Yvan Combeau, consultant politique d’Antenne Réunion se penche sur la stratégie électorale du "Tout sauf le maire sortant" très populaire pendant l’entre-deux-tours des élections municipales de 2014.
Professeur des Universités, historien et politologue, Yvan Combeau, consultant pour Antenne Réunion évoque la stratégie politique du "Tout Sauf le Maire Sortant" appliquée par de nombreux challengers au second tour des élections municipales de 2014 :
Dans ces derniers jours de campagne municipale, le TSMS "Tout Sauf le Maire Sortant" s’installe dans plusieurs communes. Une formule énoncée ou non dite qui aide à structurer les batailles électorales de l’entre-deux tours avant le vote du 30 mars. Au fil des années nous sommes passés du "sortez les sortants" (slogan utilisé en 1956) au "tout sauf…". Dans le cadre de ces élections locales la construction au second tour d’un front contre le maire sortant fait recette. Succès dans le registre des mots mais pas encore dans les urnes. Le premier tour a d’ailleurs montré que des maires sortants se portent plutôt bien et même très bien pour plusieurs en améliorant leurs scores (pourcentages des suffrages des exprimés et des inscrits.). Le moteur du "Tous contre" constitue une autre manière de conjuguer la vieille formule "Au premier tour on choisit, au second tour on élimine" avec un bémol c’est que précisément au second tour l’électeur choisit aussi celui qu’il veut effectivement éliminer. En mars 2010 lors des régionales, le "Tout sauf Paul Vergès" a bien fonctionné lors du second tour. De même nous avons vu lors de la présidentielle le "Tout sauf Sarkozy" donner un élan essentiel à la campagne socialiste.
Les critères de ce mécanisme
Pour que cette logique s’applique il faut pour le moins que les porteurs du projet "contre" extériorise une cohérence, une cohésion et que l’adversaire puisse montrer des signes d’usure dans son pouvoir. S’ajoute une nécessaire expression de renouvellement face à des équipes sortantes vieillissantes. Mais plus encore, il faut que le sortant concentre sur lui une forte charge d’hostilité dans le corps électoral. L’identification tient une place essentielle sans cette empreinte le "Tout sauf…" ne parvient pas à fédérer voire se retourne contre leurs auteurs. Le "Tout sauf" dans le cas d’un second tour des municipales doit être examiné dans la réalité de ce qu’il produit c’est à dire le plus souvent un duel serré entre un ensemble pluriel (alliance de deux, trois voire davantage de forces politiques) et un maire. Le Tout se veut alors la seule alternative. Il se doit d’être crédible et constituer une dynamique. Certes la politique n’est pas toujours arithmétique. Elle additionne moins qu’elle multiplie et soustrait. Pour réussir la dynamique hostile au sortant il faut parvenir à présenter une équipe soudée et créer une impulsion nouvelle dans la campagne. Le souffle se mesure rapidement dans les derniers jours de la campagne. Il s’évalue dans les réunions, les contacts avec les électeurs, les sympathisants sur des critères de mobilisation. Inversement, il ne faut pas considérer le maire sortant comme un acteur démuni et automatiquement affaibli. Au "Tout sauf" peut répliquer la devise d’Alexandre Dumas "le Tous pour un, un pour Tous". Une contre-réaction en mesure également de faire naître un sursaut électoral.
Les risques du boomerang
L’union ne fait la force que si elle remplit quelques conditions. Le "Tout sauf" pour conserver son potentiel de suffrages et mobiliser des abstentionnistes du premier tour ne peut réussir ce challenge sans dépasser la posture négative sur deux points essentiels. D’une part il lui faut aussi proposer une autre voie. C’est le "Moi maire… je ne ferai pas...". Se distinguer par son programme du bilan pour éviter le piège de la simple négation. D’autre part, il doit incarner une partition politique lisible et compréhensible sur l’échiquier politique gauche - droite. Les électeurs du premier tour de chaque composante, de chaque liste, doivent se retrouver dans la construction et comprendre les arguments qui ont prévalu dans la démarche de fusion contre le sortant. Que les artisans de ces logiques d’isolement du sortant soient aussi attentifs à l’effet boomerang. Le front hostile pour être efficace se doit d’être ordonné, d’apparaître homogène pour représenter une alternative vraisemblable. Le rassemblement improbable aux allures de mosaïque circonstancielle risque de montrer ses limites. Et à trop essayer de réunir des contraires et des contradictions contre tel ou tel, le corps électoral peut se détourner et exprimer un "Tout sauf…la politique" qui aurait pour conséquences une perte de suffrages (évaluer dans le pourcentage d’inscrits) avec parallèlement une augmentation de l’abstention et du vote blanc.