Dimanche la frégate française Ventôse -sister ship des Floréal et Nivôse réunionnnaises- est arrivée sur les lieux du crash du vol AF447. Mercredi elle sera rejointe du sous-marin nucléaire d’attaque "Emeraude" et du navire océanographique "Pourquoi Pas ?", lui-même doté de robots sous-marins. Mais ces moyens pourraient ne pas suffire à retrouver les "boîtes noires". Les balises des enregistreurs de vol, où sont stockées des informations cruciales pour l’enquête sur le crash, émettront pendant trente jours. Selon les enquêteurs elles pourraient se trouver à plus de 4700 mètres de profondeur. L’avion s’est crashé dans une zone abyssale.
Une traque sans précédent s’est engagée pour tenter de retrouver, avant qu’elles ne cessent d’émettre, les deux boîtes noires du vol AF 447. Si les techniciens affectés aux recherches arrivent à localiser les boîtes à très grande profondeur, il sera extrêmement compliqué de les récupérer.
Pour comparaison, l’épave du Titanic localisée en 1985, se trouve à presque 4000 mètres de profondeur. Il a fallu plusieurs années de mise au point technique pour pouvoir récupérer quelques objets. Parce que l’appareil s’est abîmé dans une zone dont la profondeur atteint par endroits 4 700 mètres, il est en effet crucial pour les marines française et brésilienne de pouvoir s’appuyer sur les signaux qu’émettra leur balise durant les trente prochains jours. Au-delà, les recherches deviendraient en revanche vraiment hasardeuses. « On n’a jamais retrouvé de boîtes noires aussi profond », concède-t-on ainsi au Bureau d’enquête et d’analyse (BEA).
Conçus pour résister à de fortes contraintes - notamment à de très violents chocs - mais aussi à « un mois d’immersion à 6 000 mètres de profondeur », selon le BEA, les deux enregistreurs de vols demeurent « presque toujours exploitables ». Disposant d’une bande magnétique de trente minutes, le Cockpit Voice Recorder (CVR) restitue les conversations et autres événements sonores intervenus dans le poste de pilotage. De son côté, le Flight Data Recorder (FDR) recense la plupart des paramètres de vol.
Mandaté par le BEA, le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) a commencé mardi à étudier la composition des fonds dans la zone du crash. Si les boîtes noires sont immergées par plus de 4 000 mètres de fond, les plus sophistiqués des sous-marins pourraient cependant être confrontés à leurs limites.
Vendredi, c’est une première, la France a décidé l’envoi sur zone du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Emeraude, pour tenter de localiser les émissions acoustiques des boîtes noires de l’avion. Si les SNA sont d’habitudes employés pour des missions de renseignement, de commandos ou de protection du porte-avions, ils sont d’abord des spécialistes du son (sous l’eau le sous-marin est aveugle), avec des moyens de détection particuliers (sonars) associés à des opérateurs capables de reconnaître un navire au bruit de son hélice (les "oreilles d’or"). Or les émissions sonores des balises sont d’autant plus perturbées qu’elles se rapprochent de la surface en raison des courants marins, mais aussi des variations de la température de l’eau. Peu sensible aux aléas météorologiques, le sous-marin est donc un moyen adapté, et son immersion l’affranchit des perturbations acoustiques. Enfin, les sous-mariniers français sont rompus au travail en collaboration avec l’Atlantique 2, cet avion de patrouille maritime dont la marine a également envoyé deux exemplaires à Dakar.
Mais il convient de rester prudent : le sous-marin doit avoir quelque chose à détecter, donc que les enregistreurs de vol émettent, ce qui n’est pas encore établi, et également que ces émissions soient suffisamment puissantes pour être détectées car il est tout à fait possible qu’elles soient perturbées voire bloquées par des débris de l’avions ou par le relief accidenté des fonds marins dans cette région.
S’il faisait la découverte tant attendue, l’Emeraude, limité à une immersion d’environ 300 m pourrait passer ensuite le relais au sous-marin du navire d’exploration Pourquoi pas ? de l’Ifremer pour localiser précisément les boîtes noires et les remonter à la surface. Cette opération pourrait être réalisée grâce à deux robots : le Victor 6000, télé-opéré, qui peut travailler jusqu’à 6000 m de fond, et le Nautile, un submersible cette fois-ci habité et également conçu pour l’observation et l’intervention jusqu’à 6000 m de profondeur. En 2004, il avait fallu deux semaines pour localiser puis remonter les boîtes noires du Boeing 737 de Flash Airlines, situées alors à 1000 m "seulement" de profondeur.
L’EMERAUDE : 68 hommes (8 officiers, 52 officiers mariniers, 8 quartiers-maîtres et matelots) - plongée : durée uniquement limitée par les vivres, plus de 300m - 2600t - 73,60m x 7,60m - 25 Nds en plongée - Equipements : radars, sonars, moyens de communication.
Le NAUTILE : 3 membres d’équipages - plongée : 5h à 6000 m - 19,5 t - 8m x 2,7m - équipements : sondeurs, sonar panoramique, 7 projecteurs, 4 caméras, 2 bras dotés de pinces.
Le VICTOR 6000 : téléopéré - plongée : 6000m - 6t - 2,5m x 1,85m - 1,5 Nds - Equipements : caméras, projecteurs, bras manipulateurs.
L’ATLANTIQUE 2 : 15 membres d’équipage - 18h de vol - 30 000 ft - 46t - 37,5m x 31,7m x 11,1m - 350 Nds - Equipements : observateurs, radar, caméra infrarouge.
Crédits photos : Marine nationale & IFREMER