Madagascar est victime d’un des plus grands trafic de bois précieux au monde malgré un récent arrêté du ministère de l’environnement et des forêts qui rappelle que l’exploitation forestière dans le Nord est malgache est illégale. Désastre écologique, et pillage bien rôdé et organisé.
Sur le port de Tamatave, soleil de plomb, mardi dernier. L’océan est calme et les boutres arrivent du Nord chargés de bois de rose. Un transport illégal. Sur place, Paul, notre témoin. Il a 50 ans. Il souhaite prendre un nom d’emprunt. Parce que ce trafic de bois est dangereux : « un système mafieux » nous dit il, « tout le monde en parle mais personne n’agit ». Paul se passionne pour cette cause depuis des années : « l’exportation de bois précieux est vraiment réglementée dans le pays. Certaines sociétés seulement ont le droit d’exporter les bois précieux comme le bois de rose, l’ébène et le palissandre. Et elles ne suivent toujours pas les règles. Mais là sur ces boutres c’est de l’exportation illicites ».
Il est vrai que le phénomène est durable et historique. « Depuis que les français sont partis l’exploitation forestière se poursuit sans règles, ou avec des règles très floues » poursuit Paul. Les responsables du Bianco, le bureau indépendant de la lutte contre la corruption, ont révélé il y a peu une affaire de trafic international de bois de rose. Une société Chinoise commanditaire de conteneurs chargés à bloc de bois précieux, adressait ses demandes auprès des sociétés titulaires de permis. Elle versait ensuite de grosses sommes d’argent sur les comptes des sociétés malgaches qui assurent la coupe et le transfert des bois. Le Missouri Botanical Garden (centre américain de recherche botanique), a estimé que 571 conteneurs ont été exportés illégalement de Madagascar vers la Chine, de janvier à avril 2009. Résultat : 120 millions de dollars de profit pour les exportateurs et le massacre des forêts protégées.
En fait les ministères de l’environnement et des forêts, des finances et du budget et du commerce ont le 21 septembre dernier pris un arrêté interministériel portant agrément d’exportation à titre exceptionnel des bois précieux à l’état brut ou semi travaillé. Dans ce document que nous nous sommes procurés, les ministères cherchent à assainir ce secteur d’activité en désignant des opérateurs, seuls exploitants forestiers.
Problème. L’article 2 porte à titre exceptionnel à 25 le nombre de containers attribué à chacun des opérateurs (13 au total), dans un souci « d’apaisement de la situation socio-éco-politique qui prévaut dans la région ». Le prix à payer : 72 millions d’Ariary (presque 25 000 €) par container. Pour les finances publiques exsangues, cette manne est la bienvenue.
Selon Dominique Baillard de RFI : « 10 000 tonnes de bois précieux auraient été exportées depuis le début de l’année. Ces chiffres sont officieux, officiellement la précédente équipe au pouvoir avait donné en janvier dernier une dérogation exceptionnelle portant sur un volume maximal de 1 500 tonnes de bois soi-disant cycloné, c’est-à-dire d’arbres abattus par la tempête. Ce commerce illégal, dévastateur pour l’environnement devait ensuite enfin prendre fin mais avec le flottement provoqué par l’instabilité politique, une douzaine d’exportateurs sont passés à la vitesse supérieure. Sortir 20 tonnes de bois de rose de la forêt pour le charger dans un conteneur au port coûte 50 000 dollars. Le ticket de sortie qui permet d’exporter, c’est-à-dire le bakchich, a été négocié à 30 000 dollars d’une source proche du milieu du négoce. Les principaux clients, les Chinois de Hong Kong, sont prêts à payer in fine 220 000 dollars le conteneur ».
Au cours de l’année 2009, Madagascar présente une superficie de 10.000ha de forêt pillée pour trafic de bois de rose. Et il faut 60 ans pour qu’un plant de bois de rose arrive à l’état adulte. Le pire est que la plupart de ces bois précieux se trouvent dans des zones protégées, ce qui agrandisse la catastrophe écologique. Sur le plan économique, le pays a perdu plusieurs centaines de millions en référence à l’importance des quantités exportées illicitement.