyons humbles, je ne pense pas qu’on soit dans le top 10 du prochain classement Fifa... J’espère qu’on va retrouver une certaine place dans le gotha. Quand on a mangé de la chantilly, c’est dur de goûter à nouveau à la crème fraîche...
Est-ce difficile de passer après Raymond Domenech ?
J’aurais aimé que l’équipe de France fasse un meilleur parcours pour que les joueurs aient acquis un capital confiance. Là, ce capital confiance est minime et ce n’est pas la meilleur façon de préparer les deux matches qui viennent. Les résultats sportifs ne facilitent pas ma tâche. Mais succéder à mon prédécesseur n’est pas plus facile ou plus difficile qu’autre chose. Je ne me suis pas dit que c’était le bon moment parce que mon prédécesseur avait fait ceci ou cela. C’est un choix personnel, une envie. J’avais déjà eu l’opportunité d’être sélectionneur de l’équipe de France, ça ne s’était pas fait. Quand une chance se présente deux fois, il ne faut pas la rater parce qu’elle se présente rarement trois fois.
Quelle place allez-vous accordez à France 98 dans votre staff ? Ces joueurs auront-ils une place particulière ?
Dans mes rapports affectifs, oui. Dans mes rapports professionnels, ce qui m’intéresse c’est d’avoir des gens compétents autour de moi. On résume un peu tout dans ce mot de "France 98". France 98, ce sont avant tout des joueurs qui ont vécu dix ou quinze ans ensemble en équipe de France, ce sont des gens compétents qui peuvent vous amener quelque chose sur le terrain ou dans la réflexion que vous pouvez avoir. Ce sont des gens que j’ai toujours plaisir à rencontrer. Mais ce n’est pas parce que je suis devenu sélectionneur de l’équipe de France que je vais m’empêcher d’avoir des entretiens amicaux avec eux. Est-ce que je vais en intégrer dans mon staff technique ? Je peux y songer, s’ils remplissent les critères que j’ai énumérés avant. Des échanges, j’espère qu’on en aura et que nos rapports ne seront pas changés à cause de ma nouvelle fonction.
Allez-vous enfin relever les critères de sélection en équipe de France en prenant des joueurs qui jouent régulièrement au plus haut niveau ?
Vous avez des convictions quand vous êtes entraîneur, mais vous avez aussi des évidences. Même avec ce qu’il s’est passé, il y a des joueurs français qui sont titulaires dans les plus grands clubs français et étrangers. Ça, c’est une certitude. Il y a des joueurs qui côtoient le haut niveau. Regardez l’Allemagne, elle a des jeunes joueurs qui n’ont pas beaucoup d’expérience au plus haut niveau et elle est capable de nous faire plaisir. Mon premier travail sera de constituer un noyau de joueurs expérimentés qui puissent accompagner les jeunes en devenir. Pour l’instant, ce noyau-là, je ne l’ai pas encore constitué.
Avez-vous déjà choisi l’identité de votre capitaine ?
Non, je n’ai pas d’éléments qui me permettent de faire un choix définitif. Il est très possible que le capitaine change à chaque match lors des prochaines rencontres.
Sur quels arguments allez-vous vous appuyer pour motiver les jeunes joueurs ?
J’espère qu’ils sont motivés d’eux-mêmes et que les joueurs n’ont pas besoin de quelqu’un pour avoir envie de revêtir le maillot bleu et faire une carrière internationale. Sinon, c’est à désespérer de tout. A moi et d’autres de leur faire comprendre. Quand vous êtes joueur, vous avez des paliers d’ambition. A seize ans, c’est signer son premier contrat professionnel Ensuite, devenir titulaire, ensuite devenir titulaire dans un grand club de Ligue 1 et après, éventuellement, de devenir titulaire dans un grand club étranger... L’équipe de France doit être un fil conducteur dans tout ça. Les choix de clubs sont très importants, mais gagner des titres avec l’équipe nationale, il n’y a pas de meilleure joie. S’ils ne pensent qu’à leur carrière en club, je pense qu’ils commettent une erreur.
Faut-il faire respecter un contrat moral aux joueurs envers l’équipe de France ?
Ça s’est déjà fait, mais ça n’a pas été respecté. On ne fait pas un sport individuel. On a un comportement individuel à avoir mais la performance est collective. Que ce soit avec des jeunes ou des joueurs plus confirmés, il faut qu’ils aient un comportement irréprochable. Quand je dis que je veux trouver un noyau, c’est pour avoir un collectif très fort, pas pour faire plaisir à untel ou untel. [En Afrique du Sud], les leaders de l’équipe de France ont sauvegardé l’intérêt qu’ils voulaient avoir par rapport à un joueur (Nicolas Anelka,) plutôt que de préserver les intérêts du collectif. C’est très grave. Si vous faites ça, vous avez tout faux. Ceux qui ont fait ça ont une responsabilité qu’il faudra assumer, Il faudra changer.
(Interview :Sports.fr)