Cette suprématie réunionnaise ne doit pourtant rien au hasard.
Depuis 1989, la Fédération française de pelote basque a installé un centre d’entraînement de haut niveau à La Réunion, à Saint-Denis dans le quartier du Chaudron. Ce centre a été labellisé pôle France en 1997, le seul existant sur l’île, tous sports confondus. "Le pôle est très dynamique avec la présence de plusieurs cadres techniques. Il est partie intégrante du quartier", explique Thierry Nasciet, l’entraîneur national de la paleta cuir. Le club effectue d’ailleurs un vrai travail de formation et d’éducation auprès de la population locale. "Je n’avais jamais vu des jeunes de 9-10 ans avec un tel niveau de pelote", a remarqué l’entraîneur lors d’une récente visite.
Pour Olivier Poudoux, conseiller technique de la Ligue du département d’outre-mer, "les Réunionnais se sont appropriés la pelote. Comme on a un basket de rue, là-bas on peut observer une pelote de rue, basée sur l’imagination et la talent".
LE CURÉ DATTAS, PRÉCURSEUR DE LA PELOTE À LA RÉUNION
Les premières traces de l’introduction de la discipline sur l’île se révèlent pourtant à peine plus ancienne que le développement du haut niveau. En effet, comme dans tous les endroits du monde où la pelote s’est propagée, l’immigration basque est à l’origine du phénomène. "C’est un curé, le père Dattas de la paroisse des Camélias à Saint-Joseph-Ouvrier qui l’a importée à la fin des années 1960", explique Olivier Poudoux, poitevin d’origine et qui a découvert la pelote basque à La Réunion. "En 1975, le premier fronton place libre a été construit à Saint-Denis. En 1985, le premier mur à gauche couvert a suivi, puis deux autres découverts à Saint-Leu et Cilaos ", ajoute-t-il.
Au moment où les instances dirigeantes choisirent d’implanter une filière de haut niveau à La Réunion, on a évidemment tenu compte des installations existantes. La paleta cuir mur à gauche a donc été plébiscitée mais pas seulement pour des raisons pratiques. "Le choix de la spécialisation permettait de dégager une élite. D’ailleurs, le pôle France donne aux pelotaris réunionnais de vrais moyens, avec la possibilité de gérer de front insertion professionnelle et statut de sportif de haut niveau", se félicite Jacques Pla, directeur technique nationale de l’équipe de France.
UNE SPÉCIALISATION EN PALETA CUIR
Démarche originale, la pelote basque a donc opté, contrairement à d’autres sports, pour le maintien des sportifs locaux sur l’île. "Nous sommes un sport amateur. La délocalisation de nos sportifs est très compliquée", avance Jacques Pla. Et le choix s’est révélé payant, puisque avec un nombre de licenciés oscillant entre 400 et 500, la petite ligue réunionnaise s’illustre grâce à la pelota cuir.
A Pau, l’équipe de France a bien débuté la compétition grâce à des succès sur l’Argentine et le Mexique. Malgré une défaite face à l’Espagne lors du dernier match de poule, les Français sont qualifiés pour les demi-finales. Sur les dix dernières années, la paire Welmant (35 ans) et Fontano (32 ans) a remporté sept titres de champion de France. Sur la scène internationale, le premier est champion d’Europe (2002), médaillé d’argent au Mondial de Pampelune (2002). Le deuxième a décroché le bronze lors de la Coupe du monde de Brive en 2008.
Jeannot Welmant a débuté la pelote à 8 ans, à l’école primaire. A 14 ans, il effectue son premier stage avec l’équipe de France en catégorie de jeunes. "Deux ans après, je disputais ma première finale. Et je suis toujours là", glisse-t-il avec le sourire. Son coéquipier Frédéric Fontano analyse le succès des Réunionnais de manière très cartésienne : "Avec le pôle, nous possédons la structure adéquate pour nous entraîner plus que les autres et dans d’excellentes conditions."
ENCORE DES PROGRÈS À RÉALISER
Et la spécialisation constitue bien un atout de plus comme le remarque David Basterot, le Landais de l’équipe. "A La Réunion, le budget pelote est consacré presque exclusivement à la paleta cuir. En métroplole, le camembert se divise entre toutes les disciplines", affirme le technicien de laboratoire, qui contrairement à ses amis a eu toutes les peines du monde à se libérer pour la compétition.
Avec huit joueurs seniors de haut niveau et de jeunes espoirs de talents, La Réunion est bien partie pour poursuivre sa domination. Mais, pourtant, si l’élite française prend bien ses racines dans le Chaudron, Welmant et Fontano regrettent que la culture de la pelote basque ne soit pas davantage implantée sur l’île. "En dehors du quartier, nous restons très peu connus. La pelote arrive loin derrière le football, le handball ou le rugby", conclut Frédéric Fontano. A ce titre, l’inauguration prochaine d’un trinquet à Saint-Leu pourrait bien constituer une étape supplémentaire vers un enracinement plus profond et diversifié de la pelote dans l’hémisphère Sud.
Source : Le Monde