Les lémuriens disparaîtront totalement du territoire de Madagascar d’ici 20 ans, si rien n’est fait pour combattre la pauvreté, qui pousse les hommes à détruire la forêt, l’habitat naturel de ces espèces menacées.
Dans les 20 ans à venir, Madagascar pourrait assister à la disparition de tous ses lémuriens en raison de la déforestation. Poussés par la pauvreté, les hommes saccagent la forêt, le seul habitat de ces espèces menacées.
Ce sont 200.000 ha de forêt qui sont réduits en cendre chaque année des suites de la culture sur brûlis et des feux de brousse. A l’heure actuelle, le pays n’est couvert que par 10 à 13% de sa forêt originale, soit 50.000 km2. Cette infime ressource forestière pourrait disparaître en une génération, et avec elle les 105 espèces de lémuriens qu’elle abrite, si aucune mesure d’urgence n’est prise en matière de conservation.
"Si on continue ce rythme de déforestation, on peut dire que d’ici 20 à 25 ans environ, il n’y aura plus de forêt, et donc plus de lémuriens", s’alarme Jonah Ratsimbazafy, célèbre primatologue malgache, soulignant que 93 des 105 espèces de lémuriens sont menacées d’extinction.
Devenant de plus en plus pauvres, les habitants se posent comme l’ennemi numéro un de ces petits primates. "Tant que la pauvreté existera, on ne peut pas croire que l’on pourra empêcher la disparition de ces lémuriens", estime le scientifique.
Les experts évaluent à près de 6 millions d’euros le fonds nécessaire pour sauvegarder l’ensemble des lémuriens existants sur la grande île, dont "24 sont désormais classés ‘en danger critique’, 49 sont ‘en voie de disparition’, et 20 ‘vulnérables’".
Outre la déforestation, d’autres phénomènes tels que le pillage de la forêt et l’exploitation à outrance des ressources minières menacent directement les lémuriens. "Il y a beaucoup de chercheurs d’or dans le parc. On peut gagner jusqu’à 100.000 ariary par gramme d’or (35 euros). Ils viennent souvent d’autres villes car ils sont pauvres. Pour les trouver, c’est loin, il faut bivouaquer", raconte un guide du Parc National de Ranomafana (sud-est).
La coupe sauvage des bois précieux est également pointée du doigt, car les auteurs se servent des lémuriens comme nourriture. "Les petits coupeurs de bois de rose dans le nord-est sont obligés de manger des lémuriens durant leurs longues expéditions dans la forêt où souvent ils n’emmènent pas suffisamment à manger et couper du bois c’est dur, alors ils mangent de la viande de lémuriens car c’est plus facile à attraper que les oiseaux", relate le primatologue Tovonanahary Rasolofoharivelo.
La Grande île se dépouille de sa forêt année après année. "Dans les pays tropicaux comme Madagascar, les sols sont très très pauvres" explique Jonah Ratsimbazafy : "Voilà ce que font les paysans : cette année on cultive là, l’année prochaine on bouge, on bouge, on bouge et après, c’est la déforestation, le désert".
Face à la menace, plusieurs ONG environnementales ont lancé un appel pour financer un plan de sauvetage sur trois ans de 5,7 millions d’euros. Etant donné que l’Etat malgache n’est pas en mesure de contribuer financièrement au plan dans l’immédiat.
"Nous allons faire des recherches de financement ailleurs avec des fondations privées", assure Benjamin Andriamihaja, représentant à Madagascar d’ICTE (Institut pour la Conservation des Environnement Tropicaux).
Mais en attendant, "On essaie de financer des activités génératrices de revenus, par exemple, planter des haricots, élever des porcs, des poulets, développer la pisciculture, pour que les paysans arrêtent de détruire la forêt mais il est très difficile de suppléer au manque à gagner des paysans qui ne pensent pas à long terme", indique M. Andriamihaja.