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Une étude de l’Insee, publiée le 3 avril, met en lumière les raisons des difficultés à l’écrit en français à Mayotte. "L’apprentissage de la lecture et de l’écriture est fortement influencé par l’environnement familial et les conditions de vie durant l’enfance", explique l’institut.
Menée entre septembre 2022 et mars 2023, l’étude de l’Insee révèle que 61 % des 18-64 ans, soit 89 000 personnes, rencontrent des obstacles dans l’apprentissage du français. D’après ce chiffre, Mayotte présente un taux de difficulté à l’écrit bien supérieur à celui de l’Hexagone et des autres territoires ultramarins. L’étude, réalisée avec la Dares, souligne plusieurs facteurs explicatifs. Parmi les principales causes évoquées figurent une pratique limitée du français au quotidien, une scolarisation tardive ou incomplète, et une enfance marquée par des difficultés et des conditions de logement précaires.
Le français, bien qu’essentiel dans l’éducation et l’administration, n’est pas la langue principale des Mahorais, rapporte le Journal de Mayotte. Seuls 29 % des adultes l’utilisent pour communiquer avec leurs proches. En revanche, 73 % s’expriment en shimaoré ou en kibushi, et 25 % en langues comoriennes comme le shingazidja, le shimwali et le shindzuani. Près d’une personne sur deux déclare ne pas comprendre la langue française, un obstacle majeur dans l’accès aux services publics et à l’emploi.
Seuls 43 % des 18-64 ans ont débuté leur scolarité dans le système français. Près d’un quart a suivi l’intégralité de sa scolarité à l’étranger et 28 % n’ont jamais été scolarisés. Sans surprise, 95 % des adultes n’ayant jamais été à l’école rencontrent des problèmes en français. Même parmi ceux ayant commencé leur scolarité en France, 30 % éprouvent des difficultés, contre 6 % en métropole et 15 % dans les autres DROM. Les difficultés à l’écrit sont généralement liées à l’environnement dans lequel l’enfant grandit. Les événements traumatisants, les changements d’établissement ou le manque d’accès à des livres influencent l’apprentissage. De plus, les conditions de logement pénalisent les habitants du département : 40 % des habitations sont précaires, souvent sans électricité ni espace d’étude. Parmi ceux qui y vivent, 82 % rencontrent des difficultés à l’écrit, contre 55 % de ceux résidant dans un logement en dur.
Historiquement plus touchées par l’analphabétisme, les femmes sont en train de rattraper leur retard. Aujourd’hui, parmi les 18-44 ans ayant débuté leur scolarité en France, 75 % des femmes n’ont pas de problème en français, contre 68 % des hommes. De manière générale, les jeunes sont moins en difficulté que leurs aînés : 47 % des 18-24 ans contre 70 % des 55-64 ans. L’extension de la scolarisation explique cette amélioration, mais les écarts restent marqués avec la métropole (6 % de difficultés chez les jeunes en Hexagone, contre 47 % à Mayotte). La maîtrise du français conditionne l’accès à l’emploi et aux services numériques. Seuls 24 % des personnes en difficulté ont un travail, contre 61 % de celles à l’aise à l’écrit. L’écart est aussi flagrant dans l’usage d’Internet : 35 % des personnes en difficulté ne l’ont jamais utilisé, contre 3 % chez les personnes maîtrisant le français. Côté démarches administratives, 50 % des personnes concernées n’en ont jamais réalisées en un an.
Plus de détails sur le site de l’Insee