Trente ans après la mort de Tito, la nostalgie de la Yougoslavie est toujours intacte chez Blasko Gabric qui guide les visiteurs à travers un "Yugoland parc", à Subotica (Serbie), modeste contribution à la mémoire de ce qui était pour lui le "paradis sur terre".
SUBOTICA (AFP) - Trente ans après la mort de Tito, la nostalgie de la Yougoslavie est toujours intacte chez Blasko Gabric qui guide les visiteurs à travers un "Yugoland parc", à Subotica (Serbie), modeste contribution à la mémoire de ce qui était pour lui le "paradis sur terre".
L’ancien drapeau yougoslave, à bandes horizontales bleue, blanche et rouge frappé d’une étoile rouge, flotte au-dessus de l’entrée. Des panneaux célèbrent les événements et la vie sous Tito, qui dirigea la Fédération yougoslave sans partage de 1945 à sa mort, le 4 mai 1980.
Cela fait six ans que Blasko Gabric consacre ses terres à ce projet, encore inachevé, mais cet homme de 67 ans reste inébranlable dans sa volonté de célébrer un monde disparu et qui lui paraît avoir été sans pareil.
"Nos travailleurs pouvaient voyager dans le cadre des vacances d’hiver, d’été. L’école était gratuite, soupire-t-il devant l’AFP. Aujourd’hui les propriétaires des usines prennent tout l’argent et nous, nous payons tout".
Blasko Gabric est intarissable sur les mérites de la Yougoslavie qui ne survécut pourtant guère à la disparition du dictateur communiste.
Dès le début des années 90, l’ancienne Fédération sombrait dans des conflits meurtriers et l’unité yougoslave volait en éclats sous la pression des passions nationalistes.
La Slovénie quitta d’abord l’ensemble yougoslave, puis la Croatie, la Bosnie, tandis que le Monténégro se séparait quelques années plus tard de la Serbie, qui voyait à son tour le Kosovo proclamer son indépendance.
Pour les historiens, la nostalgie de l’ensemble yougoslave, encore fréquente dans les Balkans occidentaux, s’explique en partie par les drames affreux qui se sont produits après.
Le culte de Tito s’explique par "l’échec de la politique et de l’Etat yougoslave après lui" et l’impression de "déclin constant" ressentie par beaucoup après sa mort, estime l’historien serbe Predrag Markovic.
Mais selon lui, la nostalgie de l’ancienne Yougoslavie se distingue de celle que l’on peut observer chez certaines générations dans les anciens pays communistes, qui regrettent des temps plus simples où tout le monde était assuré d’avoir un travail.
"Ce qui manque aux gens ici, c’est de ne plus être un grand pays respecté. La réputation de la Yougoslavie était inconcevablement meilleure que celle de tous les pays qui en sont issus", explique M. Markovic.
De nombreuses délégations venues des quatre coins de l’ancienne Yougoslavie défilent au Musée de l’histoire yougoslave à Belgrade, où se trouve la tombe de Tito, le jour de l’anniversaire de sa mort.
En Slovénie, il n’est pas rare de voir des jeunes porter des t-shirts et des badges à la mémoire de l’ancien dictateur.
En Croatie et en Bosnie, des dizaines d’organisations se sont créées pour entretenir son souvenir.
Tous les ans, des milliers de sympathisants se rassemblent dans son village natal, à Kumrovec, en Croatie, le jour anniversaire de sa mort.
Et puis beaucoup ne se reconnaissent pas dans ces nouveaux Etats issus de l’ancienne Yougoslavie, un cadre trop étroit ne reflétant pas à leurs yeux la complexité de leurs origines.
"Mon père est un Serbe du Kosovo, ma mère macédonienne. Mon grand-père était Croate (...) Si vous me demandez ma nationalité, je vous dirais que je suis un Balkanique et plus précisément, je suis un Yougoslave, et personne ne peut me priver de cela", commente Ljubomir Djordjevic, un journaliste à la retraite.
M. Djordjevic souhaite que le prochain recensement en Serbie puisse faire état de la nationalité yougoslave.
Mais il sourit, sans illusions. "Nous savons qu’il n’y aura pas une nouvelle Yougoslavie (...) La manière la plus simple pour nous de vivre ensemble, c’est de nous retrouver tous dans l’Union européenne".