Dans cette carte blanche, l’avocat maitre Said Larifou, président du Parti Ridja, interpelle directement au nom de l’union de l’opposition comorienne, le secrétaire général de l’ONU Ban-Ki-Moon, pour obtenir la fin de la présence des mercenaires aux Comores.
Monsieur le Secrétaire Général,
Loin de toute considération de personne et sans nullement nous laisser entrainer par des passions, mais par devoir, nous, Union de l’opposition démocratique des Comores, avons l’honneur de solliciter votre assistance pour obtenir la fin de la présence aux Comores des mercenaires au service du Président sortant Ahmed Abdallah Sambi. Cette situation dans notre pays fragilise la réconciliation en cours et constitue un facteur de risque sérieux contre la paix, les libertés et la démocratie, surtout dans le contexte présent où l’on constate que ceux recrutés par le Colonel Mouammar Kadhafi, sont utilisés pour massacrer des populations civiles sans défense en Libye.
En effet, des mercenaires étrangers, financés par le Chef de l’État libyen, Muammar Kadhafi, encadrent la garde rapprochée du Président de l’Union des Comores. Leur présence, n’ayant jamais été autorisée par le Parlement des Comores, ni négociée au préalable avec les responsables de l’Armée nationale, choque l’opinion et suscite des tensions entre le cabinet militaire de la présidence et l’État-major de l’Armée Nationale de Développement (AND), lesquelles sont à l’origine de l’assassinat du Colonel Combo Ayouba, chef de corps de l’AND suivie de la destitution et l’incarcération du Général Salim Mohamed Amir, Chef d’état-major de l’AND.
Depuis ces évènements tragiques, intervenus respectivement en juin et septembre 2010, ces mercenaires ont investi tous les principaux camps militaires du pays. Ils encadrent et entrainement des milices privées entièrement dévolues à la personne de Sambi sans que personne ne sache précisément la nature de leur mission. À quel usage sont-ils destinés ? Pourquoi le Président Sambi continue-t-il à renforcer leur présence dans le pays alors qu’il est supposé quitter le pouvoir le 26 mai 2011 ?
Monsieur le Secrétaire général,
Ces questions sont justifiées en ce sens qu’arrivé à la tête de l’État comorien en mai 2006, pour un mandat de quatre ans, à la faveur d’une élection transparente et démocratique, le Président Sambi n’a jamais caché son intention et sa volonté de rester indéfiniment au pouvoir.
À quelques mois de la fin de son mandat, il a modifié, le 17 mai 2009, la Constitution pour lui permettre de le prolonger. Et depuis, il gouverne en maitre absolu, bafouant les libertés publiques, fraudant aux élections, détournant les deniers publics et dilapidant le patrimoine national.
Ses relations obscures avec le dirigeant libyen, ses accointances avec les milieux mafieux, l’islamisme radical et son obsessionnel désir de pouvoir inquiètent les Comoriens et devraient, dans le contexte actuel, attirer l’attention des instances internationales. Car, depuis deux ans, le président Ahmed Abdallah SAMBI, sous prétexte d’attirer des investisseurs étrangers, a mis en œuvre, en toute illégalité, une politique consistant à commercialiser la nationalité comorienne, notamment dans le monde arabe ; ce qui a eu pour conséquences d’engendrer la circulation de nombreux passeports comoriens, ordinaires et diplomatiques, sans que les autorités nationales soient en mesure de contrôler l’identité des détenteurs ni de surveiller leurs mouvements avec les conséquences qui pourraient en découler sur le plan sécuritaire international.
Récemment, lors de la libération de la ville libyenne d’Az-Zaouiyah, le 24 février 2011, la presse internationale a révélé l’existence de mercenaires type Européen de l’Est, capturés avec des passeports de nationalité comorienne.
Comme l’écrivait CAMUS : « maintenant, il n’y a plus d’aveugle, ni de naïfs, mais de complices ». L’indifférence à nos alertes sur les conséquences de la présence de ces mercenaires aux Comores et de la vente massive des passeports comoriens dans des pays à risque s’assimile à une forme de non-assistance à un peuple en danger et à une complicité à la violation constante, par le Président sortant Sambi, au droit à la paix et à la sécurité qui sont des droits indivisibles et universels.
Au plan local, ces observateurs en poste à Moroni semblent ignorer ces menaces et s’en tiennent seulement au respect de la souveraineté comorienne et à la non-ingérence. Or, comme dans tous les pays totalitaires, on vit sur deux plans aux Comores : celui des lois et celui des réalités. Comme dans tous les régimes totalitaires, notre constitution, plus démocratique, coexiste avec la répression politique, l’anarchie, la corruption, les détournements des deniers publics et la dilapidation du patrimoine de l’État.
Monsieur le Secrétaire général,
Face à de telles dérives, l’opposition comorienne avait longtemps misé sur les élections harmonisées des gouverneurs des îles et du président de l’Union des 7 novembre et 26 décembre 2010 pour sortir le pays de l’obscurantisme de Sambi pour l’engager, résolument, dans la voie de la transparence et de la démocratie.
Hélas ! La communauté internationale, l’Union africaine, particulièrement, ont préféré se voiler la face sur les fraudes massives et les graves violences qui ont été perpétrées par le pouvoir lors de ces élections, consolidant ainsi un régime que le peuple rejette dans sa grande majorité, sans en mesurer les conséquences. La décision de fixer au 26 mai 2011, la date de l’investiture du nouveau président déclaré élu par la Cour constitutionnelle, sans que cela soit constitutionnellement justifié, est la preuve de la tolérance des observateurs internationaux sur ce qui se passe actuellement et de ce qui pourrait se passer aux Comores.
Nous n’entendons pas toujours de faire porter à d’autres les responsabilités de nos malheurs. Nous nous efforçons d’assumer les nôtres pleinement. Cependant, la défense de l’ordre public international, tel qu’il est imposé légitimement ailleurs, justifie que la communauté internationale soit interpellée sur le sort des Comores et exige qu’elle intervienne en urgence, en vertu du droit international d’ingérence, sur le départ immédiat des mercenaires du Colonel Mouammar Kadhafi et Ahmed Abdallah Sambi de notre pays et que l’enquête préliminaire ouverte par le procureur près la Cour Pénale Internationale sur les crimes contre l’humanité commis en Libye soit étendue et élargie à la fois sur ses complices dont le président Sambi et sur les circonstances et les modalités des recrutements par eux de ces mercenaires.
Après, il sera trop tard. Le peuple comorien a trop longtemps souffert et continue de souffrir. Il ne pourra plus longtemps tolérer la répression, les atteintes aux libertés, la corruption, le détournement des deniers publics et la dilapidation du patrimoine de l’État.
Comme « le droit suit la vie d’un pas boiteux », le contexte géopolitique actuel nous enseigne que la volonté d’un peuple peut aller au-devant de la loi, celle-ci intervenant après pour consacrer cette volonté.
Le courageux soulèvement de nos frères arabes pour exiger plus de démocratie et de liberté, et condamner les injustices sociales, la corruption, le détournement des deniers publics nous interpelle.
Persuadés de l’attention que vous ne manquerez pas d’accorder à cette correspondance, nous vous prions, Monsieur le Secrétaire Général, de bien vouloir agréer l’expression de notre très haute considération.
Pour l’Union de l’opposition comorienne
Me Said Larifou
Président du parti Ridja