L’Evêque de La Réunion Monseigneur Aubry apporte "une réflexion écrite dans le contexte social et politique que nous traversons".
CONFÉRENCE TERRITORIALE
"La Réunion ? La Réunion nous réunit sur une île qui est un cadeau du ciel donné à tous ceux et à toutes celles qui aujourd’hui veulent vivre ici en communauté de destin. Nous venons de tous les horizons du monde. Nous avons appris à vivre ensemble. Nous avons vaincu le commerce fratricide de personnes humaines et dans nos veines palpite la vie de notre île culturellement métisse, avec les couleurs différentes de notre peau.
Ce trésor, il faut en prendre conscience, le préserver, le développer. « Faire peuple » comme on « fait équipe » est le socle de notre citoyenneté.
1946 : départementalisation. Elle a apporté aux femmes et aux hommes de 2019 ce que n’avaient pas , dans l’ensemble, leurs parents et leurs grands-parents : les ressources, le logement, l’accés au savoir, l’école , l’accès aux soins , les assurances sociales, les conditions de voyages, les équipements. A partir des années 1960, une accélération assimilationniste avec la France hexagonale et une boulimie consumériste se sont développées. Mais ce développement sans croissance, et sans croissance humaine, a failli nous faire perdre notre âme.
Un malaise s’est installé. Une majorité de notre population ne se reconnaît pas dans le modèle de société qui a été déployé. On invente une débrouille pour ne pas sombrer, essayer de sauver la face et survivre. Beaucoup se retrouvent sur le bord du chemin. Des injustices persistantes et des inégalités profondes continuent à caractériser différents domaines.
Le malaise se manifeste à travers des commandes par les autorités
supérieures de « rapports » sur les solutions qu’il faudrait apporter. Les rapports succèdent aux rapports ... qui restent souvent dans les armoires.
Ce malaise se traduit par des manifestations de rue qui ont provoqué les Etats Généraux en 2009 , les Assises en 2017 et le grand débat en 2018. Les sujets traités dans les rapports et débattus dans le cadre de grands débats sont récurrents. Cela signifie une chose : ils n’ont pas été réglés . Le mouvement des gilets jaunes, sans référent et avec des doléances parfois contradictoires, révèle sans fard ce phénomène. Tout cela nous interroge sur la vision de notre communauté de destin et sur les moyens de sa coconstruction
par les citoyens que nous sommes. Citoyens que nous devons être au sein de la République. Quel est notre bien commun ? Comment le construire ? Sans exclusion, dans le dialogue, ensemble.
Le Conseil Régional et le Conseil Départemental ne sont pas restés inactifs. Mais il n’y a pas de projet , un « Projet Réunion », défini par des Réunionnais, pour les Réunionnais, en concertation avec l’Etat. La Ministre des Outre-mer, le Premier Ministre ont annoncé leur venue dans l’île. La rencontre du Président de la République avec les élus ultramarins, notamment les maires , a montré, de la part du chef de l’Etat, une volonté de dialogue, une volonté de chercher et de trouver les solutions à travers ce dialogue. A plusieurs reprises , le Président de la République a exprimé sa volonté d’avancer avec les élus locaux : « Chiche ... Allons-y ! ». Il y a, de sa part, un désir et un souci de trouver du répondant localement.
La Réunion a besoin d’un projet ... qui nous projette effectivement vers l’avenir. Le 21 novembre 2018 j’ai posé la question : Pourquoi ne pas réunir la Conférence Territoriale de l’Action Publique (CTAP) dans ce but ?
La CTAP est composée des personnes suivantes :
- Président du Conseil Régional
- Président du Conseil Départemental
- Présidents des intercommunalités (EPCI)
- Représentants des différentes Communes réparties par strates communales et élus par leurs collègues
Cette composition pourrait être élargie à d’autres citoyens déjà actifs dans la société civile , des représentants d’associations qui font du terrain et plus spécialement dans l’éducation populaire. Cela en fait du monde. Ce qui suppose aussi que le processus de mise en route soit une pédagogie opérant des convergences dans le respect des libertés et des responsabilités réciproques. La méthode serait d’articuler vérité et réconciliation . Considérer les urgences, les traiter sur une trajectoire qui vise le long terme pour écrire un « Projet pour La Réunion. »
La loi NOTRé du 27 janvier 2014 et celle du 7 août 2015 renforcent le régime de délégation de compétences et de mise en place des Conférences Territoriales de l’Action Publique (CTAP). Ce serait à l’honneur de nos élus concemés de se mobiliser pour la tenue de cette Conférence. Il y faut préparation, sensibil isation et une animation sans faille qui ne soit pas manipulat ion.
Il conviendrait d’annoncer déjà sa tenue avant la visite des Ministres ? J’écris cette réflexion dans l’esprit de la mise en application du principe de subsid iarité , principe si cher à l’Eglise . J’écris ainsi ma part citoyenne à la construction du bien commun et je l’offre à La Réunion".