Quand les Palestiniens jouent au football à Anata, en Cisjordanie, mieux vaut ne pas expédier le ballon au-dessus du mur de séparation israélien qui passe au milieu du stade municipal. Car récupérer la balle est à leurs risques et périls.
ANATA (Cisjordanie) (AFP) - Quand les Palestiniens jouent au football à Anata, en Cisjordanie, mieux vaut ne pas expédier le ballon au-dessus du mur de séparation israélien qui passe au milieu du stade municipal. Car récupérer la balle est à leurs risques et périls.
Avant, pour aller ramasser les ballons perdus, Mourad Obeidi devait ramper dans un tunnel creusé sous la barrière de béton. Aujourd’hui, c’est quasiment impossible, Israël ayant interdit l’accès aux abords du mur.
Les footeux d’Anata, petite ville palestinienne relativement aisée dans la banlieue nord de Jérusalem, ont peur de se faire tirer dessus par les soldats israéliens.
"Ils prétendront que j’étais en train de préparer un attentat", déclare Mourad Obeidi, joueur amateur de 21 ans, qui manie le ballon sur le terrain poussiéreux d’Anata.
"Ils tiraient parfois des grenades lacrymogènes quand on était à l’intérieur du tunnel, mais d’autres fois, on réussissait à ramener le ballon. Maintenant c’est impossible", raconte-t-il.
Comme beaucoup d’habitants d’Anata, Obeidi a une carte de résident de Jérusalem, toute proche, mais depuis la construction de la barrière controversée, il s’est retrouvé du mauvais côté, en Cisjordanie occupée, et donc isolé de la Ville sainte.
Là serpente l’impressionnant mur de ciment, haut de huit mètres, qui vise à protéger Israël des attaques. Les Palestiniens l’appellent le "mur de l’apartheid".
L’édification de la clôture de sécurité a commencé en 2002, en pleine intifada (soulèvement), alors qu’Israël faisait face à une vague d’attentats palestiniens sanglants. A ce jour, 413 des 709 km prévus ont été érigés.
Elle empiète sur la Cisjordanie et rend problématique la création d’un Etat palestinien viable.
Dans un avis rendu le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé illégale la construction de cette barrière et exigé son démantèlement, tout comme l’a fait ensuite l’Assemblée générale de l’ONU.
Israël n’a pas tenu compte de ces demandes.
A Anata, le mur a amputé la moitié du stade de foot et Moussa Khalil, l’entraîneur du club local, veille à ce que ses joueurs ne frappent pas le cuir trop haut.
"Comme le stade est coupé en deux, on se sert de la moitié de terrain qui nous reste", explique-t-il à l’AFP.
Depuis un an et demi, son club a perdu des dizaines de balles. Le bilan du dernier tournoi local, le mois dernier, est particulièrement élevé : 15 ballons se sont accidentellement envolés de l’autre côté.
Cette zone d’Anata limitrophe du mur avait été rebaptisée le "Quartier de la Paix" en 1993, après les accords de paix d’Oslo.
"Nous l’avons appelé le +Quartier de la Paix+ parce que nous pensions que la paix était à portée de main", se souvient Moussa Al-Qasrawi, 58 ans, animateur de quartier.
"Nous n’avons pas eu la paix, nous avons eu un mur", dit-il amèrement.
M. Qasrawi, qui n’a pas le précieux sésame de résident de Jérusalem - seulement une carte d’identité de Cisjordanie - n’est pas autorisé par les autorités israéliennes à aller dans la ville sainte.
Aujourd’hui, les habitants du "Quartier de la Paix" peuvent entendre le vrombissement des tractopelles affairés à agrandir, juste de l’autre côté de la barrière, l’implantation juive de Pisgat Zeev.