Une enquête menée entre 2016 et 2019 à Mayotte a pour objectif d’étudier les troubles psychiques qui touchent 35 % des Mahorais.
Entre 2016 et 2019, une enquête a été réalisée auprès de 900 adultes, représentatifs des différentes catégories de population (sexe, revenus, etc.) à Mayotte. Ils ont été interrogés pendant 45 minutes en français ou en shimaoré, rapporte Le Journal de Mayotte. "Cette étude consistait à connaître l’état de santé mentale de la population, mais aussi les représentations qu’elle s’en fait", a détaillé Dr Jean-Luc Roelandt. Ce dernier est un psychiatre à l’établissement public de santé mentale de Lille, également, directeur du centre coordinateur de l’OMS de Lille, et qui a chapeauté l’enquête.
Publiés lundi 25 novembre, les résultats de cette étude ont montré que 35,6 % des sondés présentent au moins un trouble psychique ou mental, soit une personne sur trois. Cette maladie touche notamment les 18-29 ans avec une proportion de 45 %. Par ailleurs, ils ont confié que ce trouble les gêne dans leur quotidien.
D’après les résultats, les troubles anxieux et de l’humeur sont majoritaires avec respectivement 24 % et 19 %. En outre, une prévalence importante des troubles d’allure psychotiques et de ceux liés à l’alcool est aussi constatée avec un même pourcentage de 3,5 %. Ces résultats ont montré la gravité des troubles anxieux et dépressifs, à Mayotte ainsi que l’importance des familles lors des soins.
Par contre, "l’ampleur des problèmes d’alcool est vraiment étonnante, du fait de la religion", a remarqué le psychiatre. D’ailleurs, l’alcool semble bien rester un sujet sensible, et c’est le seul trouble pour lequel les Mahorais ne se confient pas à leurs proches. Cette attitude est un signe d’un "tabou fort qui peut constituer un obstacle à l’accès aux soins", d’après la psychiatre du CHM, Elodie Beranger.
Interrogés sur les soins et traitements de ces troubles, plus de la moitié ont répondu se rapprocher de leur famille pour les soutenir et font confiance à la psychiatrie. Mais ils sont aussi nombreux, qui se tournent vers les soins "religieux" ou "magico-religieux" (14 % pour soigner les troubles de l’anxiété).
Effectivement, le contexte culturel de Mayotte ouvre des voies de prise en charge innovantes s’éloignant du tout-hôpital. Issa Issa Abdou, vice-président du CD en charge du médicosocial a estimé que la culture mahoraise (culture à la fois musulmane et animiste), laisse une grande place à la tradition.
Cette étude s’est également penchée sur la perception des "fous, malades mentaux et dépressifs". D’après les résultats, Mayotte se distingue par son optimisme, car c’est l’un des seuls territoires où la majorité de la population croit que ces troubles peuvent se guérir. Dans ce sens, les Mahorais sont largement favorables à une prise en charge des malades à domicile auprès de leur famille.
Toutefois, dans le pays, la plupart des sondés estiment qu’un "fou ou un malade mental" est quelqu’un ayant une attitude anormale, visible et qui peut être dangereux. Par contre, beaucoup estiment que les dépressifs sont davantage responsables de leur maladie et de leur comportement.
Certainement, les résultats de cette enquête ont permis d’apporter une multitude de données épidémiologiques, nécessaires au CHM et aux autorités pour bâtir le plan territorial de santé mentale. Par rapport à la France (2,4%), les troubles psychotiques semblent plus présents à Mayotte avec 3,5%. Le risque suicidaire semble être, aussi en hausse à Mayotte, (4%), mais il reste plus faible qu’en métropole (10%).
Néanmoins, beaucoup de questions restent sans réponse notamment sur les causes de la forte proportion de jeunes touchés par ces maladies. Il y a également la question de la santé mentale des mineurs, car une hausse des demandes de prise en charge en pédopsychiatrie est constatée.
>>> Notre dossier sur la santé à Mayotte