Par beau temps, sa case ferait la joie d’un guide touristique : coquette, typiquement créole, avec ce qu’il faut d’aménagement et d’objets chers, comme ce fusil de chasse accroché au-dessus du lit de Joseph, 82 ans. Mais hier soir c’est un torrent de boue qui a littéralement traversé la case du gramoune, transformée en chantier.
Il est 19h21 lorsque Météo France met en ligne sur Internet son bulletin de vigilance "Fortes pluies". Les radiers du Chaudron et de Sainte-Suzanne, submergés, ferment. Depuis quelques minutes déjà, les averses redoublent dans le nord. A Bagatelle, le chemin zig-zag, en travaux, a été raviné par les eaux : il est devenu impraticable. Dehors sous son parapluie, Marcel veille à l’entrée du chemin et arrête les automobilistes : car rares sont les véhicules a pouvoir franchir les ornières créées par les pluies.
En quelques minutes en de nombreux endroits, les routes se sont couvertes de boue et de pierres charriées par les eaux.
Dans la quartier Jacques Cargo, plusieurs familles voient leur cases subitement envahies par des torrents de boue. Joseph, 85 ans tente d’abord d’obturer tous les interstices en plaçant des linges sous les portes, mais rien n’y fait : en quelques minutes l’eau et la boue se fraient un chemin dans la case qui se retrouve sous plusieurs dizaines de centimètres d’eau. "Cela fait 25 ans que j’habite ici, et des inondations il y en a tous les ans... Mais c’est la première fois qu’il y a autant d’eau" explique le gramoune, sous le choc.
Et le torrent ne s’en tient évidemment pas là : après avoir traversé la case il dévaste le jardin de la case, transformé en véritable chantier. Heureusement pour le gramoune, ses enfants habitent juste à côté. Toute la famille se mobilise, les pompiers ne tardent pas à arriver avec deux camions. Les gendarmes se rendent également sur place pour réguler la circulation dans ce chemin étroit. Daniel Alamelou, 1er adjoint au maire de Sainte-Suzanne, propose des solutions de relogement et des renforts pour le nettoyage. Un brin fataliste, l’élu explique : "c’est un problème récurrent du fait du dénivellé de ce quartier par rapport à Bagatelle, toute l’eau du champ de canne est canalisée par les voiries agricoles qui sont en face de ce quartier... A chaque fois ce sont les mêmes familles qui sont touchées par ce problème". Fatigués, excédés, les habitants réclament une solution définitive à ces inondations à répétition. Mais les champs de cannes appartiennent à des propriétaires privés avec qui la mairie ne peut que discuter, et non imposer une solution.
Au total, cinq familles ont été touchées dans ce quartier de Jacques Cargo.