La ministre de la Justice Christiane Taubira a annoncé la suspension de la création de 18 Centres Educatifs Fermés (CEF) alors que le programme de François Hollande prévoyait d’augmenter ces structures. Une annonce qui suscite de vives réactions à La Réunion.
La garde des sceaux a récemment présenté les grandes lignes de sa politique pénale. Elle a notamment déclaré avoir mis un frein à la transformation de 18 foyers en Centre Educatif Fermés (CEF) et avoir lancé une inspection d’évaluation sur ces centres.
Une décision qui va à l’encontre des déclarations de François Hollande lors de la campagne présidentielle. Le candidat s’était alors engagé à doubler le nombre de ces centres. "Je doublerai le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant à 80 durant le quinquennat", avait-il promis. Dans un entretien au journal Libération, la ministre de la Justice se dit plus favorable au milieu ouvert où 80% des jeunes ne récidivent pas.
Dans notre département, il n’y a qu’un seul CEF à Sainte-Anne. 24 personnes travaillent dans ce centre : éducateur, administratif, psychologue, services techniques...et l’annonce de la ministre de la Justice suscite de nombreuses réactions.
Gilbert Cabannes est le président de l’association aide et protection de l’enfance et de la jeunesse, une association chargée du fonctionnement de ce CEF. Il explique que la structure est avant tout "une alternative à l’incarcération". Il n’y a pas de cellules comme en prison même si les jeunes se retrouvent dans une enceinte fermée. Mais ils sont dans des "chambres individuelles". Ils bénéficient également de diverses activités encadrées et des formations pour aider à leur réinsertion.
Le CEF accueille des mineurs entre 13 à 18 ans "dans le cadre d’un placement judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve", ajoute Gilbert Cabannes. Les éducateurs travaillent avec "des délinquants multi-récidivistes ou pas" et "des jeunes qui ont commis des actes graves". Le président de l’association pointe du doigt le coût de fonctionnement qui pourrait avoir influencé la décision de la ministre.
Gilbert Cabannes précise que le personnel qui travaille dans ces centres "sont payés à la journée. Les centres sont obligés d’avoir 24 personnes au cas où il y aurait 12 gamins. S’il y a donc 3 ou 4 gamins, ils ne percevront que le financement de 3 ou 4 gamins et pas de 12. C’est pas remplir pour remplir parce que les délinquants ne s’inventent pas. Après il faut savoir ce que les magistrats veulent faire des centres fermés. Si les magistrats trouvent qu’ils n’en n’ont pas besoin, ils ne s’en servent pas, mais c’est pas ce qu’ils disent en ce moment".
Selon lui, pour pallier au manque de CEF, il faudrait modifier leur fonctionnement "je pense qu’on peut continuer avec ce qui existe mais ça ne veut dire qu’il faut améliorer le fonctionnement interne ou le modifier. On ne peut pas faire tourner un établissement qui demande 24 personnes de garde, tous les jours de l’année, 24 heures sur 24 lorsque finalement un nombre très infime de jeunes y sont placés".
Pour l’instant il ne trouve pas d’autre alternative à ces structures spécialisées pour aider les jeunes à trouver une porte de sortie. "Je ne sais pas où on va les mettre. Alors, si on imagine les remettre dans les familles d’accueil, moi ça me paraît une idée bizarre qui serait peut-être dans l’air du temps parce qu’elle coûterait moins chère. Le but cherché est de les sortir de leur enseignement social et parfois familial, qui n’est pas bon. Les renvoyer dans les familles d’accueil, ça va être très difficile pour ces familles".
Les éducateurs quant à eux sont souvent confrontés à des situations difficiles et ne peuvent pas toujours répondre aux besoins de ces jeunes. Ils l’affirment, faire de l’éducation sous la contrainte n’est pas une solution pour favoriser l’insertion de ces jeunes qui sont souvent en rupture avec la société. Les éducateurs sont souvent impuissants et crient au désespoir. Beaucoup se font suivre par des psychiatres pour pourvoir affronter la situation.
La délinquance des mineurs récidivistes est une question épineuse qui revient sur la table avec les déclarations de la ministre de la Justice. Présentées comme un modèle il y a 5 ans par l’ex-président Nicolas Sarkozy, ces structures ne répondent pourtant pas totalement aux attentes de réadaptation des jeunes.