Illustration - Alain ROBERT/SIPA
Entre pénurie de personnel, manque d’équipements et locaux inadaptés, l’établissement est confronté à une surcharge qui affecte autant la qualité des soins que la santé mentale des soignants.
Quatre mois après le passage du cyclone Chido, le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) peine à retrouver un fonctionnement normal. Depuis la fermeture des maternités de Dzoumogné et Mramadoudou, la maternité de Mamoudzou absorbe seule l’ensemble des accouchements de l’île. Les patientes sont nombreuses, les lits insuffisants. Certaines doivent patienter sur des brancards ou dans des espaces précaires, improvisés dans les couloirs. Faute de place, des tipis de draps ont été montés près des toilettes ou des entrées pour offrir un minimum d’intimité.
Le personnel tente de s’adapter tant bien que mal. Une auxiliaire de puériculture évoque des journées de 17 accouchements, avec plus de 40 nourrissons à surveiller seule. "On a eu 17 accouchements hier soir, c’était le rush, je devais courir partout", indique-t-elle. Le chef de service, Roger Serhal, confirme : "Sur l’ensemble des maternités de Mayotte on arrivait à gérer 18.000 consultations par an, dorénavant on ne peut prendre en charge que 60%."
Le cyclone Chido a aussi détruit la pharmacie du port de Longoni, ce qui a provoqué une rupture de la chaîne logistique. Résultat : les soignants doivent composer chaque jour avec des stocks incomplets. "Toutes les semaines, on subit de courtes pénuries", confie Léa Perd, sage-femme depuis un an. Pansements, tubes d’analyse ou matériel d’urgence manquent régulièrement. Dans certains cas, cela met directement en danger les patientes. Trois décès sont à déplorer depuis janvier, en lien avec des complications obstétricales.
Aux urgences, le constat est similaire. Une partie des locaux est inutilisable faute de soignants. Les chambres sont triplées, les couloirs encombrés de brancards. Les soignants doivent faire des choix importants : prioriser les malades en fonction des prises d’oxygène disponibles. C’est une médecine de guerre, résume une infirmière. La tension est telle que certains posent leur démission, d’autres attendent leurs congés pour souffler.
Le manque de personnel touche tous les services. Il manquerait 48 sages-femmes, alors qu’une seule doit parfois gérer 30 patientes. Le recrutement est difficile, les conditions de travail et de vie à Mayotte découragent les nouvelles recrues. Une aide-soignante décrit un environnement insalubre et un moral en berne. Beaucoup renoncent à s’investir, sachant que leurs collègues repartent après quelques mois.
Pour enrayer la fuite des soignants, la direction teste un système de contrats annualisés. Il permet aux médecins de partager leur année entre Mayotte et un autre territoire, comme La Réunion ou la métropole. Ce nouveau système a séduit une vingtaine de praticiens. "Et ça fonctionne, une vingtaine de médecins est déjà en accord avec cela. En plus ça permet de garder les personnes qui connaissent Mayotte", note la cheffe adjointe des urgences, Tiphaine Medori.
Source : Lejournaldemayotte.yt