Au surlendemain du remaniement du gouvernement Fillon, le chef de l’Etat s’est exprimé pendant près d’une heure est demi à la télévision mardi 16 novembre. Nicolas Sarkozy a répondu aux questions de Claire Chazal (TF1), David Pujadas (France2) et Michel Denisot (Canal+) en direct, depuis le salon Murat de l’Elysée. Retour sur ce face à face avec le Chef de l’Etat qui s’est adressé aux Français afin de dévoiler dans le détail la feuille de route du gouvernement Fillon III jusqu’en 2012.
Dès le début de ce face à face avec le Chef de l’Etat, Michel Denisot a interpellé Nicolas Sarkozy sur le remaniement en lui demandant : "avez-vous reconduit François Fillon avec enthousiasme ?".
Sur ce point, Nicolas Sarkozy a souligné "j’ai une grande confiance en lui, il est très compétent." Quant au fait que le remaniement soit jugé comme étant assez limité, le Chef de l’Etat a déclaré qu’une certaine stabilité est nécessaire.
Interrogé sur le départ de Jean-Louis Borloo, le président déclare : c’est "un homme de grande qualité, mais j’ai estimé que François Fillon est le Premier ministre qu’il fallait à la France".
Quant à la disparition du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, Nicolas Sarkozy a reconnu sur ce point que le débat sur l’identité nationale "a donné lieu à des malentendus, et n’a pas été compris". Selon lui, le système d’intégration n’est pas opérationnel d’où la nécessité que le ministre chargé de l’Immigration soit le ministre de l’Intérieur. "Seul le ministre de l’Intérieur peut maîtriser les flux migratoires".
Autre fait d’actualité attendu par les Français : celui portant sur la réforme des retraites et les neuf journées de mobilisation nationale qui ont été orchestrées pour dire non à cette réforme. En répondant à Claire Chazal, Nicolas Sarkozy a insisté sur le fait que la réforme est allée à son terme "sans violence". Il a sur ce point rendu hommage aux syndicats, qui ont su gérer ce conflit. Une nouvelle fois, le Chef de l’Etat a réaffirmé que la réforme était nécessaire tout en rendant "un hommage signalé" à Eric Woerth. Quant à la forte mobilisation des jeunes contre la réforme des retraites, le président de la République estime que "ce n’était pas très raisonnable, pour certains partis politiques d’appeler les lycéens à manifester". Concernant l’emploi des jeunes, le président lance : "Si plus de Français travaillent, il y aura plus de croissance et plus d’opportunités de travail pour les jeunes."
Au sujet de
la gouvernance, des critiques faites quant à son style et son action et à sa baisse de popularité , Nicolas Sarkozy répond :
"bien sûr, je dois me remettre en question". "
Je ne peux pas m’exonérer de cette part de responsabilité (...). Mais c’est normal que le président de la République porte la colère, l’inquiétude." "J’ai ma part de responsabilité, il faut que j’écoute, quand on est président la République on doit faire son devoir".
Quant à l’achat de l’avion baptisé par les médias "Air Sarko One", le Chef de l’Etat rétorque : "Nous avons vendu deux avions, deux A319, pour acheter un A330. Y a-t-il matière à scandale ?".
Au sujet du départ de l’ancien ministre Eric Woerth et à l’affaire Bettencourt, le président explique : "Son départ a été une des décisions les plus difficiles que nous ayons dû prendre avec Fillon parce qu’elle touche l’humanité de quelqu’un. Il a suscité mon admiration pour son courage et sa dignité lors de la réforme des retraites (...). Lui-même m’a demandé de partir parce que c’était mieux pour sa défense. Et quand il sera sorti de ses ennuis, j’espère que l’on pourra retravailler ensemble."
Sur le chapitre de la sécurité et des l’immigration. Selon le président de la République, ce sont les médias qui ont créé une situation de stigmatisation des Roms. Nicolas Sarkozy affirme clairement qu’il ne regrette rien dans le discours de Grenoble tenu le 30 juillet dernier : "Revenons si vous le voulez bien au moins de juillet et regardons le JT qui est le vôtre : premier sujet, la situation n’est plus tenue à Grenoble ; les policiers veulent démissionner, c’est la jungle. (...) vous créez vous-mêmes, les médias, une stigmatisation sur l’attaque de la gendarmerie, cela a été médiatiquement déformé. Alors, nous allons à Grenoble le Premier ministre et moi. Dans le discours de Grenoble, il n’y avait pas d’outrance, pas un mot plus haut que l’autre, je ne regrette rien".
