Mohamed Rochdi, président de l’université interpelle le premier ministre dans un conflit qui l’oppose à la députée-maire de Saint-Paul, qui a reçu un groupe d’étudiants, protestant contre une éventuelle suppression de la session de rattrapage des examens.
Madame la Députée-Maire,
De retour de la Conférence des Présidents d’Université à Paris, je suis surpris de prendre connaissance des propos que vous avez tenus à des journalistes le 15 mars dernier. Surpris que vous ayez convoqué une conférence de presse au sujet d’une question concernant l’Université de La Réunion sans m’avoir sollicité au préalable, ni par téléphone ni par courriel ni par courrier, pour disposer du point de vue de l’Université.
Vous avez, en effet, reçu et entendu un groupe d’étudiants venus vous faire part de leur inquiétude quant à une éventuelle suppression de la session de rattrapage des examens et convié la presse sans jamais solliciter la position de l’université sur ce point.
Je tiens à préciser d’emblée que je désapprouve totalement cette méthode et ce procédé surtout quand il émane d’une Députée de la République, censée faire preuve, dans de telles circonstances et sur de tels sujets, de maîtrise, de clairvoyance et de bon sens et censée être garante d’une certaine objectivité et d’une certaine équité de traitement.
Fondée sur l’inquiétude et les revendications du groupe d’étudiants qui vous a sollicité, vous parlez devant la presse, de suppression de la session de rattrapage alors que cette disposition ne figure nulle part dans le "règlement des enseignements des licences générales" dont il est question, règlement dont vous ne semblez visiblement pas avoir pris connaissance.
Je tiens à vous dire, à ce sujet, en vous précisant de la manière la plus claire qui soit que le règlement voté par le Conseil d’Administration le 3 mars dernier ne contient aucune disposition abrogeant la session de rattrapage dans mon établissement. Je tiens à vous dire, en outre, que le Conseil d’Administration ne s’est jamais prononcé, lors de cette séance, sur
l’abrogation de cette session ni au sein dudit règlement ni en dehors.
Vous me tenez, par ailleurs, pour personnellement responsable d’une décision du Conseil d’Administration de l’établissement, décision qui s’inscrit dans un vaste processus de validation au sein de l’Université, processus de validation dont vous n’êtes visiblement pas informée.
En effet, le "règlement des enseignements des licences générales" sur lequel vous m’incriminez est l’aboutissement de la réflexion d’un groupe de travail auquel ont été appelés à participer des représentants des Facultés concernées et des étudiants. La constitution de ce groupe de travail, qui s’est réuni à plusieurs reprises, avait été préalablement arrêtée par le Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU).
Les résultats des travaux du groupe de travail ont tout d’abord été soumis au CEVU qui les a votés favorablement le 24 février dernier. Ce projet de règlement a ensuite été soumis au Conseil d’Administration le 3 mars dernier, Conseil d’Administration que je préside certes, mais dont les membres sont néanmoins libres du vote qu’ils expriment. Là encore, les membres du Conseil d’Administration, après l’avoir amendé en séance, ont adopté ledit règlement des examens.
Pour votre information Madame la Députée-Maire, sachez que les mesures de ce règlement visent uniquement et directement l’amélioration des conditions d’enseignement et des conditions d’évaluation des étudiants des licences générales et donc l’amélioration de leur réussite. Je citerai, parmi ces mesures, deux qui représentent une avancée considérable dans cette voie :
l’allongement de la durée du semestre d’enseignement actuellement de 13 semaines pédagogiques pour passer à 15, soit 2 x 15 semaines pour l’année universitaire. A titre de précision, l’année universitaire comptait, au sein de notre établissement, en 2009-2010 seulement 2 x 12 semaines pédagogiques.
la généralisation du contrôle continu à toutes les licences générales pour une évaluation régulière et récurrente des étudiants dans le but d’un meilleur suivi et d’une meilleure validation des acquis.
Une autre affirmation qui vous est attribuée dans la presse locale mentionne que "aujourd’hui entre 20 et 60% des étudiants, suivant les filières, obtiennent leur diplôme aux sessions de rattrapage". J’ignore de qui vous tenez ces chiffres et je me demande comment vous pouvez vous hasarder à tenir de telles affirmations. En tout état de cause, les chiffres de l’Université, concernant cette question, sont très en deçà de ceux que vous clamez devant la presse, fallait-il encore vous rapprocher de l’Université pour les obtenir !
