Masques animaliers, coffres mauritaniens ou fétiches vaudous : plus de 200 oeuvres d’arts et traditions d’Afrique, pour la plupart inédites, sont exposées à partir de samedi à Agen, issues de la collection privée d’un couple de passionnés avide de "faire partager" ses découvertes
AGEN (AFP) - Masques animaliers, coffres mauritaniens ou fétiches vaudous : plus de 200 oeuvres d’arts et traditions d’Afrique, pour la plupart inédites, sont exposées à partir de samedi à Agen, issues de la collection privée d’un couple de passionnés avide de "faire partager" ses découvertes.
"Quand vous faites une découverte scientifique, est-ce que vous avez envie de la garder pour vous ?", explique à l’AFP Patrick Sargos, un professeur de mathématiques sexagénaire qui, avec son épouse, a été coopérant pendant 14 ans en Mauritanie et au Sénégal.
"Cet enthousiasme pour l’art africain, on a la naïveté et la candeur de vouloir la faire partager pour présenter l’Afrique sous un autre jour que sous les coups de machette ou les fléaux quotidiens", renchérit Catherine Sargos, 58 ans.
Fruit de cette "passion dévorante", une riche exposition abritée sous les voûtes de l’ancienne église gothique des Jacobins à Agen donne à voir, jusqu’au 15 novembre, 205 statues, masques, reliquaires, trônes, instruments de musique et costumes d’Afrique de l’ouest et centrale, du Cameroun et du Nigeria.
Cette exposition représente les deux tiers de cette collection de 35 ans habituellement renfermée dans un parking de Nancy, où le couple vit désormais. Environ 150 de ces oeuvres n’ont jamais été montrées au public.
"Ce sont essentiellement des objets de culte, des passeurs entre les esprits, des objets protecteurs qui ne sont pas forcément pensés pour être beaux", explique la conservatrice du musée des Beaux-Arts d’Agen, Marie-Dominique Nivière, soulignant que l’exposition est le reflet de "choix" du couple.
"J’ai toujours aimé les têtes, les visages, les caricatures, l’art africain résumait à peu près tout ce que je cherchais dans un objet d’art, en plus en trois dimensions", explique Catherine Sargos. D’où une profusion de masques dans l’exposition, avec en point fort, la figuration animalière, comme le buffle, symbole de la force, ou l’antilope pour exprimer l’élégance.
Certaines pièces sont très anciennes, comme ce cavalier du Mali, datant probablement du XVIe siècle alors que la durée de vie d’un objet de bois ne dépasse que rarement un siècle, selon M. Sargos.
Il y a aussi cette tête en terre cuite de la civilisation Nok, au Nigeria, de 2000 ans d’âge, ou encore des coffres ouvragés de Mauritanie, "carrément oubliés" des Occidentaux jusque dans les années 1980 acquis au terme d’une longue enquête de Patrick Sargos auprès des forgerons du pays.
Prêtés à Agen, les objets ont tous été désacralisés. Quand ils ont toute leur puissance, "ils servent à éloigner les mauvais esprits, à protéger contre les maladies, les cyclones mais ils sont inactifs" quand on les acquiert, explique Vincent Monwenagni, spécialiste béninois du vaudou, qui accompagne les Sargos dans leur collecte.
Ces pièces sacrées proviennent souvent du troc, en échange de travaux ou d’un service dans un village. "Quand on sort un objet, on le remplace avec une copie et on lui redonne le pouvoir pour ne pas perdre le rite", souligne Ousmane N’Dam, antiquaire camerounais, qui détecte les faux pour les Sargos.
Les Sargos s’assurent que tous leurs objets n’ont "été ni sous-payés à leur propriétaire, ni volés". "On a tout pris sur un coup de coeur, à chaque objet on redémarre une enquête à zéro", confie M. Sargos.
Un travail de longue haleine qui leur a permis d’apprendre à détecter les faux "à 95%". "Si vous achetez un objet en dehors des galeries", explique-t-il, "vous avez une chance sur 10 millions pour qu’il soit authentique".