Le constructeur européen Airbus présentait jeudi aux autorités américaines une nouvelle procédure de pilotage en cas de décrochage - une perte de portance entraînant la chute de l’avion -, la méthode actuellement en vigueur ayant pu causer plusieurs accidents aériens.
PARIS (AFP) - Le constructeur européen Airbus présentait jeudi aux autorités américaines une nouvelle procédure de pilotage en cas de décrochage - une perte de portance entraînant la chute de l’avion -, la méthode actuellement en vigueur ayant pu causer plusieurs accidents aériens.
La démarche intervient près d’un an après l’accident du vol Rio-Paris d’Air France, qui a fait 228 morts, encore inexpliqué en l’absence des boîtes noires mais pour lequel l’hypothèse d’un décrochage a été évoquée.
Le responsable de la sécurité de pilotage chez Airbus, Claude Lelaie, "présente aujourd’hui (jeudi) aux Etats-Unis aux autorités de sécurité aérienne notre retour d’expérience. Il faut changer les procédures relatives au décrochage", a déclaré un porte-parole d’Airbus.
Le constructeur propose notamment, en cas de décrochage, de réduire les gaz, alors qu’aujourd’hui, les équipages doivent appliquer le "TOGA" (take off, go around), c’est-à-dire mettre plein gaz.
Airbus s’est défendu jeudi d’un lien direct entre cette nouvelle démarche et la catastrophe au Brésil le 1er juin 2009.
Le porte-parole a souligné qu’un groupe de travail sur le décrochage regroupant les constructeurs aéronautiques, dont Airbus et Boeing, avait été mis en place il y a plusieurs années, mais sans résultat concret.
"Nous avons fait des expérimentations depuis, et nous sommes convaincus qu’il faut aller plus vite (...). Il y a déjà eu des accidents dont la cause est probablement l’application des procédures sur les décrochages", a-t-il dit.
Il a cité deux exemples récents : l’accident le 12 février 2009 d’un avion Bombardier Q400 de Colgan Air près de Buffalo dans l’état de New York ; celui du 27 novembre 2008, quand un Airbus A320 d’Air New Zealand s’est abîmé en mer Méditerranée, dans le sud de la France.
Dans le cas du crash Rio-Paris, les enquêteurs ont déterminé que le dysfonctionnement des sondes de vitesse Pitot, fabriquées par le groupe français Thales, était "l’un des facteurs" de l’accident.
Certains experts aéronautiques émettent ainsi l’hypothèse qu’une mauvaise information sur la vitesse a pu conduire les pilotes à appliquer une mauvaise procédure, y compris celle prévue pour le décrochage même si l’avion n’était pas dans cette situation.
Les avions modernes sont équipés d’avertisseurs de proximité de décrochage : un vibreur au manche pour un décrochage basse vitesse et une alarme dite +claquettes+ pour le décrochage haute vitesse. Les pilotes sont formés à réagir à ces alarmes.
"Les simulateurs des constructeurs savent reproduire les manoeuvres inusuelles (avion extrêmement cabré ou piqué) pour entraîner les pilotes à s’en sortir. Ils savent reproduire les approches du décrochage mais pas le décrochage lui-même", explique Louis Jobard, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) Air France, majoritaire dans la compagnie française.
Interrogée par l’AFP, ni Air France, ni la compagnie allemande Lufthansa n’ont souhaité réagir à la proposition d’Airbus. De son côté, le constructeur américain Boeing n’était pas immédiatement joignable.
"Le SNPL est toujours favorable aux propositions permettant d’améliorer la sécurité. Sur la façon de mettre celle-ci en oeuvre, il faudra l’essayer in situ pour dire si c’est une bonne évolution", a commenté M. Jobard.
De son côté, Patrick Magisson, membre de la commission technique du SNPL, reste sceptique : "Il vaut mieux former les équipages à ne pas s’approcher du décrochage, à reconnaître les signes avant-coureurs et ne jamais se mettre dans cette configuration plutôt que de leur apprendre à faire des +acrobaties+ dans lesquelles ils ne sont pas sûrs de pouvoir s’en sortir correctement".