Dans le cadre du partenariat Cerom (Comptes économiques rapides pour l’outre-mer), un bilan macroéconomique de La Réunion a été réalisé sur la période 2000-2010.
L’étude portant sur le bilan macroéconomique de La Réunion 2000-2010 a été réalisée dans le cadre du partenariat Cerom (AFD, IEDOM, Insee) et elle consiste à mettre en place "un cadre statistique permettant d’analyser les évolutions récentes de la situation économique des Outre-mer français".
Valérie Roux - directrice régionale de l’Insee (Réunion / Mayotte), Arnaud Bellamy-Brown - directeur de l’Iedom à La Réunion et Marc Dubernet - directeur de l’AFD (Agence Française de Développement) présentent les grands enseignements de ce bilan macroéconomique portant sur une décennie (2010-2011).
Bilan macroéconomique de La Réunion 2000-2010 :
Une crise conjoncturelle ou les limites d’un modèle de croissance ?
Au cours des deux dernières décennies et jusqu’à la crise débutée courant 2008, l’économie réunionnaise s’est caractérisée par des performances exceptionnelles pour une région française. Entre 1993 et 2008, le produit intérieur brut (PIB) du département a progressé de 4,5 % en moyenne par an en euros constants, soit plus du double de la croissance observée sur l’ensemble du territoire français (+ 2,1 %).
Ce développement économique a reposé sur une demande intérieure soutenue et dynamique. La consommation des ménages a porté cette expansion, relayée dès 2004 par l’investissement et le boom de l’immobilier. Cependant la crise économique en 2009 a fortement fragilisé l’économie réunionnaise et remet en cause son modèle de croissance.
La consommation des ménages : premier moteur de l’économie de l’île
La consommation finale des ménages a contribué à hauteur de 5,8 points par an à l’évolution du PIB entre 2000 et 2007. Elle a progressé de 6,8 % par an en moyenne entre 2000 et 2005, soit le taux le plus élevé depuis 20 ans. Elle s’est néanmoins essoufflée dès 2006, avant la crise. Le modèle économique réunionnais, basé principalement sur la satisfaction d’une demande forte de consommation des ménages, semble en effet avoir atteint certaines limites. La plupart des taux d’équipement des ménages réunionnais (véhicules, électroménager, matériels électroniques, etc.) rejoignent progressivement les niveaux nationaux, rendant ces marchés moins dynamiques.
L’investissement prend le relais de la croissance
Le boom de l’investissement a permis de compenser cette décélération de la consommation, dès 2005. La Réunion s’est en effet engagée dans un processus d’amélioration de grande ampleur de ses équipements publics et privés.
L’investissement privé a été particulièrement favorisé par les différentes mesures fiscales de soutien dont ont bénéficié les économies domiennes, notamment la « loi Girardin » et l’aide de l’Union européenne via les fonds structurels.
Dans le secteur de la construction, le développement s’est fait en décalage avec les besoins d’une grande partie des ménages réunionnais : les prix des biens vendus progressant deux fois plus vite que les revenus.
La crise se fait ressentir dès 2009
À partir de 2009, La Réunion n’a pas échappé à la crise internationale. Le secteur du BTP a ainsi connu un véritable trou d’air d’activité, avec une baisse de 39 % de son chiffre d’affaires entre 2008 et 2010. Le resserrement de l’accès au crédit, associé à un net ralentissement de la demande en biens immobiliers alimenté par les incertitudes liées à l’élaboration de la Lodeom, ont quasiment gelé les ventes de biens immobiliers neufs et les mises en chantier. L’achèvement de chantiers de grande envergure, au premier rang desquels figure la route des Tamarins, et l’abandon ou le report de nombreux projets par les collectivités locales, ont également contribué à cette chute. Par ailleurs, la dégradation brutale du moral des acteurs économiques nationaux ou internationaux a agi directement sur le courant d’affaires réunionnais, gelant les investissements et pesant sur le dynamisme des entrepreneurs locaux.
Les gains réalisés sur le marché de l’emploi ont été en grande partie annulés. Le taux de chômage retrouve ainsi en fin de période, avec près de 30 % de la population active, son niveau de 2005.
Le retournement de conjoncture a accéléré le déclin du modèle de croissance réunionnais, basé sur une consommation dynamique et un investissement stimulé par des aides fiscales et une commande publique forte. La Réunion doit ainsi faire face aujourd’hui à une rupture de son modèle économique, qui nécessite d’identifier de nouveaux relais de croissance.