Bien que majoritaire sur le papier, la droite n’est pas assurée de garder le contrôle du conseil départemental, où la gauche gagne du terrain et où les élus sans étiquette pourraient se révéler cruciaux. Les discussions d’arrière-cuisine s’annoncent intenses ces prochains jours. Hier, Nassimah Dindar s’est déclaré candidate face à Cyrille Melchior, qui reste favori pour sa réélection.
Top départ pour les grandes manœuvres ! A peine le verdict des urnes livré, les états majors ont commencé à faire leurs calculs en vue de la présidence du Département. Qui s’annonce beaucoup plus disputée que prévue pour la droite, bien que celle-ci reste théoriquement majoritaire.
On observe en effet une nette poussée des forces de gauche, qui obtiennent 18 sièges sur 50. La droite pour sa part en décroche entre 22 et 26. Au milieu, on trouve une dizaine d’élus, sans étiquette (ou n’ayant pas pris position aux régionales) qui pourraient jouer un rôle clef.
Parmi les surprises de ce scrutin, on retiendra l’élection d’Aurélien Centon et de Jean-François Nativel à Saint-Paul, le come-back de Jean-Yves Langenier au Port, le carton plein de la gauche à Saint-Denis et à Saint Benoît, l’échec d’Huguette Bello à Saint-Paul. Ou encore le coup de force de Juliana M’Doihoma à Saint-Louis. Cette dernière semble détenir les clefs de ce scrutin.
Avant d’évoquer les rapports de force, rappelons les grandes lignes de ce scrutin. L’assemblée départementale est composée de 50 élus, désignés dans 25 cantons. Chaque canton élit un binôme, composé d’un homme et d’une femme (pour la parité). Trois binômes ont été adoubés dès le premier tour. Les 22 restants ont été départagés hier. Tous ce petit monde se réunira jeudi matin au Palais de la Source pour désigner le nouveau (ou la nouvelle) président(e). On appelle cela le « troisième tour » des départementales. Une élection, souvent stratégique. Car contrairement à la Région, on connaît rarement le nom du futur président à l’avance.
La droite, qui disposait d’une majorité écrasante sous la dernière mandature semble encore majoritaire sur le papier. Elle fait carton plein au Tampon, à Saint-Pierre et à Saint-Louis. Elle remporte deux cantons à Saint-André. Elle est majoritaire à Sainte-Marie, à L’Etang-Salé/Les Avirons, à Saint-Leu/Trois-Bassins ainsi qu’à Saint-Paul, dans le canton 17 de Cyrille Melchior.
Autrement dit, la droite dispose virtuellement des 26 sièges, qui lui offriraient la majorité. Encore faut-il réussir cette union entre les différentes composantes. Notre décompte inclut, par exemple, les quatre conseillers de la majorité municipale de Saint-Louis. Pourtant, la maire, Juliana M’Doihoma n’a donné aucune consigne de vote aux régionales (Bello est arrivée en tête à Saint-Louis avec 53%). Il suffit que ces quatre-là se dérobent, pour que la majorité de droite disparaisse. Discrète pendant la campagne, Juliana M’Doihoma se retrouve en position de négocier son ralliement au prix fort.
En face, la dynamique des régionales a créé un contexte porteur pour la gauche, qui progresse de 8 sièges dans la nouvelle assemblée. Une performance à mettre au crédit des binômes poussés par Ericka Bareigts et Patrice Selly. Les deux alliés font carton plein à Saint-Denis et à Saint-Benoît, où ils remportent au total 6 cantons, dont 4 étaient aux mains de la droite. En clair, l’axe PS-Banian pèse 12 sièges, ce qui en fait un acteur majeur des discussions à venir.
Une précisions s’impose. Bien qu’élue à Saint-Denis avec un binôme socialiste, Nassimah Dindar mérite sans doute d’être classée à part... D’autant qu’elle pourrait jouer un rôle important dans les discussions à venir.
Pour sa part, le PCR remporte deux cantons : à Sainte-Suzanne et au Port, où Jean-Yves Langenier a écrasé le binôme municipal d’Olivier Hoarau. Ajoutons à cela le binôme du Progrès (Patrick Lebreton), réélu dès le premier tour à Saint-Joseph. On obtient un potentiel de 17 sièges pour la gauche si elle parvient à s’entendre (7 pour le PS, 4 pour le PCR et 2 pour le Progrès. Et elle y est bien parvenue à faire pour faire élire Huguette Bello.
