Le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, arrive à La Réunion ce matin. Avant d’entamer sa visite, il nous livre une interview exclusive. Le ministre revient sur la future loi agricole et le bouclier qualité-prix.
Suite au séisme politique provoqué par l’affaire Cahuzac, les ministres seront contraints de publier leur patrimoine avant le 15 avril. Que pensez-vous de cette décision ? Pouvez-vous nous dévoiler votre patrimoine ?
Victorin Lurel : Tout ce qui peut permettre de restaurer la confiance entre la République et les citoyens est souhaitable. Les réponses apportées par le président de la République qui devront être mises en œuvre par le Premier ministre et le gouvernement, vont dans le sens de la République exemplaire pour laquelle nous nous sommes engagées.
Conformément à l’engagement du président de la République, le patrimoine des ministres doit être rendu public ce lundi, le mien comme les autres. Je ne me démarquerai pas en anticipant cette démarche collective. Il y a une quinzaine d’années, j’avais été parmi les premiers élus de la Guadeloupe à rendre public mon patrimoine dans la presse. Je n’ai rien à cacher.
Le gouvernement planche sur une réforme des niches fiscales pour 2014. Quelles sont les pistes concrètes concernant l’Outre-mer ?
Victorin Lurel : Le président de la République et le Premier ministre m’ont confié la mission de réfléchir à l’avenir des dispositifs incitatifs à l’investissement. J’ai engagé ce travail en respectant trois principes : la recherche de l’efficience dans l’emploi de la ressource publique, le maintien de l’intensité de l’aide de l’Etat, car il n’est pas question de faire des économies sur les Outre-mer, et la recherche de solutions par le dialogue et la concertation. Cette concertation est engagée. Elle va se poursuivre afin que nous puissions proposer de nouveaux dispositifs dans le projet de loi de finances pour 2014.
A la Réunion, les agriculteurs - et plus particulièrement la CGPER - attendent votre visite pour évoquer leurs inquiétudes quant à la future loi d’avenir agricole, que souhaitez-vous leur dire à ce sujet ? Les agriculteurs doivent-ils redouter la suppression de l’Office de développement de l’économie agricole d’Outre-mer (Odeadom) ?
Victorin Lurel : Je sens en effet monter une certaine inquiétude et je compte bien apaiser les craintes du monde agricole réunionnais que je rencontre à chacun de mes déplacements ici. A ce stade, aucun arbitrage n’a été rendu sur les orientations du prochain projet de loi sur l’agriculture, si ce n’est celui qui prévoit qu’il comportera bien un titre outre-mer.
J’ai entendu dire que nous souhaiterions la disparition de l’ODEADOM. C’est inexact. Le projet de loi a pour ambition de donner aux Outre-mer les outils d’un développement agricole et rural plus cohérent, en s’adaptant aux particularités locales, en tenant compte des priorités de développement des territoires, en privilégiant les pratiques agroécologiques, en soutenant l’installation des jeunes, en favorisant la production locale et sur ce sujet vous savez que la proposition de loi sur l’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire, en cours de débat au Parlement, propose une avancée significative en facilitant l’accès de la production locale aux débouchés de la restauration collective.
Dans l’élaboration de ce texte, il nous faudra répondre à un certain nombre de défis, notamment budgétaires pour les prochaines années. Comment, concrètement, aider au renforcement des filières de diversification si nous avons une enveloppe budgétaire constante ? Nous ne pouvons pas évacuer cette question dans le contexte dans le contexte actuel.
Ma responsabilité est de trouver des solutions et je sais qu’il n’y a pas de solution miracle. Ce que je sais, c’est que nous devons accompagner le développement des filières de diversification. C’est un enjeu considérable. Et nous devons préserver la compétitivité des filières traditionnelles d’exportation, qui sont des filières d’excellence et bien structurées. Sur ce sujet, comme sur les autres, chacun sera amené à s’exprimer dans le cadre de concertations locales, je l’espère dans les toutes prochaines semaines.
Etes-vous satisfait de la mise en place du panier Lurel ? Les Réunionnais n’ont pas caché leur déception et la liste des produits a été critiquée, quel est votre bilan à ce sujet ?
Victorin Lurel : Il est à mon sens un peu tôt pour effectuer un bilan après un mois. Nous attendrons pour notre part d’avoir davantage de recul. Je retiens que La Réunion a été, à bien des égards, exemplaire dans la mise en œuvre du dispositif. C’est chez vous que la baisse a été la plus importante et c’est chez vous que la part de la production locale est la plus importante dans le chariot-type. Enfin, c’est d’abord à La Réunion que j’ai pu observer avec satisfaction que les enseignes se sont lancées dans une petite guerre des prix qui a bénéficié aux consommateurs.
Stimuler la concurrence était l’un de nos objectifs et je crois pouvoir dire que les premiers résultats sont encourageants. Je veux tout de même rappeler que ce dispositif n’est pas comparable avec ceux qui ont conduit à subventionner des produits. On sait que cela ne dure qu’un temps.
Le bouclier qualité-prix, en ce sens, est un dispositif durable et économiquement sain, qui de surcroit ne coûte rien aux contribuables. Je veux également souligner que le bouclier qualité-prix n’est qu’un des aspects de la loi : ainsi, il a été mis fin aux exclusivités de marque depuis le 20 mars dernier, avec l’objectif que cela ait un effet sur les prix de gros. Par ailleurs, nous continuons nos travaux afin de parvenir rapidement à une révision des décrets qui régulent les prix dans certains secteurs, notamment les carburants.