A quelques heures de la fin théorique de son mandat, le président de l’Union des Comores Ahmed Abdallah Sambi a nommé un nouveau gouvernement pour gérer une période "intérimaire" pleine d’incertitude et qui suscite toujours un vif mécontentement sur l’île de Mohéli où des manifestations ont éclaté.
Comme annoncé dans son discours à la Nation mardi soir, le président Sambi a formé dans la nuit "le gouvernement qui doit conduire le pays durant la période intérimaire", selon un communiqué officiel.
"Seuls deux membres de l’ancienne équipe sont reconduits" dans ce nouveau gouvernement "d’ouverture" qui compte une dizaine de ministres, presque tous cependant des proches de Sambi ou membres de la mouvance présidentielle.
La formation surprise de ce gouvernement est intervenue après l’échec mardi d’un nouveau round de négociations à Moroni entre la présidence et les représentants des trois îles de l’archipel (Grande comore, Anjouan et Mohéli) sur la future transition. Malgré les efforts de la communauté internationale et de l’Union africaine (UA), les responsables politiques comoriens ne sont pas parvenus à fixer la date de l’élection présidentielle, alors que revient normalement à Mohéli le tour d’accéder à la tête de l’Union en vertu du principe de la "présidence tournante" entre les îles.
Ahmed Abdallah Sambi, dont le mandat de quatre ans prend fin à minuit, a obtenu en mars la prolongation de sa présidence jusqu’à fin 2011, au terme d’une réforme constitutionnelle contestée et d’un Congrès boycotté par l’opposition. Cette réforme visait à harmoniser —essentiellement par souci d’économies— l’élection du président de l’Union avec celle des gouverneurs des trois îles.
La Cour constitutionnelle, plus haute juridiction du pays, a jugé début mai que le mandat de Sambi expirait effectivement le 26 mai, mais qu’il devrait ensuite exercer le pouvoir au cours d’une "période intérimaire", dans une "démarche consensuelle" et avec des pouvoirs limités, jusqu’à l’organisation d’élections dont la date reste à fixer.
Mardi soir, le chef de l’Etat a assuré vouloir "se conformer" à ces dispositions. Il a affirmé avoir accepté, au cours des négociations sur la transition, le principe d’élections "dès juillet prochain en signant même un engagement dans ce sens".
Il a néanmoins exigé la tenue de la présidentielle en même temps que l’élection des gouverneurs des îles, ce que la délégation de Mohéli a refusé.
Sur l’île de Mohéli, la tension reste vive et aujourd’hui, de jeunes manifestants ont fait face aux forces de l’ordre pour la deuxième journée consécutive. Barricades de pierres et carcasses de véhicules jonchaient l’avenue principale de Fomboni, chef lieu de l’île où des dizaines de gendarmes ont patrouillé dans les rues désertes, tirant des grenades lacrymogènes en direction de groupes de manifestants très mobiles.
Récurrentes depuis plusieurs mois, ces manifestations populaires sont montées d’un cran, avec le saccage aux premières heures de la matinée d’une quinzaine d’échoppes du marché appartenant "à des Anjouanais".
Ces violences d’un nouveau genre traduisent le ressentiment croissant des Mohéliens envers l’île voisine d’où est originaire le président Sambi, et d’où arrivent de nombreux migrants.
Avec près de 40.000 habitants, soit 5% de la population comorienne, Mohéli est la plus petite des îles de l’archipel, derrière la Grande Comore et Anjouan. En vertu de la "présidence tournante", tous les Mohéliens attendaient depuis des mois qu’un natif de l’île accède jeudi, au terme du mandat de Sambi, à la tête de l’Union, une première dans l’histoire de ce pays pauvre de l’océan Indien.
Source : AFP