Les perturbations du trafic aérien dues à l’éruption d’un volcan islandais frappent directement le secteur touristique réunionnais. Ancien directeur du Comité du Tourisme à la Réunion, René Barrieu analyse les enjeux de ce chaos aérien.
Linfo.re : Le transport aérien connaît depuis ce week-end la pire paralysie de son histoire, quelles sont les conséquences directes pour le tourisme réunionnais ?
René Barrieu : A La Réunion comme ailleurs, la première conséquence est un dérèglement de l’activité,avec des répercussions sur toute la chaîne du tourisme :transport,hébergement,location de véhicules, activités de loisirs…
Le flux classique est interrompu :ceux qui ont terminé leur séjour ne peuvent pas rentrer,ceux qui l’ont programmé ne peuvent pas partir.
C’est une situation de crise certes imprévue mais depuis des années, la gestion d’une crise est une partie intégrante de l’activité et de la responsabilité professionnelle de tous les secteurs. L’impact sera directement lié à la durée de cette mise en parenthèses de l’activité touristique .Mais a priori, la situation n’a rien à voir avec la crise du chikungunya en 2006.Tout devrait rentrer dans l’ordre en quelques jours, sauf en cas de nouveau phénomène naturel.
Les pouvoirs publics ont demandé aux professionnels d’évaluer le coût économique de cette crise et semblent disposés à étudier,en particulier au niveau européen,des mesures de soutien.
En attendant,localement,les professionnels s’adaptent pour limiter la « casse » temporaire. Je ne crois pas à des conséquences significatives à long terme, spécifiques à La Réunion, du type annulation de séjours programmés dans les mois qui viennent. Sans écarter il est vrai,l’éventualité pendant quelques mois,d’une certaine hésitation à faire des séjours lointains. Mais là encore, le souvenir des images de passagers bloqués dans les aéroports s’estompera rapidement.
Sur le département, les compagnies aériennes n’ont pas encore communiqué leurs pertes financières. Mais d’ores et déjà, l’Association internationale du transport aérien (IATA) estime que la paralysie du trafic aérien coûte plus de 200 millions de dollars (147,3 millions d’euros) au secteur par jour. Pensez-vous que les compagnies Air Austral, Corsair Fly et Air France puissent modifier leur grille tarifaire dans les mois à venir pour combler leurs pertes ?
Le gouvernement est disposé à prendre en compte les coûts de cette crise sur le bilan des entreprises touchées,en envisageant des mesures au niveau européen.
S’agissant des compagnies aériennes,chacune est libre de sa « réaction »tarifaire. Il est vrai que dans toute activité commerciale, la tendance « facile » est de répercuter sur le client-consommateur final.
Mais n’oublions pas qu’au-delà de l’éruption islandaise, la crise économique mondiale est toujours présente, même si de timides signes de reprise sont perçus. Les restrictions de consommation touchent toutes les catégories sociales, ce qui peut freiner l’ardeur à vouloir automatiquement faire payer au consommateur toute les pertes subies par une entreprise. De plus, même si elle est limitée, il y a concurrence sur la desserte de La Réunion et on ne peut soupçonner a priori une volonté d’entente des compagnies.
Selon vous, quel est le délai nécessaire pour que le secteur se relève de ce chaos ? Doit-on s’attendre à des conséquences à long terme sur l’image de marque de la destination (problème d’hébergement au sein de l’aéroport, manque de communication des compagnies etc…) ?
Le délai de rétablissement est directement lié à la durée de vie (réelle et médiatique) du nuage islandais. Je ne crois pas à un impact à long terme sur l’image spécifique de la destination Réunion. Les problèmes ont été identiques dans tous les pays concernés, y compris les dysfonctionnements constatés en matière d’hébergement et de communication .Sur ce point, la médiatisation a été globale et tous les pays ont été logés à la même enseigne. C’est sans doute quelque peu différent pour les compagnies aériennes, certaines ont paru plus visées que d’autres pour leur manque de communication.
De nombreux hôtels affichent complets en raison de cette situation inédite. Toutefois, pensez-vous que leur chiffre d’affaires sera affecté par le fait que les touristes bloqués sur l’île risquent de réduire leurs dépenses ?
La situation hôtelière parait différente selon la localisation, notamment en fonction de la proximité avec l’aéroport Roland Garros. Les professionnels ont été amenés à adapter leurs tarifs, ce qui est un geste commercial appréciable dans ce contexte. Mais le management de crise est une partie intégrante de la gestion hôtelière .Quant à la réduction des dépenses des touristes bloqués, c’est encore plus une évidence en fin de séjour de vacances ,dans une conjoncture globale de crise économique et de gestion serrée des budgets.
Quels enseignements faut-il tirer de la gestion locale de cette crise mondiale ?
Il me parait un peu tôt pour dresser un bilan la fois du coût pour la destination et de la gestion locale de cette crise ponctuelle, qui ne doit pas faire oublier qu’il y a toujours un contexte de crise économique mondiale sans doute plus pesant et plus durable pour l’ensemble du tourisme international.