Elle s’appelle Murielle Zitte et est originaire de Saint-Benoît. Arrivée en Guadeloupe en octobre 2008 la jeune femme a fini par être licenciée.....pour motif de crise financière ! La Réunionnaise a tenu un cahier de bord du conflit. Elle tient absolument à raconter aux Réunionnais ce qui se passe réellement aux Antilles depuis 44 jours.
"Je suis originaire de Saint-Benoît. J’ai pris la direction des Antilles en 2002. Je suis arrivée en Guadeloupe en octobre 2008 après six ans passés en Martinique.
La grève dure depuis le 20 janvier. Au début, il s’agissait uniquement pour les gérants de stations services d’empêcher la préfecture de délivrer des autorisations pour l’implantation de nouveaux concurrents. Le jour même, un collectif "Lyannaj kont profitasyon" (LKP : collectif contre le profit) s’est monté et s’est un peu approprié le mouvement en l’étendant. La population a immédiatement soutenu en force ce collectif et, depuis la grève ne cesse de s’intensifier. Avec un peu plus de 130 revendications, cette grève a finalement (enfin !) été prise au sérieux par le gouvernement.... Au bout de 4 semaines…
Du 20 janvier au 3 février, pas une seule goutte d’essence n’a été délivrée par les stations service... Finalement la préfecture accède à la demande des gérants de station pour une période limitée de 3 ans. Cela suffit à stopper temporairement les tensions et, dans la journée du 3 février déblocage des stations. Des kilomètres de queue pour faire le plein... Le collectif voyant que l’activité allait peut-être reprendre s’est précipité dès le lendemain et a bloqué la SARA (Société Anonyme de Raffinerie des Antilles). Depuis ce jour plus d’approvisionnement régulier des stations service…
Lorsqu’une station ouvre c’est sous le contrôle des autorités et pour très peu de temps.
Le collectif s’est emparé également des supermarchés et centres commerciaux poussant dehors les clients et interdisant l’ouverture et l’approvisionnement... Difficile dans ces conditions de faire des courses. Seules les "petites boutiques" et marchands forains profitent un tout petit peu de la situation. Des légumes se vendent à la sauvette aux abords de camions en pleine rue, les magasins sont quasiment tous fermés, l’activité économique tourne au ralenti…
En fait, les gros supermarchés appartiennent aux békés et c’est pour cette raison que le collectif appelle au boycott.
Un béké est, Martinique et en Guadeloupe, un descendant de colon blanc qui était appelé historiquement "blanc créole".
Dans le langage courant de ces îles, il y a une différence entre béké et blanc pays qui est un individu "blanc" né et vivant dans l’île, c’est à dire intégré à la culture créole.
Lorsque l’on parle de béké dans la société martiniquaise ou guadeloupéenne, il est fait référence à une communauté.
Ce groupe est propriétaire de richesse considérable, particulièrement au niveau foncier mais aussi de pans entiers de ces économies insulaires en possédant les principales sociétés d’importation et de distribution.
En Martinique le terme béké désigne une caste qui refuse tout métissage avec les autres composantes ethniques de la société.
Comme il s’agit des descendants des premiers colons esclavagistes, ils possèdent la majeure partie des terres. Dans une société insulaire, la possession de la terre est cruciale, elle assure à cette caste un pouvoir incontestable. S’agissant d’une composante minoritaire de la population (2%), les békés travaillent à exercer une influence, notamment sur classe politique martiniquaise ou de France continentale.
Le plus "effrayant", c’est que certains s’emparent de la situation et des propos racistes à l’encontre des "non-guadeloupéens" se font entendre. Un « hymne » est chanté par les grévistes : « La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo » (« la Guadeloupe nous appartient, la Guadeloupe n’est pas à eux »).
Certains sont mis en cause. Dommage. Il ne faut pas tout mélanger à mon avis... sujet très très sensible là !
En attendant, le vrai problème, c’est que des centaines de petites entreprises licencient, passent le personnel à temps partiel ou pire, mettent la clé sous la porte... et aucun média n'en fait référence ouvertement... La situation économique est VRAIMENT au plus bas ici. C'est l'horreur, l'asphyxie !.. j'ai moi même perdu mon emploi à CAUSE de la grève. L'entreprise pour laquelle je travaillais aurait fêté ses 10 ans d'existence cette année... devant un carnet de commande qui ne se remplissait plus du tout mon patron a dût prendre une décision... résultat nous sommes 6 à avoir perdu notre emploi. J'étais chargée de communication pour une agence de création publicitaire.
Nous ne sommes pas un cas isolé... la grève prend une drôle de tournure... c'est une crise identitaire masquée par des revendication en faveur des bas salaires... mais que restera t il de la Guadeloupe à la fin de cette grève... une chômage encore plus à la hausse... des dépôts de bilan à tout va... j'ai été scandalisée hier soir quand, sur M6, l'animatrice du 66mn a annoncé "aucun dépôt de bilan enregistré"... NORMAL !!! vu qu'il n'y a AUCUNE administration ouverte pour les enregistrer... Le comble également... c'est que dans cette situation CATASTROPHIQUE, les assedics aussi sont fermés !!! IMPOSSIBLE de s'inscrire quand on vient d'être licencié...
Les chaînes locales relaient l’info avec parcimonie…Le mouvement s’est vraiment intensifié la semaine dernière avec la propagation de violences urbaines à travers l’île. La tension était palpable mais là, l’insécurité s’est vraiment faite sentir... Des manifestants cagoulés bloquaient certains accès. Des magasins ont été incendiés….
Le président local du MEDEF s’est se fait copieusement insulter et ils ont failli en venir aux mains hier si il n’y avait pas eu l’intervention du GIGN ( ?!!!) autour de la table des négociations…
Depuis hier, d’ailleurs, le MEDEF a quitté la table… il semblerait qu’un accord soit signé dans la nuit de jeudi à vendredi (hier soir !)… a suivre, donc.
Avec la crise, la vie devient dure pour tout le monde. Je pense que le peuple en a marre et ne comprend pas la gestion des finances par le gouvernement. Manque de clarté donc tout le monde se révolte. Il s’agissait d’une bombe à retardement. Il a fallu d’une étincelle pour que tout explose...
Les Guadeloupéens n’ont pas l’air d’être du genre à "lâcher l’affaire" donc, tant qu’il n’auront pas l’impression que l’état prend au sérieux leurs demandes, la grève ne va pas cesser. Ils pensent aussi que l’état « couvre » les békés…
Ils sont donc devenu très solidaires... à tort ou à raison. L’avenir nous dira qui avait raison. En tout cas l’économie locale souffre beaucoup en ce moment. Dans le tourisme, les hôtels sont à ce qu’il parait "déserts". Normal quand on sait qu’il n’y a presque pas de service en chambre et au restaurant assuré.
Des nouvelles alarmantes de Guadeloupe
En fait, il n’y a pas de blocage du réseau routier, donc on est libre d’aller bosser (quand on a pas encore perdu son emploi…) ou pas (sauf la grande distribution prise d’assaut par le collectif). Les administrations, quand à elles, sont toutes fermées !
On dépend tous des réponses du gouvernement et de l’aboutissement ou pas des négociations du collectif. Chaque matin je me lève en me demandant si c’est fini ou pas. On en est tous là ! Personne ne sait quand va stopper le mouvement…
A tous les Réunionnais : Attendez vous à des moments très difficiles si le mouvement de demain se durcit !.....courage à vous !"