Dès novembre 2007, pratiquement dans l’indifférence, la marine française lançait l’opération "Alcyon" destinée à assurer la protection en mer de l’aide humanitaire du Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations-Unies. La France était alors la première nation à prendre véritablement en compte le problème de la piraterie au large de la Corne de l’Afrique. Depuis, les actes de piraterie n’ont cessé d’augmenter. Du plaisancier au super-tanker en passant par le chalutier, aucun bateau, aucun pavillon n’est aujourd’hui épargné. On estime qu’une vingtaine de bateaux et 200 à 300 marins seraient retenus par les pirates. Face à ce phénomène les Etats de tous les continents se mobilisent et déploient une véritable armada navale. La France, qui s’est illustrée par trois libérations "de vive force", déploie d’importants moyens navals dans la zone. La Réunion y apporte une contribution essentielle.
En novembre 2007 avec l’opération Alcyon, la France prend, seule, l’initiative de répondre à l’appel du PAM et d’escorter ses navires chargés de riz, permettant ainsi d’acheminer en sécurité 30 000 tonnes de vivres. Simultanément, la France pousse ses voisins européens à prendre la relève. Trois mois plus tard ce sera chose faite avec la relève le 2 février 2008 des avisos français Commandant Ducuing et Premier maître l’Her par la frégate danoise Thétis. Plus d’un an plus tard où en est-t-on ? Les attaques des pirates n’ont cessé de se multiplier, les commandos marine et le GIGN ont du intervenir à trois reprises pour libérer des otages (Ponant, Carré d’As, Tanit), non sans risques pour ces derniers comme l’illustre le cas du Tanit où le skipper est décédé dans l’intervention. Les états du monde entier (Europe, Etats-Unis, mais aussi Russie, Inde, Chine, Japon...) ont commencé à esquisser une réponse coordonnée en affectant tout ou partie de leurs moyens sur zone à cette lutte. Un an après la France, l’Union Européenne a lancée le 10 novembre 2008 l’opération Atalante, en appui des résolutions du conseil de sécurité des Nations-Unies relatives à la lutte contre la piraterie en Somalie (résolutions 1814 , 1816 , 1838 , 1846 et 1851 ). Elle prévoit le déploiement d’une force navale au large des côtes somaliennes pour une durée de 12 mois chargée de contribuer à la protection des navires du PAM, à celle des navires vulnérables, à la surveillance des eaux territoriales et côtes somaliennes, et à la dissuasion, prévention et répression des actes de pirateries. L’OTAN conduit pour sa part l’opération "Allied Protector". Et d’autres nations ont également décidé d’envoyer leur marine protéger leurs intérêts commerciaux. C’est notamment le cas de la Chine dont la marine, en pleine expansion, n’hésite plus à agir en dehors de ses eaux. Pourtant les pirates ont face à eux une mosaïque navale plus qu’une armada. Intérêts souverains, chaînes de commandement, procédures, règles d’engagement et dispositifs juridiques différents compliquent l’action de la communauté internationale. L’opération Atalante qui compte actuellement huit navires de combat (allemand, espagnol, français et italien) permet toutefois de dessiner enfin les contours d’une coopération efficace. 19 navires du PAM transportant 120 000 tonnes de nourriture ont aujourd’hui transité en sécurité permettant un accès quotidien à l’alimentation pour 1,8 millions de Somaliens. C’est aussi l’Union Européenne qui a négocié avec le Kenya le transfert le 22 avril dernier des pirates retenus à bord de la frégate française Nivôse afin qu’ils soient jugés par la justice kenyanne. Le 14 avril la frégate Nivôse avait en effet déjoué une attaque contre le bâtiment de commerce Safmarine Asia (Libéria) à 500 nautiques (900 km) à l’est de Mombasa, puis pisté les pirates durant la nuit avant d’intervenir au petit matin du 15 avril. Les pirates naviguaient sur un "bateau mère" (mother ship), une embarcation de 10m de long transportant notamment 17 fûts de 200 litres de carburant, et deux skiffs d’assaut contenant armes de guerre et matériel d’attaque (cordes, grappins...). L’action du Nivôse est appuyée par celle d’un avion de surveillance maritime Falcon 50 qui opère en ce moment dans cette région et complète les renseignements recueillis par les avions de patrouille maritime espagnol et français basés à Djibouti. Ces aéronefs seront d’ailleurs bientôt rejoints par un avion de patrouille maritime japonais P3C Orion, les forces d’autodéfense japonaises ayant décidé elles aussi d’envoyer des moyens dans la zone. L’action des aéronefs de patrouille maritime est déterminante alors que les pirates opèrent sur une zone couvrant le golfe d’Aden et une zone maritime longeant le littoral somalien, soit une surface de 2 100 000 km², soit l’équivalent de 4 fois la superficie de la France ! 16 000 navires et 30% des approvisionnements européens en pétrole transitent chaque année dans la région...
