Le gouvernement provisoire du Kirghizstan a décrété à partir de mercredi et jusqu’au 1er juin l’état d’urgence et un couvre-feu à Djalal-Abad (sud), fief du président déchu Kourmanbek Bakiev, où des affrontements sanglants ont de nouveau eu lieu.
BICHKEK (AFP) - Le gouvernement provisoire du Kirghizstan a décrété mercredi l’état d’urgence à Djalal-Abad, ville du Sud du pays, à la suite de nouvelles violences meurtrières, et annulé l’élection présidentielle prévue à l’automne.
"Dans le but d’assurer la sécurité des citoyens, de normaliser au plus vite la situation et de rétablir l’ordre public, la décision a été prise de décréter l’état d’urgence à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 1er juin" à Djalal-Abad, a indiqué le gouvernement dans un document remis à des journalistes.
Cette mesure, qui prévoit un couvre-feu de 20H00 à 06H00, a été annoncée à l’issue d’une journée marquée par des affrontements qui ont fait deux morts et une soixantaine de blessés, selon le ministère de la Santé.
Peu après, les autorités kirghizes ont fait savoir que la fonction de président du pays avait été confiée à la dirigeante du gouvernement provisoire, Rosa Otounbaïeva, pour une période transitoire allant jusqu’au 31 décembre 2011, annulant ainsi l’élection présidentielle prévue en octobre.
Conformément à un décret pris par le gouvernement, elle exercera aussi les fonctions de chef de gouvernement et n’aura par ailleurs pas le droit de se présenter lors de la prochaine élection présidentielle, dont la date n’a pas encore été fixée.
Ancienne ministre des Affaires étrangères formée à Moscou, Mme Otounbaïeva a aussi été ambassadeur aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Cette femme de 59 ans était lors des révolutions de mars 2005 et d’avril 2009 parmi les leaders de l’opposition.
Depuis la révolte d’avril qui a forcé à la fuite le président Kourmanbek Bakiev, les responsables kirghiz et étrangers ont mis en garde contre une guerre civile dans ce pays stratégique d’Asie centrale miné par des rivalités ethniques et des tensions entre le nord et le sud de la république.
Les violences à Djalal-Abad avaient un caractère interethnique, opposant Kirghiz et Ouzbeks, a indiqué le gouvernement, accusant les partisans du président déchu de les avoir provoquées pour tenter de reprendre le pouvoir dans ce pays d’Asie centrale.
Réfugié au Bélarus, M. Bakiev avait été chassé de la présidence début avril après un soulèvement qui a fait 87 morts et à l’issue duquel l’opposition s’était emparée du pouvoir.
Pour tenter d’apaiser les tensions, "le représentant spécial du gouvernement du Kirghizstan, Ismaïl Issakov, arrivé à Djalal-Abad, mène des pourparlers avec les deux parties du conflit", a déclaré le gouverneur par intérim de la région, Bektour Assanov.
"Actuellement, il y a (face au siège de l’administration régionale) environ 10.000 personnes", a-t-il dit.
"Les autorités font tout leur possible pour rétablir l’ordre au plus vite, mais les provocateurs et les partisans du régime de Bakiev cherchent à tourner à leur avantage une situation difficile", a-t-il dit.
Le district de Souzak, voisin de la ville de Djalal-Abad, a lui aussi été placé sous le coup de l’état d’urgence, a précisé le gouvernement provisoire.
La stabilité du Kirghizstan est cruciale pour les Etats-Unis qui y disposent d’une base aérienne essentielle au déploiement des troupes en Afghanistan.
Le regain de tension est un test pour le nouveau régime, dont l’arrivée au pouvoir avait dès le début suscité la méfiance dans le Sud, terre natale de Kourmanbek Bakiev, désormais exilé au Bélarus.
M. Bakiev avait lui-même été porté au pouvoir par une révolution en mars 2005 qui avait débuté dans le Sud avant de remonter sur Bichkek. Au cours de sa présidence rocambolesque, il avait renoué avec les dérives du régime autoritaire et clientéliste qu’il avait renversé.