La Chine, principal allié de la Corée du Nord, pourrait soutenir des sanctions contre Pyongyang accusé d’avoir coulé une corvette sud-coréenne, mais se soucie avant tout de préserver la stabilité régionale, estiment des analystes.
PEKIN (AFP) - La Chine, principal allié de la Corée du Nord, pourrait soutenir des sanctions contre Pyongyang accusé d’avoir coulé une corvette sud-coréenne, mais se soucie avant tout de préserver la stabilité régionale, estiment des analystes.
Pékin a appelé jeudi "toutes les parties à la retenue" après qu’une enquête internationale eut conclu qu’une torpille nord-coréenne avait provoqué le naufrage du Cheonan en mars et a annoncé qu’elle ferait "sa propre évaluation" de l’enquête.
Une prudence liée à la crainte de voir se déverser des flots de réfugiés sur son territoire, qui partage une frontière avec la Corée du Nord, si son voisin déjà économiquement exsangue était soumis à des sanctions, expliquent ces analystes.
Mais, soulignent-ils aussi, la Chine ne veut pas non plus risquer l’isolement international pour soutenir le régime de Kim Jong-Il, condamné dans l’affaire de la corvette par Tokyo et Séoul mais aussi Washington, l’Union européenne et l’OTAN, notamment.
Selon Zhu Feng, directeur du Programme de Sécurité Internationale de l’Université de Pékin, le naufrage de la corvette, qui a coûté la vie à 46 marins sud-coréens, pourrait pousser Pékin à repenser ses liens étroits avec Pyongyang, illustrés par la récente visite en Chine de Kim Jong-Il.
"Si toutes les preuves convergent vers une provocation nord-coréenne, cela aura un grand impact sur la Chine et forcera celle-ci à revoir la façon dont elle considère la Corée du Nord", dit Zhu à l’AFP.
"Si le Conseil de sécurité (de l’ONU) en discute afin de décider de sanctions contre la Corée du Nord, je pense que la Chine le soutiendra", ajoute-t-il.
Nicholas Szechenyi, du Centre for Strategic and International Studies à Washington, en convient mais dit aussi que la Chine craint un exode de la Corée du Nord, en cas de nouvelles sanctions.
"Le grand intérêt de la Chine est de maintenir la stabilité dans la péninsule. Jusqu’à présent, elle a fourni une aide économique au Nord et maintenu le statu quo, mais la Corée du Nord met à l’épreuve la volonté de la communauté internationale", explique-t-il.
"Je ne sais pas s’ils vont changer tout de suite d’attitude mais, à la longue, la Chine va avoir de plus en plus de mal à rester modérée", indique-t-il.
Comme Zhu, Szechenyi estime que l’apparent accord chinois pour un projet de nouvelles sanctions contre l’Iran rend plus vraisemblable une démarche similaire vis-à-vis de la Corée du Nord.
Pékin est l’allié le plus loyal de Pyongyang auquel il apporte une aide énergétique et alimentaire. Le seul pays ayant quelque influence sur le régime nord-coréen, ce qui place aussi la Chine dans une position difficile.
Szechenyi pense que la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, attendue à Pékin pour d’importantes discussions sino-américaines la semaine prochaine, devrait mettre la pression pour un ralliement de Pékin. "La Chine n’a pas beaucoup de temps pour décider de la façon de résoudre ça avec les Etats-Unis".
Mais Willy Lam de la Chinese University of Hong Kong ne croit pas à une condamnation publique des actes nord-coréens par Pékin.
"La Chine pourrait dire en privé aux Nord-Coréens de faire attention à ce qu’ils font, mais des admonestations en public iraient à l’encontre de l’atmosphère qu’ils essaient de bâtir et gâcherait ce qui est ressorti de la rencontre avec Kim" qui était en Chine début mai, affirme M. Lam.
"Le point de vue de Pékin c’est +reprenons les discussions et ne nous laissons pas égarer par l’incident de la torpille+", dit-il.
Washington, Pékin, Séoul, Tokyo ainsi que Moscou sont les partenaires de négociations avec Pyongyang sur son programme nucléaire controversé, suspendues toutefois depuis plus d’un an après que Pyongyang eut quitté la table des discussions.