Mais la piraterie en mer au large de l’Afrique est née sur terre. Misère de la population, faibles revenus, pour les bandes concernées il s’agit simplement d’aller prendre l’argent là où il est : en mer, dans des eaux où leurs frêles embarcations de pêche ne parviennent d’ailleurs pas à concurrencer les flottes mieux équipées, comme les navires de pêche de l’Union Européenne accusés de se livrer au pillage des eaux somaliennes. Le site somalien WardherNews a d’ailleurs conduit une étude (sur un échantillon, donc plus qualitative que quantitative) sur sur ce que pensent les Somaliens des faits qualifiés de piraterie. Il en résulte que 70% des personnes interrogées "soutiennent fermement le piratage en tant que forme de défense nationale des eaux territoriales du pays". "Quand un pêcheur gagne un dollar par jour, la tentation de se lancer dans les actes de piraterie est forte" concède Hervé Morin, ministre français de la Défense. "Si nous ne traitons que les symptômes -la piraterie sur mer- et pas les causes profondes -le délabrement de l’Etat et la pauvreté- nous échouerons" a prévenu pour sa part le président de la commission européenne, José Manuel Barroso. C’est pourquoi la communauté internationale s’est réunie dans une conférence des donateurs jeudi 23 avril à Bruxelles, pour promettre 213 millions de dollars pour le rétablissement de la sécurité sur le sol de la Somalie en guerre civile, et par ce biais réduire la piraterie endémique dans le Golfe d’Aden. L’objectif de l’ONU de 166 millions de dollars sur les douze prochains mois a été atteint. Le président somalien Charif Cheikh Ahmed a d’ailleurs tenu à "exprimer (sa) gratitude et (son) estime à la communauté internationale pour l’attention qu’elle accorde à la Somalie" tout en réclamant de l’aide pour "renforcer" les gardes-côtes. Le secrétaire général de l’ONU a toutefois appelé à ne pas oublier les besoins immédiats du tiers de la population -environ 3,2 millions de Somaliens- qui dépend de l’aide internationale pour survivre. "Cet effort (pour la sécurité) ne doit pas se faire aux dépens de l’assistance humanitaire". En réponse à cet appel, la Commission européenne a annoncé, en plus de 72 millions d’euros pour la sécurité, 48 millions d’euros d’aide humanitaire.
Si la mobilisation et la coordination des marines s’impose en mer pour lutter efficacement contre les pirates, seule la terre est, à terme, en mesure d’apporter une alternative à la piraterie. Une mobilisation civile urgente, avant que les succès financiers des pirates (plus de 60 millions d’euros de rançon auraient été versés en 2008) n’attirent à eux ou n’inspirent d’autres intérêts, comme les organisations mafieuses ou terroristes.
La vidéo montre une action conduite début avril par la frégate Floréal, relevée le 12 avril par le Nivôse.
Dans la nuit de vendredi à samedi, un cargo a été intercepté par des pirates.
L’opération Atalante
Le contrôle politique de l’opération est exercé par le Conseil européen, via le COPS (Comité politique et de sécurité) qui exerce également la direction stratégique. Le CMUE (comité militaire de l’UE) assure le suivi de la bonne exécution de l’opération conduite sous la responsabilité du commandant de l’opération, le vice-amiral (GB) Philip Jones. Le contre-amiral (FR) Jean-Pierre Labonne a été désigné adjoint au commandant de l’opération. L’état-major opératif est basé à Northwood au Royaume-Uni. Ce dernier doit être, à terme, armé par 80 personnes, dont 6 Français. L’amiral Jones y conduit la planification et la conduite de l’opération en liaison avec les autorités militaires et politiques de l’UE. Enfin le capitaine de vaisseau (Sp) Juan Garat commande la force navale européenne depuis l’état-major de la force (FHQ) sur le théâtre. Ce dernier est embarqué à bord d’un bâtiment, il a été réduit au strict minimum, soit environ une vingtaine de militaires dont un Français. Au total une dizaine de pays participeront à l’opération Atalante, parmi elles 5 nations apportent une contribution opérationnelle permanente à l’opération : l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Grèce, et le Royaume-Uni. Une vingtaine de bâtiments et aéronefs seront engagés, environ 1 200 militaires seront impliqués. Le nombre exact de bâtiments et avions de patrouille maritime participant dépendra des disponibilités. Ainsi, le format de la force navale européenne évoluera en permanence. En moyenne, EUNAVFOR comptera 4 à 5 bâtiments du type frégate et 3 à 5 aéronefs, hélicoptères et avions de patrouille maritime. Son coût annuel est estimé à 230 millions d’euros.
La France participe à l’opération Atalante avec le déploiement permanent d’une frégate pendant toute la durée de l’opération et la participation ponctuelle d’un avion de patrouille maritime Atlantique basé à Djibouti. Des moyens des forces armées de la zone sud de l’Océan Indien basés à La Réunion concourent également à la lutte contre la piraterie, en ce moment avec la frégate Nivôse, deux patrouilleurs (La Glorieuse, L’Albatros) et un Falcon 50. La France propose également un soutien logistique à l’opération avec son dispositif prépositionné à Djibouti. Les pays participant à l’opération peuvent s’appuyer sur les infrastructures aéroportuaires de la base des FFDJ (Forces française à Djibouti ) qui fournit également un soutien santé avec un hôpital de campagne ("Rôle 3").