Les infirmiers rodriguais tirent la sonnette d’alarme face à la piètre qualité du service de santé sur l’archipel. Pénurie du personnel, manque d’hygiène, insécurité... Leurs griefs sont nombreux.
Dans une lettre adressée au ministre de la Santé, les infirmiers rodriguais ont tiré la sonnette d’alarme pour éveiller les consciences face à la situation dégradée du service de santé local. Conditions de travail difficiles, effectifs réduits, problèmes d’insalubrité, manque d’équipements médicaux, insécurité…les griefs ne manquent pas pour ces professionnels de santé, qui œuvrent dans plusieurs établissements de l’archipel.
A l’hôpital de Crève-Cœur, les infirmiers dénoncent notamment l’absence de salles spécialisées, « si bien que les malades devant être opérés sont admis dans la même salle que ceux qui viennent d’être opérés », rapporte Defimedia.info. Ainsi, les malades atteints de troubles psychiatriques sont pris en charge dans la même salle que les autres malades. Pis encore, les patients souffrant des maladies infectieuses comme la tuberculose et la malaria ne sont pas isolés, ce qui ouvre la voie à un risque de contamination et de propagation de la maladie.
« Nul besoin de souligner le risque d’infection pour les malades qui viennent d’être opérés. Il arrive même que certains malades agressent d’autres physiquement dans cette salle puisqu’elle accueille aussi des malades atteints de troubles psychiatriques », racontent les infirmiers.
Toujours à l’hôpital de Crève-Cœur, la capacité d’accueil de l’établissement est fortement décriée puisque, faute de place, les malades qui sortent du bloc opératoire ne disposent pas d’une salle de repos, mais sont laissés « carrément dans un couloir » qui « mène directement vers les toilettes ». « Ce genre de traitement accordé aux malades est navrant. De plus, il n’y a aucun ‘recovery nurse’ dans cette salle pour accompagner les malades », déplore ce groupe d’infirmiers.
Concernant l’hygiène proprement dite, les infirmiers relèvent que la qualité des toilettes laisse à désirer à Crève-Cœur ainsi que dans certains centres de santé, dont ceux de La-Ferme et Mont-Lubin. D’après Defimedia.info, patients, personnel médical et membres du public partagent les mêmes toilettes. « Ces toilettes sont dans un état déplorable. Elles sont pires que certaines toilettes publiques. L’année dernière, les dirigeants de la Nursing Association sont venus constater de visu la situation. Ils ont même plaidé en notre faveur et celle des malades. Mais rien n’a changé depuis », se plaignent les infirmiers, précisant que le personnel soignant est privé de salle de bains, tout comme au centre de Mont-Lubin et à celui de La-Ferme.
Les équipements défectueux ont aussi été évoqués, notamment à bord des ambulances et sur les scanners. De plus, la plupart des lits dans les salles sont de piètre qualité. « Cela ne rend service ni aux malades ni à nous les infirmiers. Le confort n’est pas assuré aux patients alors que notre tâche de prendre soin d’eux est plus ardue à cause de ces lits défectueux », témoigne un de ces infirmiers. « Les salles de Mont-Lubin ayant coûté des millions aux contribuables restent sous-utilisées alors que des patients s’entassent dans des salles crasseuses », écrivent ces infirmiers dans leur courrier.
Ils ont par ailleurs montré du doigt l’utilisation d’une vieille civière au centre de santé de Mont-Lubin, ce qui complique un peu plus le transport des malades.
« En sus des infirmiers, les malades eux-mêmes ne jouissent pas du confort requis lors de leur hospitalisation. Il y a des lits qui sont endommagés alors que certains matelas sont en piteux état. Quant aux infirmiers rodriguais, ils travaillent souvent dans des conditions inhumaines. Je peux vous dire que Rodrigues est le parent pauvre de la Santé », commente Ram Nowzadick, secrétaire général de la Nursing Association.
Dans leur missive, les infirmiers s’élèvent aussi contre leurs rudes conditions de travail, pas de repos hebdomadaire, service de nuit obligatoire... L’un d’eux n’aurait même pas bénéficié de congé pour son mariage, en raison du manque de personnel. Tout cela sans compter les cumuls de responsabilités.
La lettre parvenue au ministère de la Santé fait état d’une insécurité inquiétante dans les centres de santé et dispensaires de Rodrigues. A titre d’exemple, l’hôpital de Crève-Cœur fait face à une évasion fréquente des malades. Une évasion qui a coûté la vie à un patient il y a quelques années, à cause du manque de soins et de suivi. « Pourtant, on aurait pu éviter ces évasions considérablement, en prenant certaines mesures correctives, dont la réparation de la grille. Permettre au poste de police de l’hôpital d’enregistrer nos plaintes au lieu de nous rendre à celui de Port Mathurin aurait aussi été une bonne mesure. Nous n’aurions, dans ce cas, pas eu à laisser les malades à eux-mêmes durant notre absence », suggèrent les infirmiers rodriguais. Et ils ajoutent : « À Maurice, les hôpitaux sont non seulement clôturés, mais il y a des vigiles pour y contrôler l’accès ».
Les infirmiers rodriguais réclament également le renforcement des effectifs pour assurer une meilleure prise en charge des malades. Dans le même temps, ils plaident pour la mise en place d’un programme de formation spécialisée, tel qu’il a été fait à Maurice. « Contrairement aux infirmiers mauriciens, nous n’avons jamais l’opportunité de nous spécialiser dans un domaine particulier. Ce qui est discriminatoire », clament-ils.
Par ailleurs, les infirmiers rodriguais relatent une scène inhabituelle qui se déroule quotidiennement à l’hôpital Queen Elizabeth : « des chiens, chats, rats, poules et autres animaux y errent presque en permanence. Les poules font même leurs nids dans la cour de l’hôpital pour pondre leurs œufs ! Même les chiots naissent dans la cour de l’hôpital ! Certains chiens, parfois agressifs, empêchent les malades et visiteurs d’avoir accès à l’hôpital ». « Avec les toilettes insalubres et tant d’animaux dans la cour de l’hôpital, imaginez à quel point l’hygiène n’y est pas de mise ! L’établissement est lui-même une source importante d’infections. Cela, au nez et à la barbe de tout le monde », concluent ces infirmiers, qui en appellent au gouvernement pour se pencher sur leur cas.