Cette première partie de mon courrier n’avait d’autre objectif que de faire, avec beaucoup de regret, le constat et la démonstration par la preuve que vous avez pris fait et cause pour une réclamation que vous avez reçue, sans instruire sérieusement, objectivement et équitablement votre dossier par la vérification de la véracité des informations que vous communiquez et par la saisine de "la partie adverse", moi-même en l’occurrence, pour m’entendre sur le dossier en question.
J’en viens, à présent, à la partie la plus grave de vos propos et de vos affirmations, celle me concernant personnellement. Je suis, en effet, profondément choqué et indigné par les propos que vous avez tenus devant la presse. Je cite :
"Monsieur ROCHDI qui comme le Recteur partira dans quelques années en laissant derrière lui un système éducatif au plus mal",
"Monsieur ROCHDI et Monsieur FOURAR mènent un combat contre les jeunes
réunionnais",
"une volonté locale de priver les étudiants réunionnais de diplômes",
"ces deux-là ont la jeunesse dans leur collimateur",
et ne sont "que de passage sur l’île pour casser et briser".
Ce sont purement et simplement des propos diffamatoires que je condamne avec la plus grande fermeté. Je condamne avec la même fermeté la personnalisation que vous faites de ce débat. Ce sont des propos indignes d’une Députée de la République qui ne s’est, de surcroît, jamais rapprochée de moi, en ma qualité de Président de l’université, pour prendre connaissance des projets de mon établissement et de ses difficultés pour respectivement les soutenir ou les atténuer.
Je suis, par ailleurs, outré qu’une Députée de la République, puisse tenir des propos incitant à la stigmatisation voire à la haine, alors que l’opinion publique toute entière s’inquiète ces jours-ci de la montée en puissance au niveau national d’idées extrémistes sur fond de préférence nationale. Je vous invite, pour cela, à prendre connaissance des commentaires et des prises de position extrémistes que vos propos ont engendré sur le blog cité précédemment.
Madame la Députée-Maire, je ne fais pas de politique et je ne suis ni votre adversaire ni votre allié en politique. Par ailleurs, une campagne électorale quelle qu’elle soit ne saurait justifier des propos diffamatoires et incitant à la stigmatisation tels que ceux que vous avez tenus devant la presse. Ces propos mériteraient a minima un retrait voire des excuses de votre part. Je vous laisse l’entière liberté pour juger de l’utilité de l’un et/ou des autres.
Enfin, permettez-moi de revenir sur votre affirmation "que de passage sur l’île…" pour vous demander ce que vous entendez par là. Il serait, en effet, souhaitable que vous vous expliquiez de manière claire et précise sur cette affirmation car bon nombre de responsables de toutes sortes et sur différents services ou secteurs, publics ou privés, sont concernés car occupants ou amenés à occuper des fonctions pour une certaine durée ici ou ailleurs. Doit-on pour autant douter voire mettre en cause a priori la qualité et l’intensité de leur investissement ?
Ceci étant mis au point, je tiens tout de même à corriger vos informations pour ce qui me concerne personnellement en vous précisant notamment que je travaille à l’Université de La Réunion depuis 13 ans. Depuis 11 ans, j’ai occupé ou j’occupe différentes responsabilités à La Réunion : directeur d’une unité de recherche en Mathématiques et Informatique, Viceprésident du Conseil d’Administration de l’Université, Délégué Régional à la Recherche et à la Technologie, Président de l’Université, Vice-président du Cyclotron puis Président de la Technopole de La Réunion.
Pour conclure, je tiens à vous informer, Madame la Députée-Maire, que dans le cadre de mon droit de réponse, ce courrier sera adressé à tous les organes de presse de La Réunion. Il leur appartiendra d’en faire l’usage qu’ils souhaitent.
Je vous prie d’agréer, Madame la Députée-Maire, malgré tout, l’expression de mes cordiales salutations.
Pr. Mohamed ROCHDI
Président de l’Université de La Réunion
Copies à :
Monsieur le Premier ministre.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale.
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale.
Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Monsieur le Préfet de La Réunion.
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs de La Réunion.
Monsieur le Président du Conseil Régional.
Madame la Présidente du Conseil Général.
Monsieur le Recteur de l’Académie de La Réunion, Chancelier des universités.
Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil d’Administration de l’Université."