Anasthasie, 54 ans, est propriétaire d’une maison à Saint-Paul qu’elle louait à une famille, depuis 2017. Toutefois, depuis novembre 2021, elle ne reçoit plus de paiement de loyer. De retour sur son île après avoir vécu en France, la justice lui donne raison et ordonne l’expulsion des locataires. Toutefois, aujourd’hui encore, la cinquantenaire se retrouve à dormir dans sa voiture alors que ces derniers continuent d’occuper sa maison.
Depuis février 2022, Anasthasie a pour seul foyer sa voiture, une tente et emporte partout avec elle ses affaires entassées dans une valise et des sacs. Pourtant, Anasthasie est propriétaire d’une maison à Saint-Paul. Une maison occupée aujourd’hui par un couple et leurs deux enfants, mineurs, anciennement locataires. En effet, depuis novembre 2021, ces derniers ne payent plus le loyer, car ils font face à des difficultés financières, et, originaires de métropole, ils n’ont personne chez qui loger à La Réunion. Alors, ils continuent de vivre gratuitement dans la maison. Anasthasie a donc décidé de les poursuivre en justice.
Avant ce jour, Anasthasie vivait en métropole, depuis 2012. En février dernier, elle décide de retourner sur son île pour assister à son audience et pour limiter ses dépenses, car elle aussi est en situation de précarité. Toutefois, il est impossible pour elle de vivre dans sa maison, occupée par le couple et leurs enfants.
Le mois suivant, cependant, elle obtient gain de cause lors du procès les opposants. Les locataires sont condamnés à lui payer le loyer impayé. Prenant en compte leur situation de précarité, le juge leur donne jusqu’au 23 juin pour libérer la maison. Le couple demande alors un délai supplémentaire de cinq à huit mois pour se trouver un logement, ce qui leur a été refusé. "Le juge la été de bonne foi et la explique au locataire ke lété pas possible vu ke ma situation lé plus grave que la sienne", rapporte Anasthasie.
Début juillet, alors que la justice est en faveur d’Anasthasie et que le délai donné par le juge est passé, la famille n’a toujours pas quitté sa maison. Alors, complètement démunie, elle décide de se rendre chez elle et de confronter directement les locataires, avec du soutien. "Ma la dit donne a mwin serait-ce une chambre pou dormi. Bana i tient pas compte de ma situation, zot lé insensible. Zot la appel gendarmes ke la tire a nou ter là, alors ke mavé déjà dépose une main courante parske bana té devé sortir de ma maison", raconte-t-elle. Aux yeux de la loi, Anasthasie ne peut pas mettre les locataires à la porte, alors qu’elle-même n’a plus de toit.
Depuis que ses locataires ont cessé de lui verser le loyer mensuel qui lui servait de complément de revenu, Anasthasie se retrouve dans une situation financière compliquée. Désormais sans emploi, la Saint-Pauloise ne peut pas bénéficier des aides de l’État, car elle est propriétaire. De plus, elle se retrouve à devoir rembourser le crédit de cette même maison, construite en 2003, mais doit aussi financer les études de son fils.
Ainsi, la cinquantenaire se retrouve dans l’incapacité de se loger et fait le va et vient dans des hébergements quand elle ne dort pas dans la rue. Elle déplore que depuis son retour à La Réunion et malgré les décisions de justice, elle soit contrainte à dormir dans la rue ou à être hébergée par le 115 la nuit, alors que les locataires vivent dans de meilleures conditions sous son propre toit.
En juillet, face au refus des locataires de respecter l’ordre d’expulsion, un huissier de justice a transmis une réquisition de concours de force publique à la préfecture. Désormais, c’est à l’État qu’il revient de trouver un logement pour la famille et de les expulser de la maison de Saint-Paul d’ici début septembre. Si un logement n’est toujours pas trouvé d’ici là, c’est Anasthasie qui sera relogé aux frais de l’État jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.
En attendant, cependant, Anasthasie reste sans demeure pour le mois à venir.
Laëtitia Bègue