Invité du journal de 19 heures d’Antenne Réunion, l’apnéiste Fred Buyle a livré hier soir, en avant première, les conclusions de l’opération de marquage privée qu’il a menée avec son équipe et des plongeurs locaux au large de Saint-Gilles. Selon ce spécialiste mondial des requins, il y aurait très peu de squales dans les eaux réunionnaises et les individus observés seraient plutôt craintifs. Fred Buyle estime que les plages de Boucan et des Roches Noires devraient être rouvertes au public. Il insiste cependant sur l’importance de responsabiliser les usagers qui de nos jours vont à la mer "comme au supermarché".
L’absence de marquage laisse un peu perplexe. Doit-on être rassuré ou inquiet par le bilan de cette opération de marquage privée ?
Fred Buyle : Je pense qu’il faut être plutôt rassuré dans la mesure où nous avons passé beaucoup de temps dans l’eau et nous n’avons vu que quelques requins. Moi qui ai l’habitude de plonger dans les mers tropicales, je peux dire qu’ici, à la Réunion, il y a très peu de requins. Nous nous sommes tout de suite dirigés vers les bons spots car nous avions recoupé les informations au préalable. Dès la première sortie, nous avions vu un requin bouledogue, dès la première mise à l’eau, le lendemain de mon arrivée.
Seulement voilà, les requins sont très craintifs, pratiquement impossible à approcher ou faire approcher, puisque nous travaillons surtout à les faire approcher, plutôt que de leur courir après.
Sur les images sous-marines que vous avez tournées avec votre équipe, on vous voit approcher de très près les requins et pourtant, vous ne parvenez pas à les marquer. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
Fred Buyle : Concernant ces images, il s’agissait d’un individu assez grand et nous n’avions pas suffisamment de puissance au niveau du fusil. Nous avons eu du mal à nous mettre en route à cause de multiples facteurs. Au départ, il y avait en effet des zones auxquelles nous ne pouvions pas accéder, il y avait la question des appâts à étudier aussi, etc. Donc à la fin, nous savions exactement où aller et comment fonctionner. Il y a des observations régulières et ça c’est important. Les requins sont là, là où on avait dit qu’ils étaient.
Vous confirmez qu’ils sont plus nombreux ?
Fred Buyle : Je ne pense pas qu’ils sont nombreux, justement. Pour une mer tropicale, je pense qu’il y a très très peu d’individus. Selon moi, les accidents qui se sont produits sont vraiment à mettre sur le compte de la fatalité. Il n’y a pas une profusion de requins qui pourrait expliquer ce phénomène.C’est mon point de vue sur cette histoire. Maintenant, les gens ne sont peut-être pas prêts à l’entendre de cette façon. Mais on peut prendre le problème dans l’autre sens. Vous avez sûrement eu beaucoup de chance pendant 25 ou 30 ans, vu le biotope dans lequel se sont déroulées ces agressions.
Une hypothèse est envisagée, celle d’un individu qui serait seul responsable des attaques recensées dans les eaux réunionnaises. Vous penchez pour cette hypothèse ?
Fred Buyle : Il pourrait s’agir d’un individu déviant ou d’un individu blessé qui s’en prendrait à des proies faciles, autrement dit, les surfeurs et nageurs. Une autre explication possible : la période durant laquelle on a enregistré les attaques correspond à la période de gestation et de mise bas des requins. A ce moment, les requins doivent s’alimenter un peu plus.
Ce n’est qu’une hypothèse. Cette opération privée ne peut suffire à donner des indications sur le long terme. Et de toute façon, dès le début, l’opération de marquage n’avait pas donné une réponse ferme et définitive à court terme.
Nous n’avons vu que des requins bouledogues et la aussi c’est étrange car nous n’avons vu aucun petit individu, pas de pointe blanche ni un autre petit requin de récif durant notre séjour.
Vous avez rencontré cet après-midi des représentants de l’Etat et de l’Institut pour la Recherche et le Développement (IRD). Des mesures ont-elles été prises ?
Fred Buyle : Aucune mesure directe. Mais je pense que la population attend quelque chose qui ne pourra pas réellement arriver. Vous ne pouvez pas avoir une mesure directe étant donné que l’on a affaire à un phénomène naturel, avec des animaux sauvages dans un milieu qui n’est pas sécurisé.
Il y a vraiment un paradoxe car on voudrait prendre des mesures mais on ne peut pas sécuriser un milieu comme celui là. Je pense que maintenant ce qu’il faut faire, c’est responsabiliser les usagers de la mer. Ce que je pense, c’est que maintenant, on va à la mer comme on va au supermarché. Les gens ne sont plus responsabilisés. Vous allez en Afrique du Sud ou en Australie, où il y a un vrai problème de requins, il y a des panneaux. Vous connaissez les dangers, ce qu’il faut faire pour les éviter. Après, c’est à vous de prendre le risque ou pas. Les gens s’éduquent. Dès lors que l’on informe les gens, ils vont d’eux-mêmes aller chercher d’autres informations.
Peut-on selon vous rouvrir les plages de l’Ouest à la baignade ?
Fred Buyle : Pour moi, il n’y a aucun problème. Mais il faut responsabiliser les gens.