Tout a commencé il y a deux mois quand Thilo Sarrazin, membre du SPD, les sociaux-démocrates, a publié un livre dans lequel il accuse les immigrés d’être la cause du déclin de l’Allemagne.
Intitulé "L’Allemagne court à sa perte", l’ouvrage pointe du doigt explicitement l’immigration islamique, majoritairement turque, jeune et dynamique, face à une population allemande vieillissante. En effet, sur une population totale de 82 millions d’habitants, environ 16 millions sont des immigrés ou d’origine étrangère. Thilo Sarrazin a alors annoncé la défaite des valeurs chrétiennes de l’Allemagne face à cette intrusion débordante.
Quelques semaines après, le Président fédéral Christian Wulff, membre de la CDU, a provoqué un tollé dans les milieux conservateurs en affirmant que l’Islam faisait désormais aussi partie de l’Allemagne. Ce dernier est d’ailleurs en Turquie pour une visite de quatre jours où il doit rencontrer son homologue turc Abdullah Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Christian Wulff est ainsi le premier président allemand à visiter le pays depuis 10 ans.
La semaine dernière, une étude de la Fondation Friedrich Ebert révèle que 58.4% des allemands sont favorables à la limitation des libertés religieuses des musulmans. 55.4% disent comprendre que pour certaines personnes "les arabes sont désagréables" et plus généralement, 34.3% pensent que les étrangers ne viennent en Allemagne que pour profiter des prestations sociales.
Pour Olivier Decker, l’un des auteurs de l’étude, l’Allemagne a vu une augmentation significative des prises de position racistes en 2010 à cause notamment de la crise qui a aggravé le chômage dans le pays. En effet, 31.7% affirment qu’en cas de situation tendue sur le marché de l’emploi, on devrait renvoyer les étrangers chez eux.
Ainsi, la Chancelière Angela Merkel a tenu un discours aux antipodes de la position du Président Christian Wulff. Dans un débat qui fait rage actuellement outre-Rhin, Merkel a affiché son camp en déclarant tout bonnement que le modèle multiculturel allemand a échoué. "Nous sommes un pays qui au début des années 60 a appelé des travailleurs invités en Allemagne. Maintenant ils vivent avec nous, et nous nous sommes mentis à nous mêmes, en disant qu’ils n’allaient pas rester, et qu’ils repartiraient un jour. Ca n’a pas été la réalité. Cette approche multiculturelle, dire que nous vivons simplement côte à côte et que nous en sommes heureux, cette approche a échoué, complètement échoué". Pour les observateurs, le discours de la Chancelière, en baisse dans les sondages, est un clin d’œil lancé en direction de la frange conservateur de l’électorat chrétien-démocrate.