Le parti politique de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, puissant symbole de la résistance à la junte pendant plus de 20 ans, s’apprêtait à disparaître jeudi soir en raison de sa décision de boycotter les prochaines législatives.
RANGOUN (AFP) - Le parti politique de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, puissant symbole de la résistance à la junte pendant plus de 20 ans, s’apprêtait à disparaître jeudi soir en raison de sa décision de boycotter les prochaines législatives.
La Ligue nationale pour la démocratie (LND) avait annoncé en mars qu’elle boycottait le scrutin, le premier depuis celui de 1990 qu’elle avait remporté haut la main (392 des 485 sièges) sans jamais pour autant accéder au pouvoir.
Elle avait jusqu’à ce jeudi pour déposer sa candidature, mais ses instances n’en ont pas démordu. Et à minuit (17h30 GMT), en vertu de la loi, le parti devait appartenir à l’Histoire.
Symboles et drapeaux de la Ligue, fondée le 27 septembre 1988, resteront en place jusqu’à ce que la junte militaire les enlève. Certains membres veulent en effet la voir transformée en organisation de la société civile.
Mais en décembre, selon un de ses membres, elle pourrait devoir quitter son quartier général, une petite bâtisse décatie, aux murs rongés par l’humidité et recouverts de portraits de la lauréate du prix Nobel de la paix.
"Je crains qu’il n’y ait rien d’autre vers lequel les gens puissent se tourner qui possède un tel pouvoir symbolique", regrettait un fin observateur de la politique birmane, attaché à cette "bicoque usée luttant pour la démocratie" qu’est le siège de la LND.
Nyan Win, porte-parole du parti, a refusé d’évoquer son émotion. "Il n’y a rien de prévu jeudi".
La LND paye pour son refus de céder aux exigences des généraux, dont les lois électorales stipulent qu’un parti ne peut conserver parmi ses membres un prisonnier politique.
Mme Suu Kyi, 64 ans, en résidence surveillée pendant 14 des 20 dernières années, aurait dû être exclue des instances de son parti afin qu’il puisse concourir. Une procédure qu’elle a elle-même jugée inacceptable.
Mais sa dissolution, soulignent des analystes, laissent la voie libre à la junte du généralissime Than Shwe qui peut se réjouir d’avoir complètement marginalisé son ennemie jurée avant le scrutin, attendu fin octobre ou début novembre.
La décision a provoqué d’importants remous au sein du parti, dont la direction est composée d’octogénaires épuisés et, selon leurs détracteurs, déconnectés des réalités de la Birmanie contemporaine.
Des rumeurs circulaient ces derniers jours sur la formation d’un nouveau parti par d’ex-membres de la LND, dont Khin Maung Swe, un autre porte-parole : "En tant qu’hommes politiques, notre devoir est de servir le peuple. La LND n’a pas pu respecter la promesse faite au peuple en 1990. Donc je soutiendrai ceux qui veulent continuer à servir le peuple".
"Aujourd’hui est notre dernier jour. Je suis très triste de voir notre parti disparaître ainsi".
Fin avril, des avocats avaient déposé, en désespoir de cause, deux recours contre l’article de loi qui oblige la LND à se séparer de la dissidente. Sans surprise, la Cour suprême de Rangoun les a déboutés.
"C’est une grande perte pour la Birmanie. Nous avons besoin d’une opposition forte", a regretté Aung Naing Oo, analyste birman installé en Thaïlande. "La LND a créé un vide dans l’opposition. Ce que je trouve ahurissant, c’est qu’ils aient pris cette décision sans apporter d’alternative".
Mais certains affirment que le parti n’est pas mort.
"Nous aurions perdu toute dignité, toute crédibilité, en nous mettant au service de la junte" et en participant au scrutin, a estimé Win Tin, vétéran du parti, qui a fait 20 ans prison.
"On n’empêche pas un parti d’exister par décret. Nous n’abandonnerons pas notre idéologie, notre action politique, notre leadership", a-t-il assuré dans une interview à la radio française RFI.