L’athlète irakien Mahmoud Kamel Ahmed assure être aujourd’hui au mieux de sa forme, mais le chemin qui l’a conduit à devenir champion a été semé d’embûches : il a enduré la guerre, une tragédie familiale et le mépris de son entourage.
BAGDAD (AFP) - L’athlète irakien Mahmoud Kamel Ahmed assure être aujourd’hui au mieux de sa forme, mais le chemin qui l’a conduit à devenir champion a été semé d’embûches : il a enduré la guerre, une tragédie familiale et le mépris de son entourage.
Ce coureur de 3.000 m steeple a surmonté dans sa vie plus d’obstacles que ceux qu’il franchit quotidiennement sur la piste où il s’entraîne dans le sud de Bagdad, et il en reste bien d’autres devant lui.
Originaire de la province à majorité sunnite de Diyala, au nord-est de la capitale, c’est à l’école que ses talents ont été découverts il y a dix ans.
"Un professeur qui avait noté que j’étais un bon coureur, m’a encouragé et en 2000, j’ai commencé à m’entraîner sérieusement", explique Ahmed, vêtu de la veste verte de l’équipe nationale irakienne.
La première embûche de taille fut son père.
"Courir les jambes nues heurtait ses convictions conservatrices et il a brûlé mes tenues de sport. J’ai donc arrêté un moment l’entraînement", se souvient le jeune homme de 27 ans.
Puis il s’y est remis en secret et a réussi à être sélectionné dans l’équipe nationale pour une compétition en Jordanie en 2002. Mais l’invasion conduite par les Etats-Unis en 2003 a eu des conséquences dramatiques pour sa famille et pour sa quête de succès sportifs.
La province de Diyala est devenue un fief d’Al-Qaïda et ses membres considéraient comme une insulte à la religion de porter des shorts, ce qui obligea Ahmed à déménager à Bagdad en 2004.
Puis, la guerre confessionnelle entre sunnites et chiites, dont l’apogée fut atteinte en 2006 et 2007, a de nouveau bouleversé sa vie.
"Un ami m’a téléphoné pour m’annoncer que ma famille avait été attaquée, mais que tout le monde allait bien. J’ai eu des doutes car sa voix était hésitante", confie Ahmed.
Trois jours plus tard, il a découvert la vérité. "J’ai appelé un chauffeur de taxi, originaire de ma ville mais qui travaillait à Bagdad, et il m’a appris que mes parents, cinq de mes frères, deux de leurs femmes, une tante, trois neveux avaient été massacrés", déclare-t-il en retenant ses larmes.
Ils avaient été tués par les insurgés car plusieurs membres de sa famille étaient fonctionnaires et Al-Qaïda considérait comme des traîtres les sunnites travaillant pour le gouvernement dirigé par des chiites.
La communauté chiite majoritaire en Irak a pris le pouvoir en 2003, mettant fin à 80 ans de domination sunnite sur le pays.
"Ils les ont accusés d’être des infidèles et seulement deux de mes neveux ont survécu", explique-t-il.
Il porte aujourd’hui les couleurs du club de la police, financé par le ministère de l’Intérieur. Il s’entraîne le matin et l’après-midi sur une piste à Jadriya et perçoit 600 dollars par mois pour ses frais.
Ahmed a participé à des compétitions au Liban, en Pologne, en Grèce et en Egypte. Il a même obtenu une médaille de bronze aux jeux Panarabes l’an dernier en Jordanie.
Mais il est navré par la situation du sport en Irak. "Je suis quasiment au top de ma forme mais si je reste ici, je n’arriverai à rien", note-t-il.
A l’occasion d’une récente compétition en Pologne, il a pensé se réfugier en Allemagne où vit un de ses oncles, mais il a fini par rentrer au pays pour ne pas exposer à une punition son ami qui avait versé une caution de 85.000 dollars.
"Il m’a supplié de revenir et j’ai obtempéré car sinon il aurait perdu son argent. Je ne pouvais pas m’enfuir ainsi", avoue-t-il.
Même si le niveau des violences a nettement diminué, il craint aujourd’hui d’être assassiné par les rebelles s’il retourne à Diyala. Et la perspective de participer aux jeux Olympiques de 2012 à Londres n’a pas réussi à cicatriser ses blessures.