Koz kréol dan’ tribunal. Pas toujours évident pour les prévenus lorsque de l’autre côté de la barre se trouvent des magistrats qui ne comprennent pas le créole. Alors, pour faciliter les échanges une interprète assermentée exerce actuellement à Saint-Denis. Une avancée qui est la bienvenue dans le monde de la justice, chez nous.
Dans certaines affaires devant les tribunaux, il est courant qu’un mis en cause soit uniquement créolophone et qu’un magistrat n’ait aucune notion dans notre langue régionale.
La présence d’un traducteur créole/français devient alors fondamental d’après des Réunionnais interrogés : « Ça va permettre aux créoles qui sont face à la justice de mieux pouvoir s’exprimer », « Si un avocat ou un juge ne comprend pas ce que l’accusé est en train de dire, ça va être difficile de le juger correctement. »
Mahëva Permalnaïck est aujourd’hui la première interprète en langue créole assermentée à la cour d’appel de Saint-Denis. « Il y a beaucoup de problèmes de compréhension, explique-t-elle. Même s’il y a une proximité linguistique entre les deux langues, il n’est pas toujours facile pour les gens de se comprendre. Cela crée de nombreux malentendus. Par exemple, un prévenu a dit : ’Mwin la kri ali parske mwin la dépoz marmay, apré mwin la parti.’ et le juge a dit ‘Mais pourquoi crier sur votre ex ? Ce n’est pas un comportement convenable.’ »
La justice ne disposait pas auparavant d’un interprète assermenté en créole. C’est désormais chose faite. Les avocats créolophones, qui parfois enfilaient la casquette de traducteur, réclamaient un interprète expert. « Devant un magistrat, souvent, le créole n’ose pas dire qu’il ne comprend pas, remarque Farid Issé, avocat au barreau de Saint-Pierre. Il y a déjà eu des erreurs d’interprétation, j’en suis certain et il doit y en avoir encore aujourd’hui. »
Interrogé sur la question de compréhension et d’interprétation du créole, le syndicat des magistrats de La Réunion accueille lui aussi favorablement cette nouvelle. « C’est important que les gens qui le souhaitent soient assistés. Pour nous, c’est beaucoup plus confortable d’avoir un interprète officiel plutôt qu’un membre de la famille. », indique Jasmine Hoefler, directrice régionale du syndicat de la magistrature.
Des problématiques qui ne concernent pas uniquement le monde judiciaire, mais s’étendent à d’autres sphères de notre société, comme l’explique Mylène Lebon-Eyquem, sociolinguiste : « Ce n’est pas le seul endroit où cela pose problème, sauf que dans le milieu judiciaire, le prévenu est seul avec un enjeu qui est extrêmement important pour lui. Au niveau du médical aussi, le langage technique peut causer des difficultés. Il y a des expressions créoles que l’on appelle des faux-amis qui peuvent amener certains malentendus. »
Les justiciables pourront donc faire appel à un interprète lors de procès, de garde-à-vue ou de simples auditions. La langue créole, quant à elle, a désormais toute sa place dans les instances judiciaires de La Réunion.