L’UFR (Union des Femmes Réunionnaises) pointe du doigt les dires d’un candidat à la mairie de Saint-Leu. Il aurait déclaré que la candidate Karine Nabenesa “ne fait pas l’unanimité”, des propos jugés "misogynes" avec pour but "de chasser les femmes de l’espace politique".
À l’approche des échéances électorales, on voit les machos sortir du bois pour passer à l’attaque des femmes qui s’engagent en politique.
Ainsi, à Saint-Leu, ville ou les égos mâles se livrent des combats de coqs pitoyables, un prétendant à la fonction de maire, ancien élu sur la liste du maire de Saint-Leu et de Didier Robert à la Région, s’autorise à donner des leçons à une femme candidate.
La candidate Femme, Karine Nabenesa, selon lui, “ne fait pas l’unanimité” ! C’est un macho devinèr qui prédit l’avenir de Saint-Leu ! Et vous Monsieur est-ce que vous faites l’unanimité ? Vous cherchez à faire la boue avant la pluie, à disqualifier une femme candidate avant même que le peuple n’ait parlé ! Seul le peuple de Saint-Leu dira dans les urnes à qui il offrira non pas l’unanimité mais la majorité de ses voix !
Ce concurrent ose déclarer qu’il a eu “le courage de lui dire que sa candidature ne fera pas l’unanimité. J’ai dû toucher son ego.” Mais Monsieur ce n’est pas “un ego” que vous touchez, c’est à l’ensemble des femmes réunionnaises que vous portez attaque ! Ce n’est pas du courage que vous avez, mais la volonté de chasser les femmes de l’espace politique !
Lorsque vous vous adressez à un autre candidat potentiel, vous débattez du fond, de réelles problématiques politiques. Mais une femme ne devrait carrément pas avoir le droit de se présenter sous prétexte qu’elle ne ferait pas l’unanimité ?
L’UFR rappelle le long combat mené pour que les femmes accèdent au droit de vote et de se présenter à une élection. En France, il a fallu attendre le 21 avril 1944 pour que les femmes obtiennent le droit de voter et d’être candidates à une élection, après plus de 150 ans de mobilisations civiques.
À la Réunion, le 27 mai 1945, les femmes votaient pour la première fois aux élections municipales, qui avait été reportées de près d’un mois par rapport à l’Hexagone, à cause du violent cyclone du 7 avril 1945 qui avait dévasté l’île.
Il est important aussi de rappeler que c’est Fernand Grenier du Parti communiste français (PCF), conseiller municipal et député de la ville de Seine-Saint-Denis qui déposa l’amendement qui, une fois adopté à la majorité, permit que soit signée par le Général de Gaulle, le 21 avril 1944 l’ordonnance ouvrant le droit de vote aux femmes. Lors de ce premier vote, les femmes se sont déplacées en masse à la Réunion, elles ont contribué à faire monter le taux de participation au scrutin, à 73,5%. Les femmes réunionnaises ont occupé 37 sièges. Soit 6,7% contre 93,3% aux hommes. Ce jour-là, il fallait choisir entre, d’un côté, les candidats de l’abolition du statut de colonie de La Réunion et sa transformation en département français et de l’autre côté, les candidats réactionnaires opposés à la départementalisation. Et ce sont les candidats progressistes du Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale, le CRADS, favorables à la « Réunion Département français » qui ont remporté ces premières élections ouvertes aux femmes.
Aux municipales du 27 mai 1945, les listes du CRADS recueillent 71% des voix et battent les candidats de l’union républicaine, démocratique et chrétienne : les progressistes gagnent contre “la droite” de l’époque qui souhaitait maintenir la Réunion dans la nuit coloniale.
Les femmes réunionnaises entrent dans la vie politique, se rendent aux urnes et surveillent les bureaux de vote. Elles sont présentes sur les listes : Mme Cerou, Fontaine, Amelin (Saint-Denis), Mme Morin, Mme Henry, Melle Apollina Delpha (Le Port), Anne Hoareau, Emilia Chanu (La Possession), Lépinay (Saint-Paul)… Parmi ces femmes, Isnelle Amelin est à l’origine de la naissance de l’Union Générale des Femmes Françaises en 1944).
La création d’une antenne de l’UFF annonce la naissance d’un féminisme réunionnais organisé et structuré dès 1946. Les mouvements de résistance des femmes s’organisaient bien avant cette date mais la création de l’UFF, puis de l’Union des Femmes de La Réunion en 1958 (l’UFR) marque l’arrivée d’un féminisme contemporain et l’inscription des discours féminins dans l’espace discursif politique, associatif et militant. Aujourd’hui, l’UFR continue ce combat, initié il y a 81 ans par nos aïeules progressistes.
L’UFR appelle les femmes à se battre pour les droits acquis et à résister au machisme et rappelle que les femmes ont toute leur place en politique, comme dans tous les espaces de pouvoir. Les violences symboliques, les tentatives de disqualification et les propos paternalistes n’ont rien d’anodin : ils participent d’un système sexiste qui cherche à maintenir les femmes à l’écart de la décision publique. Nous dénonçons ces pratiques d’un autre âge qui, sous couvert de débat politique, visent à délégitimer l’engagement des femmes.
À celles qui s’engagent, malgré les attaques et les pressions, nous disons : tenez bon. Vous n’êtes pas seules. Chaque pas que vous faites ouvre la voie à d’autres. Nous resterons vigilantes, solidaires et mobilisées pour que la parole des femmes soit entendue, respectée et prise en compte.
Fanm dobout, toujours !
Le 18 avril 2025. L’Union des Femmes Réunionnaises.