Le rapport intitulé "Mayotte : nouveau département confronté à des lourds défis", a été examiné hier soir au Sénat.
Les trois rapporteurs de la commission des lois, à savoir Jean-Pierre Sueur, son président, Christian Cointat et Félix Desplan ont exposé tour à tour les difficultés auxquelles est toujours confronté le 101è département.
Parmi elles, le problème au niveau de l’Education. A Mayotte, « les enfants sont scolarisés par moitié le matin et par moitié l’après-midi par manque de locaux », a déploré Jean-Pierre Sueur.
La situation est d’autant plus difficile avec la présence massive des enfants issus de famille en situation irrégulière. « J’y ajoute une forte présence clandestine de mineurs étrangers. Les besoins de scolarisation et de formation sont donc considérables. Il faut ouvrir une classe par semaine, accueillir les élèves par rotation. Les livres, les cahiers, les enseignants manquent » a renchéri à son tour Félix Desplan.
Ce rapporteur a rappelé que 70% du public scolaire sont des enfants d’immigrés. « Ils ont un niveau très faible, une hygiène déplorable et beaucoup sont sévèrement dénutris », a-t-il décrit.
Pour les plus âgés, le tissu économique de l’île constitue pour eux un véritable obstacle, notamment dans l’obtention du certificat d’aptitude professionnelle et ce qui devrait s’en suivre. « Les stages ne se trouvent qu’en métropole. Les bacheliers peinent à continuer leurs études hors du territoire », a constaté le rapporteur.
Des progrès ont été toutefois réalisés, a-t-il souligné : « l’ensemble d’une classe d’âge est scolarisée en premier degré, de plus en plus d’enfants ont accès au second degré. La formation jusqu’à bac + 2 est assurée, de nombreux emplois d’avenir professeurs ont été accordés », pour ne citer que cela. Par ailleurs, 400 jeunes seront concernés cette année par le statut de volontaire des armées, a-t-il fait savoir.
Lui de proposer à ce que le système éducatif français tient compte des particularités de l’île car la langue et la culture françaises sont bien éloignées du quotidien des Mahorais alors qu’elles sont indispensables pour étudier. Il faut selon lui « instaurer des cours de soutien en français et en mathématiques, développer des internats, créer des classes de transition entre le secondaire et le supérieur, former les enseignants du primaire ».
Concernant la création de 600 classes supplémentaires, Félix Desplan estime que cela ne pourra se faire sans aide de l’État. « De nouvelles classes ont-elles été ouvertes ? Les aides pourront-elles être prolongées au delà de 2013 ? Seul le quart de la dotation aurait été utilisé », a-t-il soulevé.
Outre le problème éducatif, le flux migratoire a aussi été longuement débattu. « Nous sommes allés sur place, nous avons reçu M. Christnacht et étudié son rapport. Nous ne pouvons accepter que la situation actuelle perdure, elle est insupportable pour les jeunes en cause mais aussi pour les Mahorais », a fustigé le président de la commission des lois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, avec 90 000 étrangers en situation souvent irrégulière dont 25 000 sont reconduits à la frontière chaque année.
Le fait que ces derniers retentent souvent l’expérience coûte entre 50 et 70 millions d’euros par an à l’Etat, a rappelé Jean-Pierre Sueur. A ce stade, une coopération renforcée avec les Comores s’avère plus qu’indispensable, estime-t-il. Cela doit s’opérer au niveau de la police et des douaniers, a-t-il insisté afin de mettre un terme aux naufrages qui « en vingt ans, ont déjà fait plus de mille morts, sans doute davantage... ».
A son tour, le sénateur-maire Abdourahamane Soilihi, a reconnu que le combat est engagé mais il est loin d’être gagné. « Que de morts inutiles dans ce bras de mer ! Un dialogue sérieux doit être engagé entre la France et les Comores », a-t-il formulé.
Intervenant en faveur des générations futures, l’élu mahorais a rappelé que « c’est avec la jeunesse que doit se construire la nouvelle société mahoraise. Il manque des classes, des écoles sont délabrées. C’est la mission régalienne de l’État, il doit agir en urgence ; un peuple qui ne se soucie pas de sa jeunesse est un peuple qui se suicide ».
Concernant le problème de logement, il a fait remarquer que Mayotte est le département le plus dense après l’Ile-de-France, avec ses 510 habitants au kilomètre carré. « Le logement augmente moins vite que la population à Mayotte, a constaté l’Insee. Il n’y a pas de politique claire en la matière. Je revendique que le droit commun s’applique à Mayotte », a-t-il lancé pour conclure son intervention.
Pour sa part, Thani Mohamed Soilihi a proposé que l’Etat contribue davantage à la promotion du tourisme mahorais, un des secteurs sur lequel l’île espère redorer son blason étant donné que « le lagon de Mayotte est l’un des plus beaux du monde ». Il a aussi retracé les axes prioritaires dans le domaine de l’environnement : mieux développer les énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque, et sensibiliser les jeunes à la préservation des richesses naturelles du département.