17 à 18 voix pour la gauche, 22 à 26 pour la droite. Autant dire que les téléphones vont chauffer ces prochains jours pour rallier les électrons libres et construire une majorité. Outre les élus saint-louisiens, les « sans étiquette » pourraient être très courtisés, eux aussi. C’est le cas par exemple de Jean-François Nativel, élu sans étiquette dans le canton 19, mais allié à la droite aux dernières municipales. D’Aurélien Centon, de l’association Petit Cœur, qui l’emporte dans le canton 18 voisin. Ou encore du binôme « Crea » le mouvement citoyen de Vanessa Miranville, victorieux à La Possession, dans le seul canton perdu par la gauche.
Les pronostics s’accordent à dire que Cyrille Melchior est le grand favori pour se succéder à lui-même. Il a été réélu haut la main dans son canton. Son bilan fait l’unanimité. Et surtout, il est étiqueté LR, ce qui a son importance pour Michel Fontaine, le référent local du parti. Maintenant que Didier Robert est hors jeu, le maire de Saint-Pierre devient le seul véritable patron de la droite. C’est lui qui orchestrera toutes les prochaines discussions.
A l’approche des présidentielles, la tentation est grande de serrer les rangs à droite et de s’inscrire dans une logique de bloc contre bloc. La Région à gauche, le Département à droite. Chacun préparant le terrain pour 2022. Cette stratégie implique de s’entendre avec Juliana M’Doihoma et Jean-François Nativel pour dépasser la barre des 26 sièges. Et de contenter tous les barons de la droite. Ce qui n’est pas encore fait.
Et puis il y a aussi tous les doutes, liées à la personnalité de Cyrille Melchior. Le Saint-Paulois est consensuel, peut-être un peu trop. L’approche des présidentielles implique une approche plus incisive, plus politique. A l’image d’un Serge Hoareau, président de l’Association des maires et proche de Michel Fontaine. Le Département perdrait l’étiquette LR, mais gagnerait en combativité. La candidature de Serge Hoareau permettrait, en outre, de créer une passerelle avec la gauche (le maire de Petite-Île a soutenu Bareigts aux premier tour puis Bello au 2e), dans l’hypothèse où les discussions à droite s’enliseraient.
Nassimah Dindar aussi, revendique ce rôle de « passerelle ». La sénatrice s’est déclarée candidate à la présidence, hier soir, sur le plateau d’Antenne Réunion, en affirmant vouloir combattre la logique de « bloc contre bloc ». Sa stratégie consiste à créer un groupe des « non-alignés », où elle espère rallier des sans-étiquette, la gauche et quelques transfuges de droite pour construire une majorité.
Sauf que le contexte ne s’y prête guère. A moins d’un an des présidentielles, l’alliance de la gauche et de la droite pour faire élire une centriste Macron-compatible semble hautement improbable. En plus d’être difficilement compréhensible pour les électeurs, elle risquerait fort de faire éclater la nouvelle majorité régionale.
En attendant l’épilogue de ces tractations, où tout reste possible, la seule certitude réside dans la composition de la nouvelle assemblée qui sera profondément remaniée. Sur les 50 conseillers sortants, ils étaient 25 à se représenter, mais ils ne sont plus que 15 à retrouver leur fauteuil. Douze ont été réélu hier (René Sotaca, Viviane Ben Hamida, Jean-Marie Virapoullé, Nassimah Dindar, Cyrille Melchior, Thérèse Ferde, Philippe Potin, Béatrice Sigismeau, Rémy Lagourgue, Laurence Mondon, Augustine Romano et André Thien-Ah-Koon), trois autres dès le premier tour (Hary Mussard, Inelda Beaussillon, Serge Eric Hoareau). En revanche, Philippe Robert, Géraldine Boulevard, Daniel Gonthier, Sabrina Ramin, Jean-Claude Lacouture, Sergio Erapa, Yvette Duchemann, Alix Galbois, Giovanny Poire et Marie-Lyne Soubadou ont échoué devant les urnes.
- Guillaume KEMPF
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