Les larves frites ou le carry guêpe sont des mets très prisés à La Réunion, surtout en cette période de la Semaine sainte, juste avant les fêtes de Pâques. Mais avant de pouvoir passer à table, il faut aller les chercher. Patience et observation sont de mise.
7h ce vendredi matin, René-Paul et son frère Félix commencent à scruter les bois. Sans l’ombre d’une hésitation, ils s’enfoncent dans cette végétation épineuse. Une heure plus tard, un premier nid de guêpes est découvert sous l’une des nombreuses feuilles d’un choka vert. Pas besoin de grand chose pour le récupérer.
"Moin mi tir ça ek cigarette, au moin na point d’amaillaz ni d’zafer i tomb à terr pour fout de feu ; quan ou la fini ou mouill à li ek un ti peu de l’eau. I faut être prêt, les guêpes i pik pas ou ça. C’est quand ou tire ek crochet que li ravage a ou", explique René-Paul.
Joignant le geste à la parole, soufflant sur les guêpes, ces dernières désertent les lieux et le nid est cueilli. S’enchaînent alors de longues heures de marche, sabre à la main pour se frayer un chemin dans la végétation ; le danger est partout.
"C’est la galère, pour aller chasser, mais maintenant mi sava pu du côté des remparts, avant quan mi lété jeune mi partait un peu. Maintenant non, i rôde un peu dans le plat, mi rassure marmay aussi en même temps, zot i yem pa pas trop quand mi sava dans les remparts" poursuit René-Paul.
Pour mieux localiser les guêpes, il faut prendre de la hauteur et grimper aux arbres, afin de repérer le moment où elles cherchent de l’eau et à manger, avant de regagner leur nid.
"Zot i sava trap’ de l’eau, normalement i devrait aller directement au nid."
D’autres nids sont découverts, mais, trop petits, ils sont laissés sur place. Sur un tamarinier de plus d’une vingtaine de mètres de hauteur, le chasseur se déchausse et se rapproche le plus possible. Mais l’effort ne paye pas, les nids sont pratiquement vides. Pas de quoi décourager Félix. "Pour goûter pour la saison na point un tas dedans, mais i peu aller."
Avec un autre nid situé à mi-hauteur, les chasseurs s’adaptent. La perche étant trop petite, ils ont tout prévu, le système D consiste à rajouter un bout de bois. Simple et efficace !
Le bilan de la chasse, un peu plus d’une dizaine de nids récupérés et aucune piqûre. "Nou lavé peur que nou té trouv pas rien, mais nou la pa sort bredouilles."
Une bonne matinée pour les deux frères, qui ne comptent plus le nombre de fritures ou de carry carême -comme on l’appelle à La Réunion- qu’ils ont dégusté depuis le début de la saison.