En mars dernier, un homme âgé de 41 ans a assassiné trois de ses enfants. Il a expliqué avoir conscience de son geste et avoir agi suite à une rupture difficile. Suite à cela, la députée réunionnaise a interpellé le gouvernement.
La députée réunionnaise Huguette Bello a interpellé le gouvernement pour l’alerte sur la protection des enfants suite au drame qui a eu lieu à la Rivière des Galets.
"Ma question s’adresse à Mme la ministre de la Justice.
Il y a dix jours, à La Réunion, dans un contexte de rupture conjugale, trois jeunes enfants, trois frères ont été assassinés par leur père.
Leur sœur aînée, à peine dix ans, est la seule rescapée de la fratrie parce qu’elle a réussi à s’enfuir. Ce triple infanticide a ému toute La Réunion.
Ce drame rappelle à quel point le moment de la séparation est une période à très haut risques.
Il nous alerte aussi sur l’urgence à protéger les enfants dans ces phases de grande tension. Certes l’ordonnance de protection les concerne également quand les violences conjugales sont avérées. Mais outre que les demandes n’aboutissent pas toujours et pas toujours assez vite, les enfants sont, dans les faits, encore trop rarement entendus. Leur parole et toutes les formes d’expression adaptées à leur jeune âge ne sont pas suffisamment prises en compte. La corrélation entre l’âge et la capacité de discernement est toujours très forte en dépit d’un arrêt de la Cour de cassation de 2015. Cette pratique a une justification : l’intérêt du mineur.
Mais cette notion, désormais au fondement du droit de la famille, n’est pas précisément définie par les textes. « Notion magique » selon le doyen Carbonnier, « concept mou » pour Robert Badinter, l’intérêt du mineur est apprécié de manière fort variable.
C’est pourquoi au nom même de l’intérêt des enfants, il parait nécessaire de ne plus se référer seulement à leur âge pour apprécier leur capacité de discernement et de rendre obligatoire l’audition du mineur dans toute procédure le concernant, y compris en recourant à des évaluations psychologiques.
Mme la Ministre êtes-vous favorable à ces transformations en sorte que les enfants ne soient plus les otages des conflits familiaux. Pire, qu’ils ne paient plus de leur vie les séparations conflictuelles de leurs parents."
"M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la santé.
Madame la députée, permettez-moi de répondre au nom de Mme la Garde des sceaux, retenue par ailleurs, et qui vous prie d’excuser son absence.
Ce triple infanticide a ému non seulement la communauté réunionnaise, mais l’ensemble de la communauté nationale.
Il renvoie à ce qui est la réalité dans notre pays, aujourd’hui, où, tous les cinq jours, un enfant meurt sous les coups d’un membre de sa famille. Le nombre de ces morts, au sein du cercle familial, ne diminue pas ces dernières années.
Vous le savez, c’est dans les premières années de leur vie que les enfants sont les plus exposés à la violence intrafamiliale. C’est pourquoi le premier axe de la stratégie de protection de l’enfance, que nous avons lancée la semaine dernière, concerne non seulement l’accompagnement à la parentalité, mais aussi la lutte contre toutes les violences faites aux enfants.
Des mesures seront annoncées dans les semaines à venir.
D’ici là, sachez qu’une mission tripartite, entre le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la justice, portant sur les morts violentes d’enfants au sein des familles, a effectué cette année un travail d’analyse, qui est un préalable indispensable à des propositions d’amélioration du fonctionnement de nos services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires, qui concourent tous, en se coordonnant, à la protection de nos enfants. Car il s’agit bien de la coordination entre ces différents services et de la perception de signaux souvent faibles, dont l’addition doit alerter et mobiliser l’ensemble des services. Cette mission a par ailleurs confirmé le lien très fort entre violences conjugales et violences faites aux enfants, qui n’était pas établi jusque-là. La séparation conjugale peut effectivement constituer une période à risque.
Des mesures concrètes seront prochainement mises en oeuvre pour permettre une meilleure information du juge des affaires familiales, des risques pour les enfants, et une meilleure articulation entre les décisions des juges aux affaires familiales et des juges des enfants. Si les premiers ne sont pas systématiquement saisis en cas de séparation ou de conflit entre les parents, nous devons en effet progresser sur leur formation afin qu’ils puissent mieux détecter les signaux d’alerte, en auditionnant les enfants en âge de s’exprimer, ou en réalisant une expertise psychologique ou une enquête sociale."