Ariana Cubillos/AP/SIPA
Aux États-Unis, le renvoi brutal de migrants vers des pays tiers suscite de vives critiques. Parmi eux, Andry Hernandez Romero, ouvertement gay et spécialisé dans le make-up, a été transféré fin mars 2024 vers une prison salvadorienne.
L’expulsion de ce Vénézuélien a été ordonnée sans jugement formel.
Washington et San Salvador ont conclu un accord de coopération controversé visant à lutter contre les gangs. D’après les informations relayées par CBS News, l’homme est retenu à la prison de haute sécurité CECOT, tristement célèbre pour ses conditions de détention extrêmes. Malgré un casier judiciaire inexistant, il est accusé de faire partie du gang Tren de Aragua avec 238 autres ressortissants vénézuéliens.
Les autorités américaines ont retenu un seul élément contre lui : un tatouage représentant des couronnes. Son avocate, Lindsay Toczylowski, dénonce une interprétation abusive, expliquant que ces symboles sont dédiés à ses parents. Les dessins sont aussi rattachés à son activité dans les concours de beauté. Aucun contenu dangereux n’a été retrouvé sur ses réseaux sociaux, selon une enquête de l’émission 60 Minutes. Son expulsion est d’autant plus inquiétante qu’il avait passé l’étape du « credible fear interview » sans encombres.
Avant même que son audience d’asile n’ait lieu, Andry Hernandez Romero a disparu, transféré menotté et sans notification préalable au Salvador. Depuis, il n’a plus donné de nouvelles. Des clichés du photographe Philip Holsinger attestent sa présence à CECOT. Le maquilleur originaire du Venezuela aurait subi des humiliations et des maltraitances. Il aurait répliqué : "Je ne suis pas un membre de gang. Je suis gay. Je suis styliste" avant d’être tabassé.
Le Département de la Sécurité Intérieure (DHS) affirme détenir des preuves plus larges, notamment via les réseaux sociaux, mais une enquête de l’émission "60 Minutes" n’a trouvé que des photos anodines, souvent liées au maquillage et à la mode, après avoir examiné des années de publications de Romero. Le cas d’Andry Hernandez Romero n’est pas isolé. Des dizaines d’autres migrants ont été envoyés à CECOT sur la base de tatouages, de gestes sur d’anciennes photos ou de simples suspicions.
Cette procédure d’expulsion s’appuie sur l’Alien Enemies Act, une loi datant de 1798, rarement utilisée depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle permet aux autorités américaines de contourner les garanties juridiques habituelles, en qualifiant arbitrairement des individus de menace sécuritaire. Selon 60 Minutes, près de 75 % des migrants expulsés dans ce cadre n’ont aucun antécédent judiciaire. Pourtant, le Département de la sécurité intérieure (DHS) maintient sa ligne. L’absence de dossier aux États-Unis ne serait pas suffisante pour écarter tout risque.