De Biaritz, où il attendait un vol direction Nouméa, Patrick Florès, répond aux questions de la rédaction par téléphone. Son fils Jérémy vient de remporter la Pipeline de Hawaii à seulement 22 ans. Une compétition très prestigieuse dans le monde du surf. Il évoque son "immense fierté" et le bon niveau des surfeurs réunionnais.
Racontez-nous cet exploit qu’a réalisé votre fils. Comment cela s’est-il déroulé ce passage à Hawaii ?
C’était un rêve pour Jérémy de remporter cette compétition, parce qu’il faut savoir que c’est la compétition la plus importante pour les surfeurs. Celle qui est plus connue, la plus ancienne, la plus mythique. Il avait une saison un peu difficile au début et il est revenu à partir du mois d’août. Il avait ça dans un coin de sa tête, son objectif c’était vraiment Pipeline, parce qu’il est vraiment très très fort dans le tube, ayant grandi à la Réunion, à Madagascar, sur les rifts. Il l’a fait, et là où personne ne l’attendait, il a été bon, il a été fort, mentalement costaud pour sortir Kelly Slater en demi-finale et je crois qu’il est sur un petit nuage maintenant.
Battre Kelly Slater, c’est une grosse performance, c’est quelque chose que vous auriez envisagé il y a quelques années ?
Il l’avait déjà fait à Tahiti il y a deux ou trois ans je crois. Il a failli le faire plusieurs fois. Ca se rapprochait, on sentait que c’était possible. Mais dans un contexte comme ça où il y a des vagues parfaites comme Pipeline, tout est possible. Et je pense qu’il était prêt à le faire. C’était son année à Jérémy.
Quand Kelly Slater dit : "Il est meilleur que moi au même âge", c’est pour le flatter ou c’est vrai ?
Ah non, ça c’est quand il avait 12 ans Jérémy. C’est quand il était jeune qu’il disait ça. Maintenant, à 22 ans, on ne peut pas vraiment comparer parce que ce ne sont pas du tout les mêmes planches, pas du tout le même surf. Je ne sais pas, je pense qu’il était déjà champion du monde Kelly à 22 ans, ensuite, chaque surfeur a son style. Il s’est beaucoup inspiré de Kelly Slater comme il s’est beaucoup inspiré d’Andy Irons. Mais de là à dire qu’il est meilleur que Kelly à 22 ans, non sûrement pas. Kelly ça reste Kelly, 10 fois champion du monde. Il n’y en aura pas d’autre avant longtemps je pense. C’est déjà pas mal pour un petit Réunionnais d’arriver là, on peut s’en contenter déjà.
Il ne peut pas aller plus loin selon vous notre petit Réunionnais comme vous dites ?
Si si, bien sûr. Moi je pense que tout est possible. Il a le niveau pour le top 5, top 3, la preuve là, sur les cinq dernières compétitions, il fait quand même deux fois troisième, une fois premier, donc oui tout est possible. Il n’a que 22 ans. La moyenne d’âge sur le tout en général c’est plutôt 24, 25 ans. Ils ne sont que trois ou quatre jeunes à avoir percé. Je pense qu’il sera vraiment à son top à 25, 26 ans, donc il a encore le temps.
On a eu Amaury Lavergne en bodyboard il y a quelques mois, maintenant il y a cette nouvelle performance, est-ce qu’on peut dire que la Réunion va devenir une référence en matière de glisse ou alors ce n’est pas assez pour prétendre être reconnu mondialement ?
Ah mais il y a aussi Maxime Huscenot, champion du monde junior en début d’année, ça fait beaucoup. Je crois que sur les sept titres majeurs dans le monde du surf on en a déjà trois, c’est déjà pas mal. Reconnu oui. On était déjà craint, ça c’est clair dans le monde du surf. Les gens en compétition, que ce soit en surf ou en bodyboard, n’aimaient pas trop avoir des Réunionnais dans leur série. Là je pense que oui, on va commencer à faire parler un peu de la petite île dans le monde du surf. Et c’est tant mieux c’est mérité. Je pense que le fait qu’on soit si loin de tout permet aux Réunionnais de se battre déjà pour sortir de l’île, se battre pour avoir des sponsors, se battre pour tout, et voilà je pense que c’est pour ça qu’on est à ce niveau là. Et puis nos vagues le permettent aussi. A la Réunion on a toute sorte de vague et on a eu des personnages historiques dans le monde du surf comme Maxence De la Grange, comme plein d’autres qui ont tout fait pour nous. Je vois le président de la ligue Robert Boulanger qui bosse comme un fou. Il y a tout ça qui fait une espèce de mixture, qui fait que nos surfeurs et nos bodyboardeurs sont très très bons. Et nos jeunes aussi. Faut pas oublier que 50% de l’équipe de France, il y a souvent des Réunionnais.
Votre fils a démarré le surf à l’âge de trois ans à Boucan Canot. Quel chemin il a parcouru jusque là ?
Avant il était sur mes épaules.
Cela doit être une grande fierté pour vous.
Oui bien sûr. on peut être d’autant plus fier qu’on a vécu tout ça depuis le début ensemble et que moi même j’ai surfé pour la Réunion quand j’étais jeune et qu’on arrive à ça, bien sûr j’ai une fierté qui est immense. Et surtout je sais que ça a donné du bonheur à plein de gens, à plein de Français, à plein de Réunionnais, plein d’Européens. Il y a aussi cette fierté qu’on ait réussi à faire ce petit coup là sans faire trop de bruit, c’est pas mal quoi.
Quand serez-vous de retour à la Réunion ? Est-ce que c’est prévu prochainement ?
C’est compliqué. C’est difficile d’intégrer la Réunion dans le circuit parce qu’on enchaîne vite. Voilà la saison est terminée, on est fin décembre. Il va rester à Hawaii parce que c’est quand même le meilleur endroit pour se préparer pour la semaine prochaine. Ensuite c’est l’Australie, c’est compliqué.
Même quelques jours en vacances, c’est pas prévu ?
Si, si, on essaye. Franchement on aimerait bien. Moi, je sais que je serai sûrement là au mois d’avril. Jérémy, il en rêvait cette année. Il a fait un mauvais début de saison et il a fallu qu’il se concentre, qu’il travaille certaines vagues, donc ça n’a pas été facile. Mais bien sûr qu’on aimerait rentrer un peu plus souvent à la Réunion. Tout-à-l’heure, vous me pausiez la question de savoir pourquoi les Réunionnais sont aussi forts. C’est parce qu’ils savent s’expatrier, malheureusement je dirais, mais heureusement, grâce à ça, voilà le niveau des Réunionnais.