Sommés de payer l’addition d’années d’incurie et de gabegie de l’appareil d’Etat, les Grecs réclament désormais comme un leitmotiv que des têtes tombent, au point d’inquiéter le personnel politique, qui promet de faire le ménage dans ses rangs.
ATHENES (AFP) - Sommés de payer l’addition d’années d’incurie et de gabegie de l’appareil d’Etat, les Grecs réclament désormais comme un leitmotiv que des têtes tombent, au point d’inquiéter le personnel politique, qui promet de faire le ménage dans ses rangs.
"Brûlons ce foutoir de parlement", "Les voleurs en prison" : ces slogans sont hurlés tout au long des manifestations qui s’enchaînent contre l’austérité censée sortir le pays de sa débâcle financière et frappant de plein la classe moyenne.
Sur les blogs et réseaux sociaux, les Grecs se rallient aussi par milliers à des appels à une réduction du nombre des députés, actuellement 300 pour 11 millions d’habitants,et à la levée des immunités parlementaire et ministérielle.
Depuis les années 90, aucun responsable politique n’a jamais été condamné, en dépit d’une accumulation de scandales, dont le versement avéré de dessous de tables à des décideurs par le géant allemand Siemens.
En marge du défilé du 1er mai, un vétéran de la majorité socialiste, ancien président du parlement, a été pris à partie dans le centre d’Athènes d’abord par de jeunes manifestants puis par des passants, aux cris de "voleur, voleur". Il a été évacué par des policiers.
"On m’a dit que récemment, l’ancien ministre conservateur de l’Economie a dû renoncer à dîner dans une taverne car les clients se sont mis à l’insulter", raconte le sourire aux lèvres Anna Kassimatis, chargée de relations publiques dans un organisme culturel.
Dans un pays où la fraude fiscale est généralisée, tout comme le recours aux pots de vins et aux faveurs clientélistes, au point que le Premier ministre Georges Papandréou parle d’une corruption "systémique", dont il chiffre le coût pour le pays à quelque 20 milliards d’euros par an, l’opinion publique apparaît en quête de boucs émissaires.
"Les Grecs ne veulent pas assumer leurs propres responsabilités, reconnaître que le système politique a été modelé par les demandes extravagantes de la société", juge Thanassis Diamantopoulos, professeur en sciences politiques à l’université d’Athènes.
Pour M. Diamantopoulos, la demande sociale d’un coup de balai été nourrie par "une corruption qui est allée trop loin, a été trop provocante" ces dernières années. Il cite le cas du parlement, qui "employait 800 personnes en 2004 à l’arrivée de la droite, 1.800 cinq ans plus tard, et en a encore embauché 300", avec la nouvelle majorité socialiste.
"Face à la colère populaire, la classe politique commence à avoir peur et à se résoudre à verser aussi un peu de son sang", affirme cet universitaire.
"Si nous sommes désapprouvés, nous ne sommes pas sans savoir pourquoi", a lancé en début de semaine le chef de l’Etat, Carolos Papoulias, vétéran de la scène politique locale, dans un exercice d’autocritique remarqué.
Il a proposé aux chefs des principaux partis une série de réformes pour réduire l’impunité et mieux contrôler les revenus des responsables politiques. Pour l’ensemble des experts toutefois, le problème est surtout celui de l’application des lois, déjà nombreuses à garantir en principe la transparence.
Les premiers signaux tangibles d’un sursaut moral pourraient émaner de deux commissions parlementaires d’enquête qui ont relancé l’examen de l’affaire Siemens et d’un scandale, sous le précédent gouvernement conservateur, de cession illégale d’immobilier public à un influent monastère orthodoxe.
Les travaux de ces commissions, qui doivent se conclure d’ici fin juin, ont ciblé d’anciens responsables gouvernementaux des deux bords, dont quelques ex-ministres conservateurs qui se sont renvoyés la balle des responsabilités.