« On ne naît pas femme on le devient »
Simone De Beauvoir
Cette citation qui ouvre notre billet est tirée de l’essai philosophique de Simone De Beauvoir « Le deuxième sexe ». La phrase de l’auteure fut polémique à l’époque, mais pourquoi ? Simone De Beauvoir remettait-elle en cause le sexe biologique des femmes ? Bien évidemment que non !
« La société fabrique la féminité comme on fabrique (...) la masculinité, la virilité » dénonçait la philosophe. Nous retrouvons ce constat tous les jours, il suffit de regarder le traitement réservé aux filles et aux garçons par les parents, du moins certains !
Il existe une socialisation en fonction du milieu social ou encore en fonction du genre (j’y reviendrai plus tard !). Le processus de socialisation correspond donc à l’intériorisation des normes, des valeurs, mais aussi de la culture de la société dans laquelle on vit.
Vous vous dites sûrement : kosa boug-la la pou rakonté ?
Je m’explique ! C’est lors d’interactions sociales que l’individu apprend progressivement à adopter un comportement conforme aux attentes de la société (ou de son groupe). Autrement dit, et pour reprendre la sociologue Muriel Darmon, la socialisation est « la façon dont la société forme et transforme les individus ».
Le genre correspond au sexe social d’un individu. En employant cette notion, il ne s’agit pas de nier le sexe biologique mais d’insister sur les différences non biologiques (psychologiques, sociales, économiques, politiques etc.) distinguant les hommes et les femmes. Par exemple, comme le fait d’associer le rose aux filles, le bleu aux garçons (foutor !). Il m’arrive de faire l’expérience auprès de mes élèves et de leur demander de cibler les différences de comportement, s’il y en a, entre les filles et les garçons. Les adjectifs associés aux filles sont : douces, gentilles, douées, sensibles etc. Ceux associés aux garçons : agressifs, ambitieux, turbulents, sportifs etc.
Ces associations d’idées produisent des stéréotypes liés au sexe ! Des sociologues ont montré que dans leurs représentations, certains parents voient plus leurs garçons en sport de combat ou au foot, et leurs filles en sport expressif (danse, équitation). De même, ils ont aussi tendance à proposer des jouets différents selon le genre. Dans le documentaire « garçons / filles : d’où viennent nos différences ? » (voir vidéo) on voit un enfant s’amuser dans une ludothèque et sa maman lui retirer spontanément un landau rose des mains et lui proposer de jouer avec une moto. Inconsciemment, cette maman dit à son enfant que ce qu’il lui convient c’est une moto et non un landau ; un landau c’est un jouet de petite fille.
Certains de mes élèves rigolent en voyant cette scène, plus encore quand à un moment donné le reportage montre un petit garçon s’appelant Côme jouer avec une poupée et s’en occuper comme si c’était un bébé.
Pour Chantale Zaouche, psychologue, il est normal que Côme aime jouer aux poupées car il s’identifie à son père. En effet, il a l’habitude de voir son papa s’occuper des enfants à la maison. Ce qui fait dire à la spécialiste que le modèle parental à plus d’influence sur les comportements que les hormones, que dans cette situation, l’acquis prime sur l’inné !
Mais les stéréotypes ont la vie dure. Je disais tout à l’heure que certains de mes élèves rigolaient en regardant cette vidéo. En effet, pour eux il est normal que la maman de Côme lui retire un landau rose des mains. L’explication étant que la mère ne veut pas que Côme devienne homosexuel ! Cette pensée ne sort pas de nulle part, ils l’ont entendu quelque part, souvent dans leur propre famille. La lutte contre l’homophobie commence dans nos familles, dans l’éducation des enfants ! Quand j’étais petit, mes soeurs me déguisaient « en fille », et ça m’amusait ! Suis-je devenu homosexuel ? Et si c’était le cas, serait-ce un problème ?
C’est aux parents, à l’école, de travailler sur ces stéréotypes. Ce n’est pas parce qu’un garçon porte du rose, joue à la poupée que cela est anormal ! Il nous faut éduquer nos enfants.
Parmi mes élèves, ce sont les garçons qui rigolent le plus souvent en visionnant la vidéo. Pourquoi ? Parce qu’ils ont été socialisés avec cette idée ! Idée qui se retrouve chez les adultes : j’aime porter du rose, je trouve que cela valorise mon teint, eh ben figurez-vous qu’à la salle de sport pendant longtemps certains pensaient que j’étais gay. Pourquoi ? Parce que je faisais mon sport avec un tee shirt rose ! C’est au détour d’une conversation qu’une amie me dit : « on pensait que tu étais gay nous ! »...je vous l’avais bien dit, les stéréotypes ont la vie dure !
Pendant longtemps, l’école participait à la reproduction de ces stéréotypes de genre. En maternelle, les activités proposées n’étaient pas les mêmes pour les filles et les garçons. Au programme « dinette » pour les filles, bricolage pour les garçons !
Les filles intériorisaient donc une attirance vers les activités liées à la maison, et les garçons vers des tâches de réparation. Ainsi, selon le genre, l’école n’inculquait pas les mêmes normes et valeurs.
Retrouve-t-on cette distinction homme / femme dans d’autres sociétés ? À d’autres époques ? La suite la semaine prochaine !
Signé Rémy BOURGOGNE
« Rémy Bourgogne est né et habite au Tapage, un petit village des hauts de la Rivière Saint-Louis. Passionné de sociologie, d’anthropologie, d’économie et de sciences politiques, c’est tout naturellement qu’il s’est dirigé vers le métier de lamontrèr « enseignant » en Sciences Économiques et Sociales. Par ailleurs, Rémy est aussi un militant associatif et politique. Enfin, féru de musique, il est musicien amateur et écrit des chansons en créole ».