Au lendemain de la mobilisation des partisans au mariage homosexuel et à la veille de la présentation du texte de loi à l’Assemblée nationale, Stéphane Ducamp nous livre son opinion sur ce débat qui agite la société française.
La mobilisation était faible hier à La Réunion alors qu’une France métropolitaine la manifestation pour soutenir le projet de loi sur le mariage homosexuel a réuni entre 125.000 et 400.000 personnes à Paris.
Qu’ils soient une dizaine ou des milliers, les partisans entendent bien peser dans le débat sur l’homosexualité. Les discussions sur projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels débutent demain à l’Assemblée nationale. D’ores et déjà, près de 5.000 amendements ont été déposés pour contrer le texte.
Dans l’opposition comme sur les bancs de la majorité, ce projet de loi agite la classe politique dans son ensemble. Le président François Hollande a dû, à maintes reprises, exprimer sa ferme volonté à voir adopter cette loi. Position partagée par son Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Mais à la veille du début des débats à l’Assemblée nationale, Stéphane Ducamp - délégué régionale du Refuge et secrétaire de l’association LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans) Réunion, porte son regard sur cette question qui trouble autant la société française.
"On a affaire à une omerta"
Militant depuis deux ans au sein de l’association, il n’a pas constaté d’évolution notable de l’opinion de la société réunionnaise par rapport aux homosexuels. Il relève que La Réunion est "bloquée sur tous les sujets ayant un rapport avec la sexualité, le coule et la famille. La parole semble difficile à délivrer sur tous ces sujets alors quand il s’agit de sexualité, pour ne pas dire d’homosexualité, on a clairement affaire à une omerta".
Mais il est important, selon lui, de "légiférer sur ces sujets que sont le mariage et l’adoption", ce serait sinon "ignorer les réalités de notre société". Stéphane Ducamp avance le chiffre de "30.000 enfants" qui vivent "dans des familles homoparentales, des couples de personnes de même sexe adoptent" même si "ces adoptions sont faites en tant que célibataire par un des conjoints".
"Légiférer pour protéger la famille"
Si cette réalité existe, comment expliquer alors les réticences d’une partie de la population sur ce texte de loi ? Stéphane Ducamp l’explique par le "changement" au sein d’une société "qui génère des craintes". Néanmoins, il ajoute que "leur refuser des droits, c’est leur refuser un cadre juridique permettant la sécurité et l’épanouissement de ces familles homoparentales, enfants comme parents".
Le PACS (Pacte civil de solidarité) qui peut être conclu entre deux personnes majeures pour organiser leur vie commune, "ne protège pas la famille". Stéphane Ducamp explique que "dans certaines épreuves de la vie, comme le décès d’un des membres du couple, si c’est celui qui a les droits sur l’enfant, celui qui reste peut se voir déposséder des enfants qu’il a éduqués et aimés. Les droits ouverts permettront de palier à ces souffrances qui viennent s’ajouter à la douleur de la perte d’un conjoint. Le mariage et la filiation permettront de protéger les enfants vivant dans des familles homoparentales, présentes, et à venir. Le mariage protège par défaut le conjoint en cas de difficultés sans passer par le notaire".
"Le code civil n’est pas la Bible"
Quant à la position de l’église, il indique qu’elle peut "fournir une opinion sur le sujet" car "l’église et tous ceux qui la composent sont des citoyens à part entière". Cependant, il "regrette que l’église mette ses moyens à disposition des opposants à une loi de la République (laïque), bien plus que dans l’éclaircissement du débat sur le sujet. Je pense tout de même que son rôle tient plus du spirituel que du terrestre. Nous parlons du mariage civile, non pas du mariage religieux. Le code civil n’est pas la Bible, il a, au cours des décennies, très largement été modifié".
Il déplore par ailleurs que "jamais l’église réunionnaise n’a cherché à rencontrer les associations qui luttent contre l’homophobie, et en faveur des droits de la population homosexuelle".
Aux arguments des opposants à ce texte de loi qui mettent en exergue un déséquilibre de l’enfant s’il n’est pas élevé par un couple hétérosexuel, Stéphane Ducamp répond, "Je me permets de rappeler l’opinion d’Elisabeth Badinter philosophe, Elisabeth Roudinesco directrice de recherche HDR et psychanalyste, Boris Cyrulnik psychiatre, largement favorable à l’homoparentalité. J’aimerai que les opposants puissent citer des noms aussi prestigieux et reconnus mondialement en termes d’opposition à l’adoption par des couples de même sexe".
Stéphane Ducamp adresse également un message aux opposants à ce projet de loi. un message qui ressemble davantage à un appel pour discuter sans juger. "Aujourd’hui se battre sans débattre, c’est se battre contre l’égalité. C’est aussi, sans débat, se faire le complice d’une homophobie latente (ou clamée), inhérente à la société française".
Il pointe ainsi "six fois plus de témoignages" recueillis "sur les lignes d’urgence du Refuge et de SOS homophobie". Il est temps désormais, selon lui, de cesser "les fantasmes, il n’y a ni parent A, ni parent B comme cela a pu être prétendu. A ceux qui disent « ce qui est légal, n’est pas forcement moral », je répondrai « ce qui est religieux, n’est pas forcement spirituel »".
"Nous demandons le droit d’exister"
Stéphane Ducamp clame haut et fort, "Nous existons ! Nous ne demandons pas la tolérance, mais le droit d’exister à part entière, en termes de couples, de familles, de personnes reconnues par l’Etat. Nous réclamons des droits. N’avons-nous pas les mêmes devoirs que les opposants à cette loi ?".
Il ne ferme pas la porte à toute discussion avec les opposants à la loi sur le mariage pour tous "si ce n’est pas le procès de l’homosexualité et si le sujet concerne le code civil et non la Bible". Car "débattre c’est entendre l’autre en partant d’un sujet commun, et non pas deux débats parallèles sur deux sujets différents".
A ceux militent comme lui pour l’adoption de cette loi, Stéphane Ducamp leur lance "courage", car "nous avons encore beaucoup à « entendre », et encore beaucoup d’insultes à subir comme lors du débat concernant le PACS en 1998".
Enfin, pour conclure Stéphane Ducamp cite "le fils adoptif de 10 ans, de deux de meamiEs qui me disait « Pourquoi on en veut autant à mes mamans » ! Messieurs les opposants avez-vous la réponse et sauriez vous la lui expliquer ?".
Autant de questions soulevées par ce projet de loi. Depuis plusieurs mois, la rue a parlé avec de nombreuses manifestations. Place désormais aux législateurs. Les débats qui commencent demain à l’Assemblée nationale vont durer deux semaines. Quinze jours pour décider de plusieurs volets juridiques qui vont gouverner la vie familiale de demain.