Pour évoquer l’avenir de la filière canne à La Réunion, Jean-Michel Moutama, président de la CGPER et membre du CPCS, et Florent Thibault, directeur agricole de Tereos océan Indien et co-président du CPCS intervenaient sur le plateau du 12h30 d’Antenne Réunion.
À la sortie mercredi d’une réunion avec le préfet, quelques mots forts ont été entendus. Certains planteurs estiment que l’État a signé la mort de la filière canne. Pour Jean-Michel Moutama, "ce sont des propos durs mais c’est la vérité. Ce qu’on attendait de cette première réunion avec l’État, l’ensemble des acteurs de cette filière, c’est que l’État se positionne clairement sur la durabilité de notre filière. On a mis des chiffres sur la table qui sont légitimes. Ces 20 millions d’euros pour soutenir les planteurs sont justifiés (et 15 millions d’euros pour les industriels)."
Hier, l’État s’est engagé à reconduire en 2022 et 2023 l’enveloppe annuelle de 38 millions d’euros allouée depuis 2017 pour compenser la fin des quotas sucriers. Une reconduction insuffisante pour le président de la CGPER et membre du CPCS.
"On a signé une convention canne en 2015. Aujourd’hui nos agriculteurs n’ont plus de pouvoir d’achat. Tout augmente, on ne peut plus continuer comme ça. On a des propositions à faire mais l’État nous dit que les propositions sont pour 2023. Comment se projeter dans une filière si nous n’avons plus de visibilité ?"
La nouvelle convention canne pour la période 2022-2028 doit être signée avant le début de la prochaine campagne sucrière de cette année. En l’état actuel des choses, Florent Thibault estime que les négociations ne peuvent réellement démarrer.
"C’est impossible, elles ne peuvent pas commencer à l’état, il n’y a pas de visibilité comme l’indique Jean-Michel Moutama. Il y a une union sacrée de l’ensemble de la filière car on se rend compte que ce n’est pas possible de négocier quelque chose sur le long terme et que la filière est vraiment en danger à l’heure actuelle. L’État nous dit simplement de signer, je vous donne la même chose que vous avez toujours eu, par contre je n’efface pas les effets de la politique européenne ou nationale qui sont désastreux pour La Réunion. Les professionnels demandent la compensation des mesures prises par l’État et par l’Union européenne qui nous impactent directement alors que la situation de La Réunion n’a jamais été prise en compte."
"Je ne sais pas ce qui coince, il y a sans doute un problème budgétaire”, pour l’État", poursuit Florent Thibault. "La PAC (Politique agricole commune) c’est 63 milliards d’euros par an. Les 35 millions d’euros de La Réunion, qui permettent de faire vivre 18 000 personnes, sont très importantes."
Quelques critiques sont toutefois formulées. Frédéric Vienne, le président de la Chambre d’Agriculture reproche à Tereos de ne pas avoir su moderniser la filière ces dernières années avec les 38 millions d’euros versés annuellement.
"C’est une aide compensatoire liée à la fin des quotas sucriers qui a pour but de nous mettre à concurrence égale avec les producteurs européens de sucre sur les sucres blancs. Elle ne concerne que les sucres bruts qui partent de La Réunion pour devenir des sucres blancs et nous garantir un accès à ces marchés-là.
Depuis il y a eu des changements, notamment concernant la politique commerciale menée par l’UE nous exclut de nos marchés sur notre cœur de métier qui sont les sucres spéciaux -le sucre roux- directement consommables et pour lesquels nous sommes reconnus à travers toute l’Europe comme filière d’excellence. Aujourd’hui, ce qui se passe, le fleuron de l’industrie agro-alimentaire à La Réunion qu’est la filière sucre, est menacé par les impacts très dommageables de la politique commerciale européenne et l’absence de soutien fort de la France qui ne nous met pas dans le top de ses priorités dans les négociations avec l’Union européenne", développe Florent Thibault.
Canne : le statu quo décidé par le préfet ne convient pas aux acteurs de la filière