Au sujet des expulsions de Roms, le Chef de l’Etat répète que "les destructions de camps illégaux sont normales". Selon lui, "il n’y a pas eu de stigmatisation, qu’on soit rom ou qu’on soit français, on respecte. S’il y a un rom en situation illégale, le ministre de l’Intérieur a le devoir de le raccompagner en Roumanie. Qu’on soit rom ou pas rom, on doit respecter la règle de la République". Il insiste également sur le fait que la Commission de Bruxelles n’a pas ouvert de procédure contre la France sur ce dossier.
Interrogé sur les écoutes des journalistes, le président de la République dément catégoriquement :"à aucun moment et d’aucune façon", tout simplement "parce que cela ne sert à rien".
Autre chapitre sur la menace terroriste : le Chef de l’Etat se dit spécialement inquiet pour les otages français retenus au Mali par une bande de l’Aqmi. Il lance un appel aux Français en leur demandant de ne pas aller dans cette région où la sécurité n’est pas assurée. "Pour nos otages en Afghanistan (les journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, enlevés en Afghanistan depuis décembre 2009). , la situation est complexe, je suis un peu moins inquiet pour eux. Et nous avons encore sept otages en Guinée pour lesquels des négociations sont en cours et nous avons encore un otage en Somalie. C’est un sujet complexe, difficile" explique Nicolas Sarkozy avant d’ajouter fermement mais "nous ne changerons pas d’un iota notre politique au seul prétexte que nous sommes menacés comme le sont toutes les démocraties."
Pour faire face à la dépendance des personnes âgées et au vieillissement de la population, Nicolas Sarkozy souhaite la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale, consacrée à ce "cinquième risque". Il annonce une consultation pendant six mois sur les modes de financement de ce projet et affirme que des solutions seront proposées d’ici à l’été 2011.
Quant à la fiscalité : il y aura une réforme fiscale au printemps 2011. Avec pour objectif d’harmoniser la fiscalité française et la fiscalité allemande. Mais sur ce point, le président affirme qu’il n’y aura pas d’augmentation d’impôts. "Il n’y aura pas d’augmentation d’impôts. Si on augmente les impôts, il y aura moins de croissance. En France, le problème c’est trop de dépenses publiques, alors nous réduisons les dépenses publiques. Nous avons supprimé 150.000 postes de fonctionnaires depuis que je suis président de la République."
Sujet capital attendu par les Français : le chômage. Sur ce point, voici les solutions présentées par le président : "Nous allons profiter des négociations engagées avec les partenaires sociaux. Nous voulons obtenir la généralisation du contrat de professionalisation. Quand il y a un licenciement économique, la personne n’y est pour rien ! On lui garantira un an de salaire, on la prendra en charge et elle aura l’obligation d’accepter un emploi. (...) Je pense qu’on n’a pas encore tout essayé contre le chômage." Il souhaite également doubler le nombre de jeunes en formation en alternance tout en assurant que "le chômage reculera l’an prochain".
La France a pris cette année la présidence du G20 et Nicolas Sarkozy affiche une grande priorité sur le plan financier : " "Il faut un nouveau système financier international". Selon lui, la France doit donner l’exemple. "Si on ne veut pas de protectionnisme, il faut de la régulation. C’est la vocation de la France".
Interrogé quant à ses ambitions pour les élections présidentielles de 2012, Nicolas Sarkozy balaye la question en ces termes : "Je prendrai ma décision sans doute à l’automne 2011(...) .J’ai tellement conscience du ridicule de mon propre intérêt par rapport aux problèmes des gens qui sortent de la crise. L’analyse que je fais, c’est que les Français ont envie que je travaille dans leur intérêt jusqu’au bout".
Quant au départ des deux poids lourds du Centre qui ne sont plus au gouvernement, - Jean-Louis Borloo et Hervé Morin - qui pourraient orchestrer une riposte, le président déclare sur ce point : "mon devoir n’est de ne pas rentrer là dedans".
Quant à la dernière question après moins de 90 minutes d’interview : au sujet d’une alliance entre l’UMP et le Front National, le président affirme que ce n’est pas son avis.