L’île est peu connue et nombreux seraient bien gênés de devoir la situer sur une carte... Et pour s’y rendre, pas de liaison directe, escale obligatoire par Saint-Denis de la Réunion. Soit deux à trois heures de plus avec les temps de transit... Et un prix du billet en conséquence. Alors pourquoi vouloir se rendre à Mayotte ? Ce confetti de 376 Km2 est à la croisée de deux mondes : encore peu développée, l’île est néanmoins française. Mais au quotidien, on y parle
shimaoré... Mayotte c’est un peu un croisement entre l’Afrique et la France, ou pour prendre des exemples plus proches, entre la "Grande Ile" voisine, Madagascar, et La Réunion. Alors Mayotte, on y va pour se dépayser, pour un parfum d’aventure sans les embûches de l’étranger. Et puis certains connaisseurs y vont en pélerinage au paradis, celui de la plongée. A Kani Kéli, la plage ressemble à beaucoup d’autres plages, mais la différence est dans l’eau, ou plutôt sous l’eau... A une cinquantaine de brasses du rivage il ne faut pas plus de quelques minutes pour rencontrer des tortues. S’improvise alors un ballet sous-marin.
Des moments inoubliables...
Mais au-delà de ce havre pour touristes, Mayotte se voile. Française, l’île est musulmane,
la polygamie y a toujours cours, et on y parle d’abord
shimaoré, français seulement après, et selon le niveau d’instruction. C’est ainsi qu’à côté du droit commun de la République est reconnu ici le droit "local" ou droit "cadial", celui de la justice musulmane. Mais ici pas de main coupée pour les voleurs ou de femme adultère lapidée, mais un personnage incontournable de la société mahoraise,
le "cadi". On va chez le "cadi" pour se marier, divorcer, pour les successions, les problèmes de voisinage... Autant de dossiers qui n’engorgent pas les tribunaux. Avec la départementalisation les cadis devraient perdre l’ensemble de leurs prérogatives judiciaires pour devenir des "médiateurs sociaux".
Pour autant, le grand cadi lui-même se montre favorable à la départementalisation. S’il aurait bien sûr préféré un statut qui prenne mieux en compte les particularismes de la société mahoraise, pour lui
comme pour les autres la priorité est bien de s’arrimer définitivement à la France, de devenir "
français à part entière". Voilà pourquoi malgré la victoire attendue du "oui" au référendum de dimanche prochain, tout le monde se mobilise. C’est ainsi que les partis politiques se sont regroupés au sein d’un collectif, sauf le MODEM qui a fait
campagne à part. Tous les partis ont intérêt à revendiquer la victoire attendue du oui, une manière de se positionner pour les prochaines élections et qui a conduit le MODEM a dépêcher sur place Jean Lassalle en soutien du député local.
Une sénatrice communiste métropolitaine a eu moins de succès. Favorable au non, elle a dès son arrivée rencontré une opposition, et a bien failli se faire "chatouiller". Les
chatouilleuses illustrent peut-être mieux que tout la place très importante que tient la femme dans la société mahoraise, une société matriarcale et matrilinéaire.
Le rôle des parents apparaît d’ailleurs plus que jamais crucial dans le développement de l’île. Car si dès la maternelle
les petits mahorais font l’école en français, au quotidien ou dans le foyer, on parle encore
shimaoré ou
shibushi.
A Mayotte on est encore loin du "standard" d’un département français, et la coutume prévaut largement. Ainsi, impossible pou une jeune fille de se marier si elle ne possède pas de maison... Toutes les familles doivent donc en construire une pour leur fille. La construction fait donc appel aux bonnes volontés de la famille, à l’entraide de voisinage mais la frontière n’est pas éloignée du travail dissimulé, avec des mahorais ou surtout des comoriens, 30% de la population de l’île. Mayotte possède donc un record national : celui de l’activité de sa cellule "travail illégal" de la direction du travail. Pour s’en convaincre, il suffit de
suivre un inspecteur lors d’une matinée ordinaire. Pour cet inspecteur du travail, une priorité : faire en sorte que les employés soient correctement payés et bien équipés, éviter l’exploitation de travailleurs clandestins. Ces derniers doivent déjà se battre pour accéder aux soins. Autre particularité de Mayotte, la sécurité sociale n’a été mise en place qu’en 2005, mais chacun doit s’acquitter d’un "ticket d’entrée", souvent
hors de portée des populations, étrangères ou mahoraises, les plus précaires.
Mayotte aborde donc la journée de dimanche comme la dernière étape d’un long processus de rapprochement et de normalisation
avec la France. Pour les mahorais, il s’agit de devenir enfin vraiment français et d’être ainsi "protégés" de leurs voisins comoriens. Pourtant, dans le même temps, pour l’ONU, l’Union Africaine, et les Comores, Mayotte appartient aux Comores... En 1974 en effet, la France avait procédé à un référendum d’autodétermination "
des populations". Seule Mayotte avait voté majoritairement pour le maintien du lien avec la France, les autres îles de l’archipel (Anjouan, Mohéli, Grande Comore) se prononçant contre. En 1975, les Comores devenaient donc membre de l’ONU et Mayotte, collectivité d’Outre-Mer. Le différend porte donc sur une question de périmètre : Mayotte était-elle détachable des Comores ?