Les Français ont déclaré avoir été victimes de quatre millions de vols l’an dernier, soit le triple des chiffres officiels. En clair, il y a eu trois fois plus de vols que de plaintes enregistrées auprès de la police et la gendarmerie en 2010. C’est ce que révèle une enquête d’opinion sur la délinquance publiée ce mardi 22 novembre 2011.
Pour la cinquième année consécutive, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a délivré aujourd’hui les " chiffres officieux " de la délinquance en France. Les résultats d’une enquête dite de " victimation " se sont révélés en complet décalage avec les statistiques officielles. Les Français interrogés sur les faits de délinquance dont ils se disent victimes ont fait état de quatre millions de vols en 2010, soit près de trois fois plus que les chiffres officiels.
L’objectif de cette étude menée conjointement avec l’Insee consiste à donner un autre éclairage du bilan des forces de l’ordre souvent basé sur des plaintes. Ainsi, pour plus de 16,4% des Français, le problème de délinquance est devenu de plus en plus "préoccupant", presque au même titre que la pauvreté (19%), tandis que le chômage reste en tête avec 36,2%.
Avec l’Insee, l’ONDRP a interrogé en 2010 près de 17.000 personnes de 14 ans et plus. Et il est ressorti que quelques 4 millions de vols sont déclarés contre seulement 1,5 million rapportés dans les données officielles de la police et de la gendarmerie.
Sur une période de 2009 à 2010, 280.000 personnes de 18 à 75 ans se déclarent victimes de violences sexuelles (hors ménages) mais seulement 10.000 plaintes ont été enregistrées par les policiers et gendarmes. "Le taux déclaré de plaintes par les Français est parfois très faible", constate Cyril Rizk, l’un des responsables de l’ONDRP.
Pire encore, "Il y a parfois, pour certains délits, dix fois plus de victimes que de plaintes enregistrées et moins d’un Français sur dix déclarant déposer plainte. D’où la pertinence des enquêtes de victimation pour compléter les statistiques officielles ", ajoute le responsable de l’observatoire.
Sur 290.000 personnes qui disent avoir été victimes de vols ou tentatives avec violences ou menaces en 2010, 145.000 sont des femmes, révèle l’étude qui relève un chiffre en hausse "significative" entre 2008 et 2010 par rapport aux années précédentes.
Les violences physiques et sexuelles hors et intra ménages ont cependant diminué par rapport aux enquêtes précédentes. Les violences sexuelles chez les adultes restent par contre importantes estimées à 820.000 sur deux ans. En 2010, 380.000 personnes interrogées, dont en grande majorité des femmes, affirment avoir été victimes de violences sexuelles et physiques d’un conjoint. Un "taux stable", d’après l’ONDRP, qui souligne que les statistiques officielles ne reflètent pas toujours l’ampleur du phénomène de violences familiales.
Globalement, les chiffres officieux et officiels montrent en revanche les mêmes "tendances" pour certains faits de délinquance. Dans son enquête d’opinion, l’ONDRP évoque une baisse des vols, à l’exception des cambriolages qui ont enregistré une nette augmentation. Il y a eu hausse aussi pour certaines violences aux personnes.
Autre question posée aux Français dans le cadre de cette enquête concerne le sentiment d’insécurité. Ainsi, près de 15,8% des personnes interrogées disent le ressentir à domicile. Un phénomène qui est monté "à son niveau le plus élevé" en 2010, tout comme en 2009, alors qu’il était de 13,3% en 2008, selon Cyril Rizk.
Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette tendance. "C’est difficile à expliquer", note Cyril Rizk. "Il suffit par exemple d’une actualité médiatique ou politique de fait divers pour l’amplifier", affirme le responsable de l’observatoire. "Nous sommes sur un débat de société", ajoute-t-il, "et il faut sans doute prendre en compte le tourbillon de la crise (financière) qui a son effet", conclut-il.